Il a réussi son "coup KO". Il faut dire qu’avec deux adversaires de second plan, il était comme seul sur le ring. Avec 86% des voix au premier tour de la présidentielle du 11 avril, selon les chiffres de la Commission électorale nationale autonome, Patrice Talon est réélu à la tête du Bénin pour un second mandat de cinq ans. Portrait.
Car s’il est incontestablement réélu, Patrice Talon le doit plus à une absence d’adversaire qu’à un plébiscite dans les urnes.
"Un certain génie"
Mais la popularité peut-elle préoccuper celui qui, au début de son mandat en mai 2016, déclarait dans les colonnes du quotidien français Le Monde : "Je pense à moi tout le temps. Je sais que le ciel m’a donné quelque chose, j’ai un certain génie, je voudrais désormais que ce génie ne soit pas juste le mien, mais qu’il serve mon pays" ? Patrice Talon espérait toutefois à l’époque "être porté en triomphe à l’issue de son mandat"."Popularité" et "triomphe" ne caractérisent pas la réélection de ce fils de cheminot né en 1958 à Ouidah, ancien haut-lieu de l’esclavagisme.
L’homme, on l’a compris, a gardé tout au long de son mandat les habits d’homme d’affaires qu’il portait -avec succès- jusqu’à son élection en 2016. 15e fortune d’Afrique francophone en 2015 selon le classement Forbes, première fortune du Bénin, Talon vaut alors 400 millions de dollars. Une fortune acquise au fil d’une carrière dans le privé, de l’exportation de piles électrique et d’engrais au rachat des sociétés d’Etat de la filière coton. Patrice Talon était à la tête d’un monopole dans ce secteur central de l’économie béninoise.
S’il assure n’avoir jamais sollicité de faveur du pouvoir politique, sa proximité avec les présidents successifs n’est un secret pour personne.
Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou puis Thomas Boni-Yayi verront Patrice Talon prendre une place de plus en plus prépondérante dans l’économie de leur pays.
Pour ce qui est du dernier, la proximité politique (Patrice Talon financera l’élection de Boni Yayi en 2006) prendra fin dans une rocambolesque affaire d’empoisonnement.
En 2012, Patrice Talon est accusé d’avoir voulu assassiner le président Boni Yayi en faisant remplacer ses médicaments par du poison. Trois personnes seront arrêtées dans cette affaire, un ancien ministre, le médecin personnel et la propre nièce du chef de l’Etat ! Talon, lui, quittera le Bénin et trouvera refuge en France pour un exil de trois années. Une médiation menée en 2014 par Abdou Diouf, l’ancien président sénégalais alors Secrétaire général de la Francophonie, permettra de refermer le dossier et à Patrice Talon de rentrer à Cotonou et de préparer son accession à la présidence.
Promesse de mandat unique
Lors de sa campagne de 2016 et à nouveau lors de son discours d'investiture, le président Patrice Talon fait une promesse : il sera le président d'un seul mandat. Il souhaite faire modifier la Constitution pour remplacer le quinquennat renouvelable une fois par le septennat unique. Mais, un an plus tard, le parlement retoque son projet de révision constitutionnelle. Ce jour-là, estime l'Agence France-Presse, "l'échec de son projet a bousculé l'égo de cet homme richissime (...) qui n'aime être ni contrarié ni la compétition".
Dès lors, Patrice Talon va faire preuve d'un pragmatisme risqué. Au nom de la réforme économique pour laquelle il estime avoir été élu, puis parce qu'il faut à tout pris mettre un terme à certaines vieilles habitudes et à un immobilisme structurel, le président va négliger un certains nombres d'usages démocratiques. "Il est obnubilé par le désir de réussite, il veut changer l’histoire de son pays et que l’on se rappelle de lui dans 200 ans", dit à l'AFP son conseiller en communication
Sur le plan économique, le Bénin affichait une croissance confortable de près de 7% en 2019, avant de tomber à environ 2% après la fermeture de la frontière terrestre avec son voisin nigérian et la crise du Covid. Toutefois, les prévisions pour l'année 2021 restent plus encourageantes avec un rebond attendu de 5% et le pays a, mieux que bien d'autres, encaissé le choc de la pandémie.
Un succès macroéconomique incontestable, mais dont l'impact sur les Béninois a été très relatif, comme l'analyse le politologue Expédit Ologou.
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