Le procès du cimentier Lafarge pour financement du terrorisme en Syrie s’ouvre à Paris
C'est le début d'un procès inédit en France : une multinationale française comparaît devant la justice pour des accusations de financement d'entreprises terroristes. Le groupe Lafarge et plusieurs de ses anciens hauts responsables sont jugés à partir de mardi 4 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes opérant en Syrie, jusqu'en 2014, afin de pouvoir maintenir en activité une cimenterie à Jabaliya, dans le nord du pays. Des accusations que les prévenus contestent.
Dans ce dossier, Lafarge est accusé d’avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syrie (LCS), plusieurs millions d’euros à des groupes rebelles, dont certains comme l’organisation État islamique (EI) et Jabhat al-Nosra ont été classés comme «terroristes ». Et ce, dans un seul but : « maintenir l’activité » de sa cimenterie de Jabaliya. Une usine dont la construction, tout juste achevée en 2010, avait nécessité 680 millions d’euros d’investissement.
En 2012, alors que les multinationales quittent la Syrie, en proie à la guerre civile depuis l’année précédente, Lafarge n’évacue que ses employés expatriés et maintien en revanche ses salariés syriens en activité, jusqu’à la prise de la cimenterie par l’EI en septembre 2014. Entre-temps, LCS aurait payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matière première auprès de plusieurs groupes armés, dont l’EI, et pour s’assurer que ces groupes facilitent la circulation des employés et des marchandises.
La société Lafarge SA doit répondre de financement d’entreprises terroristes, tout comme son ancien PDG Bruno Lafont, 5 ex-responsables des chaînes opérationnelles ou des chaînes de sûreté, ainsi que deux «intermédiaires » syriens, dont l’un est visé par un mandat d’arrêt international et devrait donc être absent au procès. Certains des prévenus sont également poursuivis pour non-respect de sanctions financières internationales.
« Le mobile financier ne tient pas une seule seconde, et nous le démontrerons. Rien n’aurait pu justifier une telle décision, avancent auprès de RFI les conseils de l’ex-PDG Bruno Lafont. En août 2014, à l’instant où un accord possible avec Daech [l'acronyme arabe de l'EI, NDLR] est évoqué pour la première fois devant Bruno Lafont, il décide immédiatement de fermer l’usine. Les éléments matériels du dossier confirment ce qu’il dit depuis le premier jour de cette enquête », soutiennent-ils.
De son côté, Joachim Bokobsa, avocat du Syrien Amro Taleb, conteste également le rôle attribué à son client par les juges d’instruction, qui selon lui « ont fait fausse route en le présentant comme un intermédiaire sulfureux qui serait lié de près ou de loin à des groupes terroristes. Il n’en est rien. Bien au contraire, affirme le conseil à RFI. Alors jeune syrien d’à peine 30 ans et qui a vu son pays ravagé par une guerre civile, Amro Taleb s’est impliqué au péril de sa vie en luttant à la fois contre le régime sanguinaire de Bachar el-Assad puis contre l’État islamique aux côtés de la coalition internationale. »
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