Le président sud-africain Jacob Zuma entend bien se débarrasser de son ministre des Finances et détracteur Pravin Gordhan, malgré le refus exprimé par ses alliés et les risques de rupture au sein du Congrès national africain (ANC), au pouvoir.
Depuis plusieurs mois déjà, la bataille fait rage entre M. Zuma, mis en cause dans une litanie de scandales de corruption, et M. Gordhan, très respecté des investisseurs, qui s'opposent publiquement sur la bonne gestion des deniers publics.
Elle a pris un tour critique lundi, lorsque le chef de l'Etat a brusquement interrompu une tournée de promotion auprès des investisseurs de son ministre au Royaume-Uni en lui ordonnant de rentrer toutes affaires cessantes en Afrique du Sud.
Inattendue, sa décision a aussitôt été interprétée comme le signe imminent de son limogeage.
L'un des principaux partenaires de l'ANC dans la coalition au pouvoir, le Parti communiste sud-africain (SACP), est sorti du silence jeudi pour confirmer les intentions de Jacob Zuma.
"Le président nous a informés de son intention de procéder à un remaniement ministériel pour remplacer le ministre et le vice-ministre des Finances", a déclaré jeudi à la presse un des chefs du SACP, Solly Mapaila.
"Nous lui avons fait part de notre objection à un tel remaniement", a ajouté M. Mapaila.
- L'ANC écartelé -
Selon les médias locaux, ce refus est partagé par une partie du haut état-major de l'ANC, dont le vice-président Cyril Ramaphosa et le secrétaire général Gwede Mantashe.
La bataille engagée autour du sort de M. Gordhan révèle les profondes fractures politiques qui déchirent l'ANC, au pouvoir depuis l'élection de Nelson Mandela en 1994.
Le parti de Nelson Mandela est écartelé entre les partisans de Jacob Zuma, qui a réaffirmé récemment sa volonté de procéder à une "transformation radicale" de l'économie en faveur de la majorité noire, et une aile plus modérée incarnée par M. Gordhan et l'actuel vice-président Cyril Ramaphosa.
Ces divergences se nourrissent de la course à la succession de M. Zuma, qui doit quitter la présidence de l'ANC en décembre prochain dans la perspective des élections générales de 2019.
Le chef de l'Etat soutient son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma face à l'autre favori, Cyril Ramaphosa.
"La bataille pour le contrôle de l'ANC va (...) se conclure par la défaite de Ramaphosa, Gordhan et leur camp lors de la conférence de décembre", a pronostiqué le centre d'analyses Eurasia Group.
"Ce camp va probablement quitter l'ANC et causer un important remodelage du paysage politique sud-africain", a ajouté Eurasia.
L'affrontement entre les deux factions s'est encore manifesté mercredi lors des obsèques d'une figure historique de l'ANC hostile au chef de l'Etat, Ahmed Kathrada.
- Défiance -
Jacob Zuma n'y a pas assisté, à la demande de la famille du défunt, et Pravin Gordhan y a été ovationné.
Les marchés et les investisseurs redoutent le départ de M. Gordhan, qui s'est jusque-là efforcé de tenir les cordons d'une économie sud-africaine au ralenti et endettée. Depuis lundi, le rand sud-africain a reculé par rapport au dollar et à l'euro.
Jeudi, le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), a annoncé le dépôt au Parlement d'une nouvelle motion de défiance contre M. Zuma, accusé de "menacer l'économie en agitant la menace de limoger le ministre des Finances".
"Le président continue à jouer à la roulette russe avec notre économie et l'avenir du pays", a déploré son chef, Mmusi Maimane.
Fin 2016, les trois grandes agences de notation financière ont accordé un sursis à l'Afrique du Sud en ne la dégradant pas dans la catégorie des investissements spéculatifs. Mais elles ont menacé de le faire en cas de persistance de l'agitation politique.
Malgré les dangers qu'il fait courir, nombre d'analystes parient sur un limogeage de Pravin Gordhan.
"Zuma envisage de prendre ce risque pour s'assurer du succès de son camp à la conférence de décembre, son but ultime", a jugé l'économiste Peter Attar Montalto, de la banque Nomura.
Les Combattants de la liberté économique (EFF, gauche radicale), ont de leur côté déposé jeudi à la Cour constitutionnelle une requête en destitution contre le chef de l'Etat pour corruption.
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