Blessée en avril par des hommes armés dans son ranch dans le comté de Laikipia, au centre du Kenya, où des éleveurs semi-nomades affectés par la sécheresse rivalisent de violence, l'écrivaine Kuki Gallmann promet de retourner sur ses terres et de reconstruire.
L’auteure d’origine italienne, également figure de la défense de l’environnement, a écrit une autobiographie (« I Dreamed of Africa ») adaptée au cinéma en 2000, avec l’actrice Kim Basinger dans le rôle principal.
Kuki Gallmann, 73 ans, avait été blessée par balles par des éleveurs présumés le 23 avril sur sa propriété de 36.000 hectares, transformée en réserve, la Laikipia Nature Conservancy. Elle est la plus connue des victimes des violences qui ont frappé la région depuis le début de l’année.
Situation volatile
Réchauffement climatique, croissance démographique et incapacité des pouvoirs publics à maintenir l’ordre ont créé une situation volatile dans le centre du Kenya, sur fond de sécheresse et d’antagonismes ethniques instrumentalisés à l’approche des élections générales d’août.
Dans le comté de Laikipia, plusieurs milliers d’éleveurs semi-nomades, dont les troupeaux sont durement frappés par la sécheresse, ont pénétré illégalement dans des réserves privées à la recherche de pâtures pour leurs animaux.
Lances et armes automatiques
Armés pour certaines de lances, pour d’autres d’armes automatiques, ils ont tué ou blessé ces derniers mois des dizaines de personnes, volé du bétail, brûlé des propriétés et intimidé les habitants.
En ce dimanche d’avril, Mme Gallmann inspectait son luxueux lodge pour touristes, incendié la veille par des inconnus. Elle n’y trouva que des pierres noircies et des décombres fumants, au milieu de cendres flottant dans l’air du matin.
Après avoir repéré des traces de pas s’éloignant des maisons, elle est montée dans son Land Cruiser pour tenter d’en savoir plus, accompagnée dans un autre véhicule par des rangers du Service kényan de la faune sauvage (KWS).
Une balle dans le ventre
Un peu plus loin, un tronc d’arbre barrait la route. Un spectacle habituel, qui ne l’a pas inquiétée. « Nous avons vu des arbres en travers des routes chaque jour ces deux dernières années. Je suis un peu blasée par ça, même si je ne peux pas bouger ces fichus trucs », raconte-t-elle à l’AFP.
Mais alors que les rangers commençaient à dégager la route, un premier coup de feu a retenti. « J’ai senti comme un coup. La première balle m’a touchée. Je savais que ça m’avait traversé le ventre », décrit-elle.
Des tragédies
Un deuxième tir a suivi, la touchant à nouveau au ventre. Les rangers ont répliqué et les assaillants pris la fuite. Seule Kuki Gallmann a été blessée, cinq balles ayant touché sa voiture.
En toute hâte, les rangers l’ont ramenée chez elle. Elle a ensuite été évacuée en hélicoptère vers la ville proche de Nanyuki. Des médecins militaires britanniques lui ont prodigué les premiers soins, avant qu’elle ne soit transportée à Nairobi.
Kuki Gallmann est arrivée au Kenya en 1972, avec son époux Paolo et son fils Emanuele. En 1980, son mari est décédé dans un accident de voiture. Trois ans plus tard, elle a perdu son fils, mordu par un serpent à 17 ans.
Ces drames ont nourri sa détermination à rester à Ol Ari Nyiro, cet ancien ranch qu’elle a transformé en réserve dédiée à la défense de l’environnement.
Braconnage et intrusions
Pendant des décennies, ses terres ont souffert du braconnage, de l’abattage illégal d’arbres ou des intrusions. Et à chaque élection, quand les politiciens attisent les rivalités ethniques, elle a vu la situation se détériorer.
« Le pâturage illégal a toujours eu lieu d’une manière ou d’une autre, mais c’était sur une petite échelle », explique-t-elle. « Avant chaque élection, j’ai vu la même escalade de violences ».
Son mari et son fils sont enterrés dans son jardin, sous un acacia, où elle entend aussi reposer. C’est là que les rangers l’avaient déposée, blessée. « Ils m’ont sortie de la voiture et posée sur l’herbe. C’était une belle journée, avec des oiseaux. C’était un bel endroit où se retrouver ».
« L’inactivité, la pire des punitions »
Toujours en observation à l’hôpital, Kuki Gallmann parle avec plus de calme et d’hésitations que d’ordinaire, mais toujours avec son fort accent italien roulant les « r ».
Ayant vécu presque toute sa vie en extérieur, elle concède qu’être confinée au lit est une torture pour elle. « L’inactivité, c’est la pire des punitions ».
Mais elle envisage l’avenir avec détermination. Elle veut retourner dans son ranch et tout rebâtir. « Je ne suis pas abattue, simplement blessée. Dès que je suis rétablie, j’y retourne. Je vais rester et Ol Ari Nyiro va continuer ».
Source: Jeuneafrique.com
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