Ce lundi 25 mai est déclaré journée de l'Afrique. A cet égard le président de la Commission de l'Union africaine a pondu une déclaration dont Ivoirematin a reçu copie.
Ci-dessous la déclaration
Frères et sœurs Africains,
Nous commémorons aujourd’hui la création, le 25 Mai 1963 ici
même à Addis-Abeba, de l’Organisation de l’Unité Africaine. Il y a exactement
57 ans, jour pour jour. Cette date, considérée comme la journée mondiale de
l’Afrique, est, comme toutes les fêtes d’envergure, un moment de joie, de
fierté mais aussi de recueillement et de méditation.
Il y a 57 ans l’Afrique a posé les jalons de son unité, mise
à mal par la colonisation, en créant une organisation commune, l’OUA, devenue
Union Africaine en 2002. 57 ans après cet acte fondateur, l’Afrique s’est
affranchie de la présence coloniale et de l’apartheid ; elle a amorcé son unité
politique et de grands progrès économiques, sociaux et culturels. De tels
progrès ne sauraient occulter les insuffisances et les retards parfois patents.
De nombreuses questions nous assaillent toujours, non sans
angoisse. L’Afrique est-elle devenue ce continent de liberté, de paix, de
prospérité et de réussite dont les pères fondateurs avaient rêvé ? Les
Africains sont-ils plus unis, plus solidaires et plus épanouis ? L’Afrique
a-t-elle conquis la place à la mesure de son immense potentiel et de ses
ambitions légitimes, sur la scène internationale ?
Le bilan d’un demi-siècle d’indépendance et de liberté du
Continent laisse dubitatif.
En dépit d’un potentiel économique considérable, d’un
capital humain riche, jeune et dynamique, la majorité des Etats africains
peinent à assurer le bien-être de leurs populations.
Des secteurs vitaux tels que l’éducation, la santé et la
sécurité dépendent en grande partie de l’aide extérieure. Le communautarisme et
le tribalisme se sont davantage cristallisés à la faveur d’un multipartisme et
des principes démocratiques parfois dévoyés.
Des crises ouvertes, générées par le terrorisme et des
conflits interethniques ou interconfessionnels aux crises post- électorales,
l’Afrique offre toujours, ici ou là, des scènes de violences, de fragilités et
d’incertitudes du lendemain.
Président de la Commission de l’Union africaine dont l’un
des engagements essentiels est de faire taire les armes dans ce Continent, je
suis profondément meurtri par le spectacle qu’offre en ce moment l’un des
membres fondateurs de l’OUA et principal initiateur et artisan de l’Union
africaine, la Libye. Le drame qui se joue dans ce pays nous affecte
profondément. L’échec ne disculpe personne, ni aucun segment de la communauté
internationale dont les responsabilités dans la poursuite, voire l’aggravation
de ce conflit, sont immenses.
Frères et sœurs d’Afrique Amis d’Afrique dans le monde,
Dans ce décor mitigé, transparaissent tout de même des
lueurs d’espoir, tant la volonté de vaincre la fatalité est grande et les
moyens de briser le cercle de la dépendance et de la pauvreté sont
significatifs. Des évolutions positives, des dynamiques nouvelles, des volontés
farouches, des réussites spectaculaires ne cessent de s’affirmer et de baliser
les chemins du futur.
Les organisations régionales se construisent, les projets
phares continentaux tels que la ZLECA prennent la bonne direction. L’intégration
économique du Continent, autre rêve fondateur de nos peuples est désormais à
portée de main. L’émergence du Continent est assurément là. Pourtant, le vœu
ardent des peuples et de la jeunesse africaine notamment, est que le leadership
et la gouvernance fassent davantage pour que l’Afrique donne, à elle-même, le
meilleur d’elle-même.
Une vision plus africaniste de ce leadership, centrée sur
des objectifs stratégiques communs et engageants s’impose si nous voulons
poursuivre le rêve légitime de notre jeunesse et des pères fondateurs.
La réforme de l’Union africaine est censée doter la
Commission de moyens juridiques et politiques appropriés pour être cet
instrument efficace pour la réalisation de nos actions prioritaires dont
l’essence est reflétée dans l’agenda 2063. Notre ambition conjuguée avec celle
de nos leaders et de centaines de millions d’africains est de marcher avec
encore plus de force et de résolution vers cet horizon.
