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Société

Le burn-out en Côte d'Ivoire : un fléau silencieux qui touche de plus en plus de travailleurs

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Le burn-out en Côte d'Ivoire : un fléau silencieux qui touche de plus en plus de travailleurs

Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, devient une réalité de plus en plus préoccupante dans les environnements de travail en Côte d’Ivoire.

Entre objectifs démesurés des entreprises, précarité économique et absence de mesures de soutien, les témoignages se multiplient, révélant une problématique souvent ignorée, mais aux conséquences graves.

Dans le secteur bancaire ivoirien, une employée qui a requis anonymat raconte son quotidien marqué par une pression constante.

‘’Les objectifs augmentent chaque trimestre, et il faut souvent travailler tard le soir et le week-end. À force de m’accommoder à ce rythme de travail, je n’avais plus d’énergie ni de temps pour ma famille. Quand j’ai commencé à avoir des insomnies et des douleurs musculaires, mon médecin a diagnostiqué un burn-out’’, confie-t-elle.

Ce qui a attiré l’attention de cette interlocutrice sur sa situation, c’est un malaise dont a été victime une de ses amies de lycée, employée dans une microfinance à Abidjan.

‘’Elle a commencé à disjoncter. Ses propos commençaient à devenir incohérents. Parfois, elle disait voir dans son bureau des serpents… On a dû la prendre en charge rapidement pour la sauver d’une aggravation de la maladie’’, ajoute-t-elle.

Jean-Marc, cadre dans une entreprise de télécommunications, partage une expérience similaire. ‘’Les heures supplémentaires ne cessent de s’accumuler. Même après une nuit complète de sommeil, je me sens épuisé. Je souffrais de maux de tête constants avant de me rendre compte que mon corps ne pouvait plus suivre’’, affirme-t-il au téléphone.

Marie, médecin dans un hôpital public d’Abidjan, témoigne à l’agence de presse Top News Africa de l’impact de l’excès de travail sur sa santé mentale.

‘’Pendant le Covid-19, la surcharge de travail et la pression émotionnelle étaient insoutenables. J’ai ressenti une fatigue physique intense, accompagnée de crises de panique’’, soutient cette praticienne qui soutient avoir vu des dizaines de confrères s’expatrier en France ou au Canada pour fuir cet ‘’enfer’’.

Ces récits illustrent un phénomène omniprésent dans plusieurs secteurs, mais souvent banalisé en Afrique, où la culture du dépassement de soi reste valorisée.

Plusieurs spécificités africaines exacerbent les risques de burn-out, selon Dr Sangaré. ‘’Beaucoup de travailleurs craignent de perdre leur emploi, ce qui les pousse à accepter des conditions de travail épuisantes’’, explique le psychologue, ajoutant qu’en ‘’Afrique, les obligations communautaires et familiales ajoutent une charge émotionnelle considérable au stress professionnel’’.

D’après Dr Patricia Adouko, médecin-préventeur IPS-CNPS-CI, secouriste en santé mentale et présidente de l’Association des managers pour la santé et la Qualité de vie au travail (AM-QVT), une étude du Programme national de santé mentale (PNSM), révèle que 74 % des cas de burn-out recensés en Côte d’Ivoire concernent des femmes.

Ce chiffre illustre l’impact des doubles journées (professionnelle et domestique) sur leur santé mentale. A en croire ce médecin-préventeur, ‘’le syndrome d'épuisement professionnel, ou burn-out, est un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante’’.

Selon Dr Adouko, les personnes perfectionnistes sont particulièrement vulnérables. "Ce sont des individus qui fixent des standards souvent irréalistes, ont du mal à déléguer et s’investissent intensément dans leur travail, parfois au détriment de leur vie personnelle", explique-t-elle.

‘’Le syndrome d'épuisement professionnel est une réponse à un stress chronique lié au travail’’, insiste-t-elle.

Ces profils, incapables de dire "non" ou de fixer des limites, s’exposent davantage au burn-out, surtout lorsque des difficultés personnelles ou financières viennent s’ajouter à leur stress professionnel.

Parmi les autres causes identifiées, Dr Patricia Adouko évoque des charges de travail excessives, des délais serrés, et des relations tendues avec les supérieurs hiérarchiques ou collègues. "Le manque de reconnaissance et le sentiment d’injustice, liés à l’absence de valorisation des efforts, aggravent également la situation", déplore-t-elle.

Certaines catégories de travailleurs apparaissent particulièrement exposées au burn-out. ‘’Une étude menée au CHU de Bouaké a révélé une prévalence de 56 % de burn-out parmi les soignants, exacerbée par les conditions de travail difficiles et la surcharge émotionnelle’’, souligne-t-elle.

Marie, également médecin, en est un exemple concret. ‘’Il m’arrive de passer plusieurs jours sans voir ma famille à cause des longues heures à l’hôpital. Je suis épuisée physiquement et émotionnellement’’, témoigne la jeune dame qui enchaîne aussi des prestations dans le privé pour arrondir ses fins de mois.

Les enseignants ne sont pas en reste, confrontés à des classes surchargées et à des relations parfois difficiles avec les élèves et leurs parents. Les cadres et chefs d’entreprise subissent également une pression constante pour atteindre des objectifs ambitieux, ce qui les rend vulnérables à l’épuisement.

En Côte d’Ivoire, les données sur le burn-out restent limitées, mais plusieurs indicateurs en révèlent l’ampleur. Selon le PNSM, plus de 60 000 personnes souffrent de troubles mentaux, incluant le burn-out.

"Dans certains cas, ce syndrome a été incriminé comme l’une des causes de suicides récents dans le pays", alerte Dr Adouko. La Côte d’Ivoire se classe au troisième rang africain en termes de taux de suicide, avec environ 20 cas par an.

Le médecin-préventeur déplore le manque de sensibilisation et d’éducation sur la santé mentale en Côte d’Ivoire.

"Beaucoup de personnes vivent un burn-out sans le savoir, ce qui retarde la prise en charge et favorise des formes sévères nécessitant des arrêts prolongés", explique-t-elle.

Pour Corentine, commerçante, consulter un psychologue a été une étape salvatrice. "Cela m’a permis de comprendre que prendre soin de ma santé mentale n’était pas un luxe, mais une nécessité", témoigne-t-elle.

L’Organisation internationale du travail (OIT) insiste sur l’importance des formations sur le bien-être au travail, mais ces initiatives restent marginales sur le continent.

Bien que le burn-out soit reconnu comme une maladie professionnelle par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sa prise en charge en Afrique demeure embryonnaire.

Dr Adouko appelle à une approche intégrée mêlant sensibilisation, adaptation des environnements de travail et engagement sociétal. "La prévention du burn-out nécessite un effort collectif pour briser les tabous et promouvoir un environnement de travail sain", conclut-elle.

Avec une prise de conscience croissante, l’espoir demeure que cette crise silencieuse dont a même été victime un web-influenceur ivoirien, soit enfin traitée avec la gravité qu’elle mérite.

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