Henriette Lagou : « Il est temps pour une nouvelle génération d’accéder au pouvoir »
Dans un entretien accordé à BBC News Afrique, Henriette Lagou, 64 ans, l’une des deux femmes candidates à la présidentielle ivoirienne, revient sur son parcours et ses ambitions pour la Côte d’Ivoire. Née le 28 janvier 1956 à Issia, dans la région du Haut-Sassandra, elle est diplômée de l’École nationale d’administration (ENA) d’Abidjan et a longtemps servi dans la haute administration avant de se lancer en politique.
Proche de Laurent Gbagbo dans les années 2000, Henriette Lagou, énarque et anthropologue, a brièvement été ministre de la Famille, de la Femme et de l’Enfant dans le gouvernement dirigé par Pascal Affi N’Guessan, entre octobre et décembre 2000, avant de prendre ses distances. Candidate pour la deuxième fois à la présidentielle après sa première tentative en 2015, où elle avait récolté moins de 1 % des suffrages, elle revient aujourd’hui avec un programme axé sur la réconciliation nationale et le renforcement du tissu social, dans un paysage politique toujours marqué par les divisions post-électorales.
BBC News Afrique : Vous vous présentez pour la deuxième fois à la présidentielle. Votre programme met l’accent sur la réconciliation. Pourquoi ce choix ?
Henriette Lagou : La réconciliation est essentielle. Notre pays a traversé une crise profonde, et les cicatrices restent ouvertes. Il est urgent de permettre aux Ivoiriens de dialoguer, de se comprendre à nouveau. En Afrique, la tradition orale est fondamentale : se réunir, discuter, résoudre les différends ensemble. C’est pourquoi je propose un dialogue national pour parvenir à une réconciliation totale entre tous les Ivoiriens.
BBC News Afrique : Vous évoquez également le concept de « social hardi ». Que signifie-t-il ?
Henriette Lagou : Le social hardi concerne les besoins concrets du peuple : santé, éducation, logement… Dans certaines zones, il faut parcourir 50 kilomètres pour atteindre un centre de santé. Des enfants marchent parfois plusieurs kilomètres pour aller à l’école. Il y a un réel manque d’infrastructures. Notre objectif : « un village, un centre de santé » et « un village, une école ». Quant au logement, les logements sociaux sont insuffisants. Avec un SMIG à 75 000 francs CFA, comment un travailleur peut-il faire face à des loyers de 40 000 à 50 000 francs ? Ce n’est pas tenable.
BBC News Afrique : Comment comptez-vous financer ce programme social ? Quelles sont vos priorités économiques ?
Henriette Lagou : La mécanisation de l’agriculture est une priorité. Nous travaillons encore avec des méthodes archaïques. Moderniser ce secteur, moteur de notre économie, est crucial. Il faut aussi mieux répartir les richesses pour que la croissance bénéficie à tous les Ivoiriens, et non à une minorité.
BBC News Afrique : Vous représentez le groupement de partis GPP. Comment sont vos relations avec les autres formations politiques ?
Henriette Lagou : Nous n’avons aucun problème avec les autres partis. Certains n’ont pas de candidat cette année parce que leurs dossiers ont été recalés. Mais l’élection présidentielle n’est pas seulement l’affaire des partis, c’est avant tout celle du peuple. Plusieurs formations nous ont approchés pour discuter de collaborations ou de soutiens. D’autres préfèrent rester neutres, mais je suis convaincue que les populations feront le bon choix.
BBC News Afrique : Quinze ans après la crise post-électorale, quel regard portez-vous sur le bilan du pays ?
Henriette Lagou : La Côte d’Ivoire a progressé, c’est vrai, mais beaucoup reste à faire. Le dialogue politique a connu plusieurs phases, auxquelles j’ai participé. Cela a permis d’instaurer un certain équilibre institutionnel. J’ai également contribué à la mise en place de la Commission électorale indépendante (CEI), où j’ai siégé pendant deux ans. Je me définis comme centriste : je discute avec tout le monde et j’appelle toujours à l’apaisement.
BBC News Afrique : Votre expérience dans la haute fonction publique et en politique est riche. Quels sont vos atouts pour diriger le pays ?
Henriette Lagou : Tout mon parcours est un atout. J’ai travaillé au Trésor, je connais l’administration et les rouages de l’État. Mais je suis également proche des populations. Je connais pratiquement toute la Côte d’Ivoire, ses villages et ses réalités. On ne peut pas diriger sans connaître son peuple. Je reste attachée à nos traditions africaines, car on ne gouverne pas sans valeurs. Et surtout, je crois qu’il est temps pour une nouvelle génération d’accéder au pouvoir. L’alternance est aussi un gage de vitalité démocratique.
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