Frères et Sœurs du Continent,
La pandémie du Coronavirus qui secoue en ce moment le monde
comme il l’a rarement été, a brisé des certitudes, affecté des assurances,
relativisé bien des croyances. Jamais l’humanité n’a paru si fragile et si
démunie. Il est peut être venu pour elle le temps de s’interroger sur ses
vanités, ses limites afin de penser autrement la civilisation de l’universel.
L’Afrique, à la grande surprise de ceux qui l’on toujours
peu considérée, s’est mobilisée aux premières heures du déclenchement de la
pandémie. Une stratégie continentale de réponse a été élaborée et immédiatement
mise en œuvre.
Je voudrais rendre un hommage mérité aux organes spécialisés
de l’Union qui sont en charge de cette mise en œuvre ainsi qu’au Président en
exercice de notre Union, son Excellence Cyril Ramaphosa, pour les initiatives pertinentes
prises, à tous nos Etats qui ont, dans une remarquable promptitude pris les
mesures appropriées en harmonie avec la stratégie continentale.
Nous devons cependant redoubler d’efforts, de détermination
et de persévérance dans l’application stricte des piliers de cette stratégie.
Il nous faut aller au-delà de la conjoncture, en nous préparant aux conditions
du monde post pandémie.
L’Afrique est instamment interpelée à inventer de nouvelles
formes de résilience. Dans un monde où le multilatéralisme est soumis à rude
épreuve, l’Afrique doit cesser d’attendre son salut des autres. L’Afrique ne
peut plus se complaire dans ce rôle d’éternel réservoir pour les uns, de
dépotoir pour les autres.
L’Afrique est instamment interpelée pour tracer sa propre
voie. Sa dépendance et son insécurité alimentaires sont inadmissibles et
intolérables ; de même qu’il en est de l’état de ses infrastructures routières,
portuaires, sanitaires et éducatives. Ses terres, ses forêts, sa richesse
animalière, ses mines, ses potentiels énergétiques, ses eaux maritimes et
fluviales recèlent les ressources nécessaires pour une réponse suffisante aux
besoins de ses populations. Il nous faut, en toute lucidité, courageusement,
nous décider pour une approche innovante, plus introvertie qu’extravertie.
Vivons de ce que nous avons, par ce que nous avons; vivons aux dimensions de ce
que nous avons !
En nous engageant dans cette voie, nos dirigeants seront
plus proches de nos citoyens, nos Etats nationaux seront plus forts. Ce
mouvement d’introversion et d’appui sur nos propres forces, je le vois comme un
catalyseur d’une nouvelle renaissance de nos Etats nationaux. C’est dans
l’épreuve que les Nations et les Etats se construisent vraiment. Nous sommes
aujourd’hui dans ce moment de l’histoire. La grande question que nous rappelle
cette pandémie de Covid 19, avec une voix assommante, est cette impérieuse
nécessité de rompre cette dépendance de l’extérieur par le double impératif de
vivre de nos propres ressources et de nous orienter hardiment vers la voix de
notre propre industrialisation. Des ensembles moins nantis que nous l’ont
réussi dans des temps record.
J’invite avec empressement les femmes, la jeunesse, les
intellectuels, les académiciens, les universitaires les hommes politiques, les
hommes d’affaires et les vaillants militants de la société civile à engager une
réflexion féconde et active sur cette question centrale pour notre survie
matérielle, notre indépendance, notre liberté et notre dignité.
La seule façon de contenir Covid 19 et ses conséquences
désastreuses, d’assurer notre suffisance alimentaire, de créer des millions
d’emplois, de sauver les centaines de millions de nos citoyens aujourd’hui
gravement exposés aux pandémies et aux aléas de toutes sortes, est celle d’un
vrai sursaut solidaire pour une réelle résilience africaine forte et durable.
Il n’y a pas plus honorable célébration de la journée de
l’Afrique que d’engager cette entreprise intellectuelle, morale et politique,
indispensable pour une véritable renaissance de notre cher Continent.
Que Dieu bénisse l’Afrique.
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