Pour le journaliste Marnix de Bruyne, le coup d’Etat de l’armée vise à protester contre le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwa.
Au Zimbabwe, les tensions entre factions au sein du parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), ont dégénéré, dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 novembre, en un coup d’Etat qui ne dit pas son nom. Mercredi, l’armée contrôlait les rues de la capitale, Hararé, dans le cadre d’une opération destinée, selon elle, à éliminer des « criminels » de l’entourage du président Robert Mugabe. Cette entrée des militaires sur la scène politique a lieu une semaine après le limogeage du vice-président, Emmerson Mnangagwa. Un limogeage dont l’objectif non avoué était d’ouvrir la voie à la faction du parti au pouvoir menée par l’épouse du président Mugabe, Grace, dans la lutte pour la succession à son mari, aujourd’hui âgé de 93 ans.
Pour le journaliste Marnix de Bruyne, auteur notamment en 2016 du livre We moeten gaan,
Nederlandse boeren in Zimbabwe (« Nous devons partir, agriculteurs néerlandais au Zimbabwe», non traduit) sur le sort des fermiers blancs d’origine néerlandaise au Zimbabwe, l’action de l’armée a été menée pour empêcher Grace Mugabe d’accéder à la présidence.
Comment analysez-vous les événements en cours au Zimbabwe ?
Marnix de Bruyne Je peux dire que c’est un coup que les militaires ont réalisé contre leur volonté. Ils se sont sentis dans la nécessité d’intervenir car leur homme fort au sein du pouvoir, Emmerson Mnangagwa, a été renvoyé la semaine dernière par le président Mugabe. Ils ont donc estimé que M. Mugabe et sa femme étaient allés trop loin et qu’il était de leur devoir d’entrer en scène. Cependant, si vous écoutez leur première déclaration publique après avoir pris possession de la télévision, ils assurent que ce n’est pas un coup d’Etat, ce qui est faux bien sûr, selon moi, et ils continuent à présenterRobert Mugabe comme le commandant en chef de l’armée. Ils laissent donc entendre que leur action n’est pas dirigée contre M. Mugabe, que leur objectif est d’« arrêter les criminels qui l’entourent ». Au regard de ce qui s’est passé précédemment, on peut aisément comprendre qu’ils veulent se débarrasser de la faction au sein de la Zanu-PF opposée à Emmerson Mnangagwa.
Pourquoi l’armée refuse-t-elle, selon vous, d’assumer ce coup d’Etat ?
Les militaires connaissent les règles internationales et savent bien que les coups d’Etat sont impopulaires. Ils tentent donc de maquiller cela en une petite intervention, plutôt que de reconnaître un putsch qui sera sanctionné par l’Union africaine.
Est-ce que toute l’armée soutient Emmerson Mnangagwa ?
C’est une bonne question. Je pense qu’elle le soutient, jusque-là. Pendant des années, l’armée a toujours été loyale à Robert Mugabe. Des officiers lui étaient redevables, car avec le système de patronage existant au Zimbabwe, le parti au pouvoir faisait en sorte de satisfaire les généraux en leur offrant des fermes, souvent de fermiers blancs expropriés. Cette situation les obligeait à une certaine loyauté, mais là, les militaires sont intervenus par peur que la première dame, Grace Mugabe, ne prenne en main les commandes de l’Etat. Pour eux, le limogeage de M. Mnangagwa était le geste de trop.
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