Dans son souci, dit-il de réduire significativement le nombre croissant d’accidents de la route ainsi que les gaz polluants qui induisent de graves problèmes de santé et nuisent considérablement à l’environnement, le gouvernement (Cf Décret) a adopté le 6 Décembre dernier un décret fixant l’âge limite des véhicules d’occasion importés en Côte d’Ivoire en fonction du type de véhicule et de l’activité à laquelle il est affecté.
Ainsi, l’âge limite des véhicules automobiles d’occasion importés, affectés au transport public de personnes ou de marchandises, est fixé comme suit:
-cinq(05) ans pour les taxis ;
-sept (07) ans pour les minicars de 09 à 34 places;
-sept(07) ans pour les camionnettes jusqu’à 5 tonnes;
-dix (10) ans pour les cars de plus de 34 places;
-dix(10) ans pour les camions de 05à 10 tonnes;
-dix (10) ans pour les camions de plus de 10 tonnes.
Par ailleurs, l’âge limite des véhicules de tourisme d’occasion importés est fixé à cinq (05) ans à compter de la date de leur première mise en circulation à l’étranger.
Si l’intention est noble, c’est-à-dire améliorer la qualité de vie des citoyens et assurer leur sécurité routière, il est cependant à noter que cette mesure comporte des absurdités à bien des égards.
Selon le rapport du GSPM (groupement des sapeurs pompiers militaires) en 2015, les accidents de la route occasionnent en moyenne 600 morts et 13.000 blessés chaque année en Côte d'Ivoire où 94% de ces accidents sont dus à des facteurs humains (conducteurs ou usagers) et 6% sont imputables aux autres facteurs tels que le mauvais état des véhicules et du réseau routier. A travers ce rapport, nous constatons que le mauvais état des véhicules et du réseau routier pris ensemble ne représentent que 6% des cas des accidents de la route. Ce qui implique que le mauvais état des véhicules à lui seul contribue de loin à moins de 6% dans ces sinistres. Cette part presque insignifiante ne peut donc pas être invoquée comme prétexte en vue de la limitation de l’âge des véhicules d’occasion importés. Le problème est ailleurs comme le démontre sans ambigüité le rapport du GSPM selon lequel 94% de ces accidents sont dus à des facteurs humains (conducteurs ou usagers).
Pour rappel, les accidents de la route sont causés en majeure partie par l'inattention, l'influence de l'alcool et la vitesse inadaptée, etc. Nous comprenons aisément qu’un véhicule même étant neuf peut être impliqué dans des cas accidents de la route en raison de l’imprudence du conducteur ou la conduite dans un état d’ivresse. Si l’enjeu est véritablement ’’la réduction du taux croissant des accidents de la route’’, le gouvernement gagnerait alors à se focaliser, à travers des programmes participatifs, sur les facteurs humains qui contribuent à 94% plutôt que de s’attarder sur la limitation d’âge des véhicules.
La réduction des gaz polluants des échappements qui induisent de graves problèmes de santé et nuisent considérablement à l’environnement est le second objectif visé par le décret du 6 Décembre 2017.
Ceci est une préoccupation majeure pour toutes les nations du monde entier.
Mais à vrai dire, l’âge de la voiture garantit-il nécessairement l’état de bon fonctionnement du moteur ?
Nous répondrons par la négative. Car, un véhicule neuf mal entretenu commencera peu de temps après son usage à libérer des gaz polluants. D’où des véhicules flambants neufs immatriculés G, H ou J dont les moteurs ‘’fument’’ et des véhicules immatriculés A, B,E ou F aux moteurs impeccables, et vis versa.
Il n’est pas rare de rencontrer ces cas en pleine circulation même dans la capitale économique.
Au-delà de l’état des véhicules, notons que le carburant (gasoil, essence) vendu en Cote d’Ivoire pose déjà un grave problème de santé sur lequel le gouvernement devrait concentrer son énergie. En effet, selon une enquête de l’Agence Public Eye rendue publique en Septembre 2016, notre pays figure parmi les pays qui consomment un carburant hautement toxique. Dans l’essence le taux de souffre est 15 fois supérieur que celui autorisé en Europe et le constat le plus amer se fait au niveau du Diesel, où le taux est 350 fois plus important.
