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La Côte d'Ivoire se positionne à l'avant-garde de l'agriculture durable en expérimentant un procédé innovant : la conversion des boues de vidange issues des fosses septiques en un engrais sûr et fertile. Ce projet pilote, qui pourrait servir de modèle, est mené à la Station de Traitement des Boues de Vidange (STBV) de Koumassi, sous l'égide de l'Office National de l'Assainissement et du Drainage (ONAD). La station de Koumassi est unique dans le pays et vient compléter cinq autres stations traditionnelles déjà fonctionnelles à Korhogo, Katiola, Bouaké, San Pedro et Anyama.
Cette initiative s'inscrit dans le cadre du programme ISC-hub, porté par l'Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody (UFHB) avec le soutien financier de la Fondation Gates. En Côte d'Ivoire, l'exécution est assurée par le Centre Suisse de Recherches Scientifiques de Côte d'Ivoire (CSRS). Le programme est également déployé au Sénégal, au Burkina Faso et au Cameroun.
La phase expérimentale en Côte d'Ivoire a produit des résultats remarquables. Le Docteur Ekra, chercheur spécialisé en agriculture durable, a indiqué que l'utilisation des boues de vidange traitées comme amendement organique pour la culture du concombre a démontré une efficacité impressionnante. Les plants ayant bénéficié de ces boues ont présenté un rendement quatre à cinq fois supérieur à celui du groupe témoin non traité. Il a souligné que les concentrations détectées demeuraient largement inférieures aux normes internationales établies par la FAO et d'autres organismes de référence, garantissant ainsi la sécurité sanitaire de l'engrais.
Pour l'écologiste Docteur Abdoulaye Fall, le recours aux boues de vidange constitue une alternative durable aux engrais chimiques, dont la fabrication et l'usage sont générateurs d'importantes émissions de gaz à effet de serre. Il a insisté sur le fait que l'utilisation des boues de vidange est une stratégie innovante de lutte contre les changements climatiques et de promotion du développement durable. L'enrichissement des sols en matière organique grâce à ces boues favorise par ailleurs la séquestration du carbone, contribuant activement à l'atténuation des changements climatiques.
Lors de l'atelier de restitution du projet, le bilan a été jugé unanimement positif. Le directeur de cabinet du ministre ivoirien de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité, Diomandé Drissa, a salué ces résultats qui « rendent l'invisible visible » et mettent en lumière le potentiel souvent méconnu du secteur de l'assainissement. Le programme ISC-hub a d'ailleurs largement dépassé ses objectifs initiaux, formant 110 professionnels grâce à l'élaboration de 48 modules de formation, et mettant l'accent sur l'inclusion et l'autonomisation des femmes.
Le Docteur Dao Daouda, directeur adjoint du CSRS, a tracé les prochaines étapes, notamment l'appropriation du projet par les mairies, les agriculteurs et le secteur de la formation. Pour assurer la pérennité de l'action, la création d'un Master et de modules certifiants est envisagée. De son côté, la Banque Africaine de Développement (BAD) a réaffirmé son soutien, se disant ouverte à accompagner la promotion des investissements pour l'amplification du projet. Les défis à venir incluent la prise en compte de l'impact du climat sur l'assainissement et la nécessité cruciale de collecter des données fiables.
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