Ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) et premier président de la Commission de l’Union africaine (Ua) qui a succédé à l’Oua, Essy Amara a fait des révélations sur les pressions que subissent les responsables de cette Commission de la part de certains chefs d’Etat. C’était dans une interview accordée à RFI, le vendredi 28 janvier 2017 dont nous proposons un pan.
(…) l’actuelle présidente de la Commission ayant décidé de ne pas briguer un second mandat. Lequel des cinq candidats qui ont postulé pour ce poste prestigieux vous paraît le ou la plus crédible ?
Ce sont tous des candidats de très haut niveau. Aucun pays ne peut s’aventurer à présenter un candidat qui ne soit pas à la hauteur du poste mis en jeu. La présidence de la Commission constitue l'élément central dans l’organigramme de cette architecture complexe qu’est l’UA. Mais à mon avis c’est moins la qualité de la personne que les rapports de force entre les régions qui va départager les candidats. Voyez-vous, l’enjeu réel de ce scrutin n’est pas l’identité de celui qui sera l’élu, mais le pouvoir qu’il aura pour imposer ses hommes et ses décisions. Comme l’a dit mon ami Tidiane Gadio [ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal et président de l’Institut panafricain de stratégie (IPS) NDLR], le chef de la Commission demeure « un lutteur aux poings liés », entièrement à la disposition des chefs d’Etat qui lui donne les instructions. Il faut chercher l’origine de cette hiérarchie absurde dans l’architecture de l’Organisation de l’unité africaine, le prédécesseur de l’UA, dont les fondateurs ne voulaient pas que le secrétaire général soit un politique. De même, dans l’UA, la Commission a été conçue comme un secrétariat pour les affaires du continent sans véritable marge de manœuvre. Je me souviens [que] quand je dirigeais la Commission, je faisais régulièrement l’objet de pressions de la part de certains chefs d’Etat qui voulaient que j’embauche tel ou tel cadre qu’ils me recommandaient chaudement. Un autre souvenir cuisant, c’est celui de Kadhafi qui tenait à tout prix que ses propositions sur les Etats-Unis d’Afrique soient reprises telles quelles dans le texte final du sommet, bien qu’elles aient été rejetées par les autres chefs d’Etat.
Comme vous le savez, au dernier sommet de Kigali, les chefs d’Etat ont confié au président Kagamé une étude approfondie sur les réformes à engager pour moderniser le fonctionnement de l’UA. Croyez-vous que la réforme du statut du chef de la Commission entre dans son périmètre ?
On le verra bientôt puisqu’il doit présenter son rapport à l’assemblée des chefs d’Etat qui viendront clore le sommet d’Addis-Abeba. Je crains que son rapport ne soit centré que sur le mode de financement de l’UA qui est, certes, un sujet très important. L’UA ne peut pas fonctionner en toute indépendance si elle doit dépendre massivement des aides extérieures. C’était le cas jusqu’ici. La mise en place des outils de financements adéquats et propres au continent permettra peut-être enfin de réviser à la hausse les salaires des cadres qui font marcher cette organisation panafricaine. C’est un véritable problème car les cadres formés par l’UA quittent le navire dès qu’ils peuvent car ils ne sont pas suffisamment payés. Nos directeurs et sous-directeurs sont débauchés par les organisations multilatérales. A peu près 70% des cadres du département de Paix et Sécurité des Nations unies viennent de l’Union africaine. Jusqu’ici quand on parlait aux chefs d’Etat de l’urgence de plancher sur les salaires des diplomates qui encadrent les différents départements de l’UA, ils se montraient horrifiés à l’idée de devoir augmenter les rémunérations considérées comme excellentes selon les standards africains.
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NB: Le titre et le chapeau sont de la rédaction
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