C’est une lapalissade de dire que le Burkina traverse une situation très difficile. S’il est vrai que les grandes nations se bâtissent avec aussi leur part de difficultés et de grands défis, il n’est pas moins vrai que la conscience collective est nécessaire pour bâtir quelque chose de solide, qui tient pour l’histoire et dispose pour l’avenir. Mais on se demande si cette conscience collective-là peut se constituer sans un minimum d’entente entre les membres de la société. Ne faut-il pas créer les conditions de l’unité du peuple burkinabè, ce d’autant que le président du Faso a, lui-même, réitéré cet appel ?
Le Burkina Faso est une succession de frustrations et de brimades. Il suffit de lire son histoire pour comprendre que chaque tournant a laissé son lot de frustrés, dont certains sont prêts à prendre leur revanche à la moindre occasion. Pour la petite portion dont nous sommes témoins, on constatera simplement que de 2014 à ce jour, l’éventail des frustrés s’est grandement élargi.
Pour fait, déjà à la transition de 2014-2015, consécutive à l’insurrection populaire, le besoin de la réconciliation nationale s’est ressenti et s’est même traduit par la mise en place effective d’une structure, pas des moindres, la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR), pilotée par Mgr Paul Ouédraogo et composée de personnalités-clés. Les personnes mandatées ont, pendant plusieurs mois, mené la réflexion, assortie de recommandations, le tout consigné dans un rapport remis, le 14 septembre 2015, au Premier ministre Isaac Yacouba Zida.
Le 15 janvier 2016, le président du Faso qui venait d’être élu au terme de la transition, Roch Kaboré, préside (après relance le 11 janvier 2016 par le truchement d’une “visite de courtoisie” de l’équipe de Mgr Paul Ouédraogo à Kosyam), la cérémonie d’installation des membres du Haut conseil pour la Réconciliation et l’Unité nationale (HCRUN). Ce dernier venait de prendre le relais de la CRNR.
Malgré cette ossature et le travail abattu, le sujet de la réconciliation et de l’unité nationale est relégué au rang des détails. Même l’avènement de l’insécurité qui aurait pu servir à accélérer la démarche pour inciter les Burkinabè à un minimum de resserrement des rangs, a plutôt alimenté les divisions. La réalité d’un besoin de réconciliation nationale a finalement rattrapé à la fin du quinquennat, devenant même une question centrale de campagne électorale partagée par les candidats à la présidentielle de novembre 2020.
L’appropriation véritable de la préoccupation à l’issue des élections par la mise en place, en janvier 2021, d’un ministère auprès du président du Faso, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, s’est révélée visiblement tard, car une année plus tard, le pouvoir est renversé dans le tourbillon de la dégradation de la situation sécuritaire. L’on peut dire que de 2014 à ce jour, les frustrations n’ont fait que s’ajouter au passif jusque-là traîné. Aujourd’hui, plus qu’hier donc, le besoin de réconciliation nationale se fait sentir.
Dans un paysage national où les frustrations ne font que s’accumuler, il est difficile pour une œuvre de tenir longtemps ; les uns attendant que la page des autres se tourne pour venir se venger et remettre en cause des acquis. Les Burkinabè sont-ils incapables de se réconcilier ? Certainement pas ! Il faut alors faire la réconciliation nationale pour barrer la route à la fissure sociale.
N’est-ce pas dans cet esprit d’ailleurs que le président du Faso a réitéré, pas plus tard qu’à la faveur de cette importante journée de l’Assomption, le 15 août 2024, par l’intermédiaire de ses émissaires (conduits par le ministre d’État en charge de la communication, Jean Emmanuel Ouédraogo) au sanctuaire Notre Dame de Yagma, son appel “aux Burkinabè à l’unité pour surmonter les moments difficiles et aller vers le développement” ! Les Burkinabè économiseraient beaucoup et sur divers plans.
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