Calendar icon
Wednesday 29 October, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Tanzanie : Élections sous haute tension sur fond de répression féroce

Auteur: Ivoirematin

image

Tanzanie : Élections sous haute tension sur fond de répression féroce

À la veille des élections générales du mercredi 29 octobre, la Tanzanie se dirige vers un scrutin dont l'issue ne fait guère de doute. La présidente sortante, Samia Suluhu Hassan, et son parti, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l'indépendance en 1961, sont donnés largement vainqueurs.

Arrivée au pouvoir en mars 2021 suite au décès de son prédécesseur autoritaire, John Magufuli, dont elle était la vice-présidente, Samia Suluhu Hassan brigue son premier mandat électif. Initialement, son accession avait suscité un vent d'espoir. La présidente, 65 ans, s'était démarquée de Magufuli en levant l'interdiction des rassemblements de l'opposition, rouvrant des médias et abrogeant une loi controversée sur le retour à l'école des jeunes filles enceintes.

Cependant, cette embellie démocratique fut de courte durée. À l'approche des élections présidentielles, législatives et locales, celle que ses partisans appellent « Mama » est désormais accusée de mener un régime aussi implacable que celui de Magufuli. Les réunions de l'opposition sont systématiquement interdites ou dispersées violemment. Selon des analystes, son besoin d'asseoir son autorité et de consolider son pouvoir dans une société patriarcale, n'ayant jamais été élue, pourrait expliquer cette dérive. Les semaines précédant le vote ont été marquées par un climat de peur, une répression intense et l'absence quasi-totale d'une opposition crédible.

Une opposition neutralisée méthodiquement

Pour s'assurer une victoire écrasante, le pouvoir a méthodiquement écarté toute concurrence sérieuse. Les deux principales formations d'opposition, Chadema et ACT-Wazalendo, sont de facto hors jeu.

Le Chadema a été écarté pour avoir refusé de signer un code de conduite électoral jugé insuffisant en réformes. Son leader, Tundu Lissu, revenu d'exil en 2023 après avoir survécu à une tentative d'assassinat en 2017, a été arrêté en avril. Il est jugé pour trahison, un crime passible de la peine de mort et non éligible à la libération sous caution. D'autres figures de l'opposition ont subi le même sort :

  1. John Heche, vice-président de Chadema, a été arrêté en octobre.
  2. Luhaga Mpina (ACT-Wazalendo), un candidat populaire, a été disqualifié par la commission électorale.
  3. Ali Mohamed Kibao, un cadre de Chadema, a été retrouvé mort en septembre 2024, le corps couvert de coups et d'acide.
  4. Humphrey Hesron Polepole, ancien ambassadeur devenu critique du pouvoir, a disparu début octobre. Une vidéo témoigne de sa maison vandalisée et maculée de sang.

Face à l'élimination des partis historiques, des « partis fantômes », proches du pouvoir, ont été créés pour préserver une illusion de pluralisme.

Amnesty International dénonce une « vague de terreur »

Dans un rapport accablant publié le 20 octobre, Amnesty International dénonce une « vague de terreur » et des « violations systématiques » des droits humains. L'ONG s'inquiète de l'« intensification de la répression » ciblant l'opposition, la société civile, les journalistes et toute voix dissidente. Elle accuse le gouvernement d'avoir transformé la justice, la police et la Commission électorale en « outils de répression ».

Amnesty documente des disparitions forcées (comme celle d'un jeune TikTokeur pour une caricature), des arrestations arbitraires de militants et l'intimidation des défenseurs des droits humains. Plus de 500 membres du Chadema auraient été arrêtés l'an dernier.

Pour Roland Ebole, chercheur à Amnesty, la stratégie a évolué : « Cette fois, […] on ne se contente plus de manipuler les urnes, on élimine les opposants avant même qu'ils puissent se présenter. » Il tient la présidente Hassan pour directement responsable.

Soupçons de fraude et appels au calme

La tension est également forte à Zanzibar, l'archipel semi-autonome, où le vote anticipé a lieu dès ce mardi. L'opposition locale, menée par Othman Masoud Othman (ACT-Wazalendo), dénonce un « vol anticipé », affirmant que le parti au pouvoir utilise ce vote pour truquer l'élection, notamment avec l'inscription de « personnes décédées » sur les listes électorales, accusations balayées par la commission électorale.

Dans ce contexte délétère, où la présence des observateurs internationaux a été limitée, l'Église catholique a pris la parole. Le 14 octobre, l'archevêque de Dar es Salaam a enjoint le gouvernement de « trouver des solutions » face aux enlèvements et disparitions. Il a également appelé les Tanzaniens à ne pas se laisser « influencer par les menaces, les pots-de-vin ou toute forme d'intimidation ».

Pendant ce temps, Samia Suluhu Hassan a poursuivi sa campagne, promettant « paix et stabilité », un engagement perçu avec ironie au vu de la situation préélectorale.

Auteur: Ivoirematin
Publié le: Mercredi 29 Octobre 2025

Commentaires (0)

Participer à la Discussion