Suspendu après son audition du 28 juillet dernier, le maire de Cotonou, Léhady Soglo a été révoqué mercredi par le gouvernement béninois. Une procédure inédite au Bénin après environ 15 années de décentralisation et qui reste tout autant controversée.
« Le conseil des ministres de ce 2 août a pris la décision de révoquer le maire de Cotonou. Une procédure judiciaire est en cours contre lui pour des faits de mauvaise gestion à la mairie de Cotonou », a déclaré sous le couvert de l’anonymat un ministre à la sortie du conseil. Lehady Soglo était sous le coup d’une suspension de deux mois prononcée dans la soirée du 28 juillet dernier par Barnabé Dassigli, ministre en charge de la Décentralisation, sur rapport du préfet du Littoral. Dans la matinée du même 28 juillet, le préfet, Modeste Toboula, avait auditionné le maire et ses adjoints sur un ensemble de 10 questions qui sont autant de charges soulevées dans sa gestion de la ville de Cotonou.
Ces charges portent, entre autres, sur des « primes de maintien d’ordre » octroyées au seul maire, « l’augmentation de plus de 100% des frais de représentation en 2017 sans délibération du conseil municipal », « la vente non conforme au prix référentiel » d’une partie du domaine public, « l’attribution abusive d’une voie publique aux fins d’habitation » et des irrégularités dans la passation des marchés publics et la nomination du personnel…
« Acharnement » ou procédure expéditive ?
Léhady Soglo a répondu aux questions mais avait demandé un délai pour apporter des clarifications par écrit. Mais le préfet, autorité de tutelle du maire, a refusé d’accorder ce délai et a proposé au ministre de la Décentralisation de suspendre le maire pour deux mois. Quelques heures seulement après l’audition, le ministre Dassigli prenait l’arrêté de suspension en entérinant les charges soulevées par le préfet. Une rapidité que beaucoup interprètent à Cotonou comme la preuve de l’« acharnement » ou d’une procédure expéditive.
Dans la même foulée, un détachement des forces de sécurité s’était déployé autour du domicile du maire mais s’était heurté à la résistance de ses parents, l’ancien président de la République Nicéphore Soglo (1991-1996) et la doyenne d’âge du Parlement, Rosine Vieira Soglo ainsi qu’une foule de militants et de personnalités politiques qui étaient persuadés, sur le moment, de la véracité de la rumeur lancinante portant sur l’arrestation du maire.
Un voyage vers la Suisse ?
Le gouvernement, par la voix de son ministre de la Justice, Joseph Djogbénou, avait réagi, le 29 juillet, en estimant qu’il ne s’agissait que d’une perquisition dans le cadre d’une enquête policière différente de la procédure administrative engagée par le préfet et confortée par le ministre de la Décentralisation. Selon le ministre Djogbénou, cette enquête préliminaire a été déclenchée suite à des audits qui auraient fait des constats par exemple d’incinération indue de tickets ou de dissipation de documents comptables. Le ministre a également mis en cause la volonté du maire d’effectuer coûte que coûte un voyage vers la Suisse, le vendredi 28 juillet, malgré l’interdiction formelle du préfet conformément aux dispositions légales en la matière.
Depuis son apparition publique le 28 juillet lors de l’audition à la préfecture, Léhady Soglo est introuvable
Depuis son apparition publique le 28 juillet lors de l’audition à la préfecture, Léhady Soglo est introuvable. Il a surtout brillé par son absence à la cérémonie de passation de services, le lundi 31 juillet dernier où son premier adjoint, Isidore Gnonlonfoun, s’est installé dans le fauteuil de maire de façon intérimaire.
Voie de recours…
La révocation intervenue ce mercredi 2 août est l’acte administratif le plus éminent du gouvernement contre la fonction de maire prévue par l’article 54 et suivants de la loi portant organisation des communes du Bénin. Ce dispositif qui n’a jamais été utilisé depuis la mise en place des premiers conseils communaux en 2002-2003, est aujourd’hui critiqué par une partie des Béninois qui ne comprennent pas pourquoi une autorité nommée, comme le ministre, pourrait suspendre ou proposer la révocation d’une autorité élue comme le maire.
Le camp du maire s’affaire à organiser sa défense…
Loin de cette polémique textuelle, le camp du maire s’affaire à organiser sa défense : un de ses avocats, Me Alfred Bocovo dénonce « la violation des droits de la défense » et de « nombreux vices de procédure » aussi bien dans la procédure administrative que lors de la perquisition. Par exemple, sur l’accusation de dissipation de documents comptables, l’avocat estime que « le maire n’est pas un comptable public » et ne saurait avoir en sa possession des documents comptables. Sur la question de l’incinération de tickets, il brandit une lettre du comptable de la mairie qui invite le maire à ordonner ladite opération d’incinération. « Or ce comptable n’est pas un employé de la mairie mais un cadre de l’État central placé sous l’ordre hiérarchique du ministre des Finances », a fait observer Me Bocovo.
Selon les textes de la décentralisation, le maire dispose, contre la mesure de révocation, d’une voie de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif de la Cour suprême. Le conseil des ministres, en révoquant le maire, a aussi limogé le patron de la brigade économique et financière sans raison officielle.
Avec jeuneafrique.com
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