Helicobacter pylori : la bactérie silencieuse derrière le 5ᵉ cancer le plus fréquent au monde
Présente chez plus de la moitié de la population mondiale, Helicobacter pylori est une bactérie souvent discrète mais dangereuse. Classée cancérogène par l’OMS, elle serait responsable de millions de cas de cancer de l’estomac chaque année. Focus sur ce tueur invisible qui sévit aussi en Afrique.
Découverte dans les années 1980 par les chercheurs australiens Barry Marshall et Robin Warren, Helicobacter pylori (ou H. pylori) vit dans la muqueuse de l’estomac, où elle provoque une inflammation chronique.
Pendant longtemps, on croyait que les ulcères provenaient du stress ou d’une mauvaise alimentation. On sait désormais que cette bactérie est la principale cause des gastrites et ulcères gastriques, et qu’elle peut à terme déboucher sur un cancer.
Souvent, l’infection passe inaperçue. Mais derrière ce silence, H. pylori ronge lentement la paroi de l’estomac et altère les cellules qui la protègent.
Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le cancer gastrique est aujourd’hui le cinquième cancer le plus diagnostiqué et la cinquième cause de décès par cancer dans le monde.
Chaque année, près de 770 000 personnes en meurent, et environ un million de nouveaux cas sont recensés.
Les recherches menées par Nature Medicine en 2024 estiment que jusqu’à 76 % des cancers gastriques sont attribuables à Helicobacter pylori, soit entre 8 et 12 millions de cas potentiels dans les années à venir si rien n’est fait.
En Afrique, la bactérie circule largement. Des études évoquent des taux d’infection supérieurs à 70 % dans plusieurs pays.
Le manque d’accès à l’eau potable, la promiscuité et certaines pratiques domestiques (partage d’ustensiles, repas collectifs) favorisent sa propagation.
Problème : le dépistage reste rare et les symptômes sont souvent négligés. Résultat, de nombreux cas sont détectés à un stade avancé.
H. pylori sécrète des enzymes qui neutralisent l’acidité gastrique, ce qui lui permet de survivre dans un environnement normalement hostile.
Mais ce mécanisme d’adaptation provoque une inflammation chronique qui, à long terme, endommage les tissus.
Les cellules de l’estomac subissent alors des mutations qui peuvent évoluer vers une tumeur maligne.
Toutes les infections n’aboutissent pas à un cancer, mais certains facteurs augmentent les risques :
-le tabagisme,
-une alimentation salée ou riche en conservateurs,
-les antécédents familiaux de cancer gastrique,
-et la présence de souches plus virulentes (comme celles portant le gène CagA).
Le diagnostic repose sur différents examens :
-test respiratoire à l’urée,
-analyse de sang ou de selles,
-endoscopie pour les cas sévères.
Le traitement associe deux antibiotiques et un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pendant 10 à 14 jours.
Une fois la cure terminée, un test de contrôle confirme l’éradication de la bactérie.
Les médecins rappellent l’importance de ne pas interrompre le traitement pour éviter les résistances bactériennes, de plus en plus fréquentes.
-Boire de l’eau potable ou bouillie
-Se laver les mains avant les repas
-Laver soigneusement les fruits et légumes
-Éviter de partager les ustensiles ou les brosses à dents
-Consulter en cas de douleurs persistantes ou de brûlures d’estomac
La prévention, couplée au dépistage ciblé, est la meilleure arme pour freiner la progression du cancer gastrique dans les régions à forte prévalence.
Souvent silencieuse, Helicobacter pylori peut vivre des années dans l’estomac sans provoquer de symptômes, tout en préparant le terrain à une maladie grave.
Pour les experts, il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique, notamment dans les pays en développement.
« Nous savons comment identifier et traiter H. pylori. Le véritable défi, c’est d’agir avant qu’elle ne fasse des dégâts irréversibles », souligne un rapport de l’OMS.
En somme, cette bactérie n’est pas une fatalité : elle peut être dépistée, soignée et éliminée. Encore faut-il en parler et sensibiliser.
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