La situation est paradoxale et déroutante à Bondoukou. À l'approche des élections législatives du 27 décembre 2025, le maire indépendant de la "ville aux mille mosquées" s'est lancé dans un acte de contestation manifeste contre le président Alassane Ouattara, également président du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), et son parti.

L'ascension inattendue d'un indépendant

Monsieur Anzoumanan Ouattara, actuel maire de Bondoukou, a été élu sous l'étiquette "indépendant" lors des municipales de septembre 2023. Son élection dans ce qui était un bastion historique du RDR, puis du RHDP, est restée difficile à expliquer. Elle fut, semble-t-il, favorisée par une mauvaise stratégie de sélection des candidats du RHDP, le jeune postulant surfant sur des clivages ethniques et bénéficiant d'un vote sanction des militants du parti au pouvoir.

Fort de cette victoire, le maire a affiché une ambition claire : remporter tous les futurs scrutins au détriment du RHDP, misant sur les divisions internes post-municipales du parti. Son objectif immédiat était d'obtenir les deux sièges de député, avant de viser le Conseil régional. Il exprimait publiquement sa stratégie avec assurance.

La volte-face stratégique : Adhésion sans engagement

Le scénario se complique en octobre 2024. Le Président du Directoire du RHDP, Gilbert Kafana Koné, parvient à organiser un "ralliement sacré" des cadres du parti à Bondoukou, mettant fin aux dissensions. Face à un RHDP désormais uni, l'élu indépendant, conscient de ne pouvoir les vaincre dans ces conditions, opère une manœuvre tactique : il annonce son adhésion au RHDP dans son village de Dua Kouamé, le 2 novembre 2024.

Accueilli par le ministre d'État Kobenan Kouassi Adjoumani, qui voit dans ce geste un renforcement du parti dans le Zanzan, le maire participe à plusieurs activités du RHDP.

Cependant, un détail crucial est relevé par certains cadres : l'adhésion est restée une simple déclaration orale. Le maire n'a jamais officialisé son militantisme en prenant sa carte au siège du Parti. Des voix s'étaient alors élevées, non écoutées, pour dénoncer cette potentielle tromperie.

Le coup de pouce du RHDP et l'affront

Ironiquement, la suite des événements donne au maire l'opportunité de s'introduire au cœur du dispositif du parti. Bien que non inscrit dans les fichiers, ne militant dans aucune section, il est désigné porte-parole des populations lors de la visite de campagne du président du RHDP à Bondoukou, le 16 octobre 2025.

Cette désignation, au détriment de cadres, députés et présidents de conseils régionaux reconnus, a suscité une vive indignation. La question reste posée : comment un individu sans carte de militant a-t-il pu bénéficier d'un tel honneur lors d'un événement purement partisan ?

La rupture et la défiance ouverte

La provocation ultime survient lors du dépôt des dossiers de candidature pour les parrainages du parti aux législatives. Douze cadres, dont le maire et les députés sortants, déposent leurs dossiers. Sentant que le parti s'apprêtait à reconduire les sortants, le maire anticipe la décision.

Le mercredi 5 novembre 2025, il tient une conférence de presse au ton menaçant et arrogant, avec des déclarations chocs :

1. « Si la Direction ne me choisit pas, j’aviserai.»
2. « Je n’ai pas signé de pacte avec le RHDP. »
3. « Nous sommes en politique et, en politique, chacun calcule. Si le RHDP ne m’arrange pas, je ne me plierai pas à leur décision.»

Quelques jours plus tard, il met sa menace à exécution en déposant officiellement sa candidature à la CEI sous l'étiquette indépendant.

Une "arrogance révoltante"

Face à cet acte, des têtes couronnées et notables locaux ont tenté de le faire revenir sur sa décision. Un chef traditionnel s'est dit « très remonté », déplorant l'attitude du jeune maire qui « se dresse contre la volonté du chef au nom d’une quelconque ambition », notamment après l'honneur que fut la visite présidentielle à Bondoukou.

Pour couronner le tout, le maire a récemment fait placarder dans toute la ville des panneaux publicitaires affichant son portrait aux côtés du président Alassane Ouattara. Ce geste est perçu par les jeunes du RHDP comme un franchissement de la ligne rouge, une souillure de l'image du président et du parti.

Le maire Anzoumanan Ouattara est accusé d'avoir "nargué" et "trompé" les cadres du RHDP à Bondoukou. Son utilisation de l'image présidentielle pour sa propre campagne, alors même qu'il défie les candidats officiels du président, est considérée comme un acte d'« arrogance révoltante ».

Si le droit du maire de se présenter est incontestable, son attitude est jugée moralement inacceptable et appelle à une réponse ferme de la part des houphouëtistes pour préserver l'image et l'autorité du président Alassane Ouattara.