Dans un communiqué diffusé la semaine dernière, la société Commisimpex, qui affirme avoir conclu d'importants contrats d'infrastructures avec le Congo dans les années 1980 pour lesquels elle n'a jamais été payée, a annoncé vouloir mettre en oeuvre une garantie contractuelle accordée par le pays sur ses revenus pétroliers.
Il s’agit de « l’action judiciaire la plus importante en cours » dans ce dossier, selon une source proche de Commisimpex. Pour recouvrer auprès de Brazzaville une vieille créance, passée de l’équivalent de 100 millions d’euros en 1992 à 1,05 milliard aujourd’hui, la société de l’homme d’affaires Mohsen Hojeij a annoncé, dans un communiqué diffusé la semaine dernière, sa volonté de mettre en œuvre une garantie contractuelle accordée par le Congo sur ses revenus tirés de l’exploitation des champs pétroliers. Le tribunal de commerce de Nanterre, qui étudie ce recours depuis fin 2016, doit d’abord statuer sur sa compétence à traiter l’affaire sur le fond.
En théorie, la justice congolaise est la mieux placée pour étudier cette garantie. « Mais la liquidation judiciaire de Commisimpex prononcée en 2012 au Congo, selon une procédure jugée frauduleuse dans le reste du monde, empêche la saisie d’un tribunal dans le pays », explique notre source, qui précise que « la France apparaît comme le pays le mieux placé pour traiter cette affaire, car les sentences arbitrales ayant condamné le Congo ont été rendues à Paris et plusieurs sociétés pétrolières opérant au Congo (comme Total, ndlr) ont leur siège ou des filiales dans l’hexagone ».
Contestation du Congo
Ce que conteste le Congo : « Qu’une telle affaire, opposant l’État congolais à une société qui fut de droit congolais soit traitée par des juges étrangers depuis des années est étonnant ! Cela traduit une volonté de certaines juridictions de contester au Congo sa souveraineté », dénonce le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication Thierry Moungalla, contacté par Jeune Afrique.
« Nous sommes étonnés qu’un tel élément surgisse maintenant », poursuit Thierry Moungalla, qui précise que « l’État défendra sa position et contestera cet argument ». Et d’ajouter : « Si cette procédure était juridiquement fondée, pourquoi n’a-t-elle pas été utilisée avant ? ».
« Il a fallu d’abord faire reconnaître par les juridictions françaises que la liquidation de Commisimpex en 2012 et le redressement fiscal subséquent étaient frauduleux (…) pour agir de nouveau, sur le fond cette fois, devant le juge de Nanterre pour obtenir la condamnation des compagnies pétrolières à payer Commisimpex », rétorque notre source, qui ajoute que « le Congo a connaissance très précisément depuis octobre 2011 de la mise en œuvre par Commisimpex de la garantie pétrolière. (…) C’est justement lorsque la garantie a été mise en œuvre que le pays a contre-attaqué en faisant liquider (frauduleusement) Commisimpex par ses tribunaux ! ».
« La faillite en 2012 de cette société ne l’a pas empêchée dans les années qui ont suivi de tenter de saisir auprès de tiers les créances revendiquées », proteste une source gouvernementale proche du dossier.
Arguments juridiques
Les avocats de Commisimpex ont, eux, bon espoir que cette procédure aboutisse. De fait, à l’extérieur du Congo, la dette n’est plus discutable juridiquement depuis le 25 mai 2016, date du rejet par la Cour de cassation française du dernier recours ouvert au Congo contre une sentence arbitrale rendue en 2013. En clair, le Congo n’a plus d’autres possibilités que de payer.
« Les seules procédures judiciaires actuellement en cours portent sur l’exécution des deux décisions de justice définitives (de 2000 et 2013) rendues à l’encontre du Congo (donc sur la saisie des actifs du Congo), et aucune d’entre elles n’est susceptible de remettre en cause, ni le principe de la créance, ni son montant, qui sont définitivement fixés judiciairement depuis fin mai 2016 », confirme notre source proche de Commisimpex.
L’évaluation du FMI
Malgré ces décisions de justice, le FMI a tardé à prendre en compte cette créance, équivalente à 16% du PIB congolais, dans son évaluation de la dette publique congolaise. Début août, l’institution de Bretton Woods confirmait que le Congo-Brazaville lui avait caché une partie de sa dette publique, dont l’estimation est passée de 77% à environ 117% du PIB. Dans son communiqué, l’entreprise Commisimpex affirme que cette révision « résulte notamment de la comptabilisation à sa juste valeur de la dette de la République du Congo à l’égard de Commisimpex, dette qui représente à elle seule l’équivalent de 16% du PIB congolais. »
Contacté par Jeune Afrique, un porte-parole du FMI dément cette affirmation, arguant que « les chiffres de la dette que nous avons fournis n’incluent pas les dettes litigieuses ». De son côté, le porte-parole du gouvernement congolais ne souhaite pas commenter ce point.
« L’absence de prise en compte de la créance de Commisimpex par le FMI, si elle se confirme, est stupéfiante », s’exclame notre source, pour qui l’institution ne peut ignorer l’irrévocabilité de la sentence du 25 mai 2016 : les avocats de Commisimpex ont fait parvenir officiellement cette information à l’institution en juin 2016, ainsi qu’un récapitulatif des sommes dues par l’État établi par le cabinet Mazars.
Liquidation judiciaire litigieuse
Jusqu’au 12 septembre dernier, le FMI pouvait s’appuyer sur un autre argument congolais pour ne pas comptabiliser la créance. En 2012, la justice de Brazzaville avait en effet déclaré la faillite de l’entreprise Commisimpex et lui avait attribuée une dette fiscale de 1,4 milliard de dollars, plus élevée que la créance de l’entreprise auprès de l’État. Mais, le 12 septembre, la Cour d’appel de Paris a confirmé le caractère frauduleux de cette liquidation et du redressement fiscal, déjà constaté par le président du tribunal de grande instance de Paris le 16 décembre 2015 et par plusieurs juridictions fédérales américaines dès juillet 2015.
Si l’institution n’a pas inclus cette dette dans son évaluation de la dette du pays, comme l’affirme le porte-parole contacté, « alors cela signifierait qu’il devrait encore la réévaluer d’environ 16% du PIB, pour la porter de 117 % – le dernier chiffre du FMI ayant circulé – à 133% du PIB », calcule notre source. De quoi éventuellement corser davantage le futur programme d’ajustement structurel que le pays risque de subir.
Avec jeuneafrique.com
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