Hormis ce fait, il faut remarquer que ce qui fait un véhicule comme le disent les acteurs du secteur de l’importation, c’est la carrosserie et le moteur.
En Cote d’Ivoire, lorsque le moteur d’un véhicule quelconque se trouve abimé la plupart des propriétaires ont recours à la ‘’casse ‘’ pour s’en procurer un autre d’occasion importé dont la garantie avoisine les deux(02) semaines. La casse à Abidjan est le lieu de prédilection où la majorité des automobilistes achètent leurs pièces de rechange, leurs pneus (déclassés, réchappés ou usagers) à moindre coût.
Figurons-nous un instant qu’une personne dispose d’un véhicule de tourisme (âge réglementaire 5 ans à compter de sa 1ère mise en circulation à l’étranger) qui, peu de temps après son arrivée en Cote d’Ivoire rencontre une panne de moteur, ce qui n’est pas rare d’ailleurs. Si le propriétaire, comme pour la plupart, part s’acheter un moteur importé dont l’âge est de 10 ans et en parfait état de fonctionnement pour remplacer celui d’origine, on aurait alors dans la circulation un véhicule vieux de 10 ans en partant du principe que ‘’ce qui fait un véhicule c’est le moteur’’. Si au-delà , il s’achète des pièces de rechange datant d’un certain âge, on aurait également une carrosserie plus jeune cachant dans ses parties essentielles des accessoires vieux de peut-être plus de 20 ou 30 ans. Du coup cette mesure de limitation d’âge des véhicules d’occasions importés perdrait tout son sens.
Le gouvernement pourrait donc songer à mettre en place une politique contraignante qui mise plus sur l’entretien régulier des véhicules mis en circulation dans le pays plutôt que sur leur âge qui comme nous l’avions démontré ne garantit pas forcément le bon état de fonctionnement des véhicules.
Il n’est point question de rappeler que l’importation des véhicules, peu importe l’âge, génère des revenus non négligeables pour l’Etat de Cote d’Ivoire.
Au-delà des aspects sus mentionnés, la limitation de l’âge des véhicules d’occasion importés contredit le gouvernement dans sa quête de l’amélioration d’un mieux être de la population.
En effet, à la faveur du lancement de l’édition 2018 de ‘‘Perspectives économiques en Afrique’’ de la BAD en mars 2018, la Directrice Générale Adjointe chargée de l’Afrique de l’Ouest, Akin Olugbadé, a annoncé que « la part cumulée des emplois vulnérables et des chômeurs dans la population active a atteint un pic d’environ 90 % au Bénin et au Niger en 2016. Elle a varié entre 70 % et 90 % en Côte d’Ivoire, en Gambie, au Ghana, au Mali, au Sénégal et au Togo» (Source : www.ouestaf.com)
Nous estimons que ce taux de chômage est indiciblement alarmant pour un pays comme le notre.
Par ailleurs, selon le Syndicat de la Nouvelle Génération des Importateurs et Transitaires de Véhicules d’Occasion de Côte d’Ivoire (SNGTIVO CI) lors d’une conférence de presse animée le mercredi 24 janvier 2018 au centre pilote de Port-Bouët , la limitation de l’âge des véhicules d’occasion importés ralentira non seulement le taux d’achat des véhicules dans le pays où le pouvoir d’achat est assez faible, mais entrainera surtout le chômage de plus de cinq mille personnes exerçant dans le secteur .
Pour notre part, nous pensons que ce serait la catastrophe au regard du taux de chômage (Cf Rapport BAD) déjà trop élevé dans le pays.
Nous exhortons donc le gouvernement à reconsidérer, si possible à retirer ce décret, qui au lieu de permettre d’atteindre les objectifs salutaires escomptés aura sur la population des conséquences désastreuses.
MANSAN KOFFI TEHUA,
Consultant –Formateur en Management, Développement Durable, Solidarité Internationale, Communicateur professionnel, Traducteur-Interprète, Ecrivain
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