Alors que le Cameroun vient de lancer une campagne de vaccination contre le cancer du col de l’utérus, des religieux se mobilisent pour s’y opposer et invitent leurs fidèles à ne pas s’y soumettre, tout en émettant des doutes sur son efficacité. Jusqu’ici, le gouvernement n’a dit mot face à ce vent de contestation.
Les organisations religieuses au Cameroun sont contre le cancer du col de l’utérus, objet d’une campagne nationale lancée par les autorités en septembre. Jeudi 5 novembre, alors que les équipes médicales sillonnaient encore les différentes localités du pays, Mgr Dieudonné Espoir Atangana, du diocèse de Nkongsamba dans la région du Littoral, a publié un communiqué. Il y annonçait qu’il n’autorisait pas, pour l’instant, les responsables des écoles, des collèges, des formations sanitaires et des églises de son diocèse à soumettre les enfants de sexe féminin au vaccin contre le cancer du col de l’utérus et les autres infections génitales liées aux papillomavirus humains (PVH).
«Je viens par la présente, de façon formelle, vous demander de vous garder de soumettre nos enfants à ce vaccin en attendant que les évêques du Cameroun puissent donner leur accord de façon claire et officielle. Par conséquent, aucune équipe médicale pour la cause ne doit être admise dans nos structures diocésaines […] jusqu’à nouvel avis», peut-on lire dans ce document.
Il recommande également «vivement aux parents de refuser ce vaccin pour leurs enfants, mais de préférer les dépistages et la soumission au traitement en cas de nécessité».
Quelques semaines plus tôt, à la mi-octobre, Mgr Luc Onambele, médecin de formation et responsable du diocèse d’Obala dans la région du Centre, s’insurgeait lui aussi contre ce vaccin. La raison invoquée est que les jeunes filles entre 9 à 13 ans ciblées par cette campagne «ont été moins représentées dans les essais cliniques qui ont été menés jusqu’à présent».
«Ce sont celles qui sont un peu plus âgées avec une grande immunogénicité qui ont participé à ces essais cliniques. Pourtant, la médecine basée sur l’évidence scientifique voudrait que les essais cliniques ne se limitent pas aux résultats intermédiaires, mais qu’ils aboutissent aux résultats définitifs», a précisé Mgr Luc Onambele, dans un communiqué.
En effet, dans l’opinion au Cameroun, le doute concernant la fiabilité de ce vaccin, en particulier la crainte qu’il puisse entraîner l’infertilité chez les jeunes filles, est largement répandu.
«Historiquement, la religion a souvent été un facteur d’hésitation vaccinale et pas seulement au Cameroun, même dans les pays développés. Une hésitation qui s’appuie généralement sur la composition des vaccins ou sur des croyances associées, comme les limitations de naissance dans le monde. C’est sans doute le point de départ de toutes les théories les plus surprenantes autour des vaccins», commente pour Sputnik le docteur Éric Dzudjié, médecin spécialiste de la santé communautaire.
La nécessité d’une sensibilisation?
Suivant le sillage des diocèses d’Obala et de Nkongsamba, qui ont interdit le vaccin dans leurs structures, l’organisation «Musulmans pour la coopération et le développement» (MCD) a également dit «non» à ce vaccin contre le cancer du col de l’utérus. Cette organisation demande de «façon formelle et ouverte aux musulmans de ne pas soumettre nos enfants de 9 à 13 ans à ce vaccin». Le MCD précise par ailleurs que leur position n’est pas forcément celle des autres dignitaires musulmans dans le pays.
Si pour le moment, le ministère de la Santé qui a lancé l’opération ne s’est pas encore prononcé face à cette réticence qui vient des milieux religieux, le docteur Guy Sandjong, président de l’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC), tout en soulignant la liberté de chacun de se soumettre ou pas à un vaccin, informe les populations:
«Aucun vaccin n’a été créé avec pour objectif de stériliser les populations de femmes ou pour éradiquer une race de la surface de la terre. Certes, comme tout autre traitement, les vaccins ne sont pas dénués de risque», peut lire dans son communiqué.
Le président de l’ONMC recommande également patience et pédagogie pour susciter l’adhésion de tous aux programmes de vaccination institués par le gouvernement.
Un point de vue partagé par Éric Dzudjié pour qui «un travail de sensibilisation est indispensable». «Avec tout ce que les citoyens lisent et écoutent au sujet des vaccins et autres médicaments, il est important de remettre le curseur sur des campagnes de communication de proximité. Il faut rassurer les citoyens, sinon on aura toujours des réticences de ce genre», suggère le spécialiste au micro de Sputnik.D’après des données officielles, le cancer du col de l’utérus représente la deuxième cause de cancer chez les femmes au Cameroun. Avec une incidence de 30 pour 100.000 femmes dans le pays contre 15 pour 100.000 dans le monde, le nombre annuel de nouveaux cas et de décès au Cameroun est respectivement de 2.356 et de 1.546. La campagne lancée en octobre dernier ambitionne d’atteindre près de 400.000 jeunes filles entre 9 et 13 ans.
Péril sur les vaccins?
Ces résistances rappellent une autre campagne de vaccination, très récente.
Début octobre, le ministère de la Santé publique avait décidé de promouvoir la vaccination contre la poliomyélite, une riposte préventive aux cas de poliovirus de type 2 qui ont été enregistrés dans le pays. Là encore, les équipes avaient également fait face à de nombreuses hostilités sur le terrain. Ce vaccin contre la poliomyélite, destiné aux enfants de 0 à 59 mois, se heurte encore à la défiance de parents qui le jugent dangereux pour la santé de leur progéniture.Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la réticence envers les vaccins est actuellement un problème mondial. Elle a inscrit, en 2019, le phénomène parmi les dix menaces pour la santé dans le monde. Au Cameroun, cette réticence a tendance à s’amplifier d’une campagne à l’autre.
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