L’universitaire sénégalais est mort, dimanche dernier à Paris (France), à l’âge de 73 ans, des suites d’une longue maladie.
« Momar Coumba Diop, qui n’a pas rencontré ce nom, ces quarante dernières années, en faisant des recherches sur les mutations sociales et l’anthropologie au Sénégal » ? C’est en ces termes qu’un jeune journaliste sénégalais a salué la mémoire d’un chercheur très dense.
En effet, le défunt a dirigé ou participé à la rédaction d’une ribambelle d’ouvrages parmi lesquels Le Sénégal sous Abdoulaye Wade. Le Sopi à l’épreuve du pouvoir ; Le Sénégal contemporain ; Le Sénégal sous Abdou Diouf. État et Société ; La société sénégalaise entre le local et le global ; Sénégal : trajectoires d’un État (1960-1990) ; La construction de l’État au Sénégal ; Sénégal (2000-2012). Les institutions et politiques publiques à l’épreuve d’une gouvernance libérale ; Gouverner le Sénégal. Entre ajustement structurel et développement durable ; Les figures du politique en Afrique. Des pouvoirs hérités aux pouvoirs élus ; et Le Sénégal des migrations. Mobilités, identités et sociétés.
Momar Coumba Diop a enseigné de 1981 à 1987 la sociologie à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar avant de rejoindre l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan).
En 2023, ses pairs Ibou Diallo, Ibrahima Thioub, Alfred Inis Ndiaye et Ndiouga Benga lui ont offert des « mélanges » de 720 pages intitulés Comprendre le Sénégal et l’Afrique d’aujourd’hui. Une quarantaine d’universitaires de plusieurs pays du continent noir y ont signé des témoignages ou contributions de grande qualité qui recoupent ou complètent ses travaux.
Un concert d’hommages
Le professeur Momar Coumba Diop était l’un des principaux animateurs de la recherche en sciences sociales au Sénégal et en Afrique. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le temple du savoir où il a partagé son savoir encyclopédique, a pleuré le décès d’un « immense chercheur » en sciences humaines et sociales.
« Momar Coumba Diop a laissé à la postérité plusieurs ouvrages qui font référence pour comprendre les grands enjeux de notre pays et du monde. En intellectuel majeur, il avait su compenser ses problèmes vocaux par une prodigieuse production scientifique écrite. La profondeur de sa réflexion va nous manquer », a témoigné Mademba Ass Ndiaye, ancien journaliste.
El Hadj Hamidou Kassé, journaliste, philosophe de formation et Conseiller spécial à la Présidence de la République sous Macky Sall, a affirmé que « Momar Coumba Diop, un intellectuel fécond et généreux, est le sociologue sénégalais le plus prolixe » car « plusieurs ouvrages sous sa direction ont éclairé la trajectoire » de notre pays.
Des personnes peu connues du grand public ont également rendu un vibrant hommage à l’universitaire qui, depuis la fin des années 1980, a dirigé des recherches pour un état des lieux du Sénégal contemporain. « Momar Coumba Diop, un sociologue avec le flair de l’historien, un rassembleur de lumières, une discrétion généreuse et bienveillante. Que la terre lui soit légère », a écrit Rama Salla Dieng.
Les Éditions Karthala, où les « mélanges offerts à Momar Coumba Diop » ont été mis sous presse, ont soutenu que « par sa pensée et ses productions, il a mobilisé de nouvelles grilles de lecture pour comprendre l’Afrique en général et le Sénégal en particulier ».
« Pas prophète chez lui »
Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, n’a pas tari d’éloges à l’égard de Momar Coumba Diop : « Il vient de nous quitter dans la discrétion, qui constitue un des traits de son ethos. Il était un sociologue et politiste prolifique, d’une grande rigueur intellectuelle. Ses publications, avec des scientifiques comme Abdoulaye Bathily, Mamadou Diouf, Jean Copans et Aminata Cissé, sur la trajectoire de l’État du Sénégal et notre démocratie, sont de qualité exceptionnelle ».
Le défenseur des droits de l’Homme a notamment remonté à la surface des souvenirs avec le défunt. « Il a passionnément suivi avec moi les différentes étapes de la récente crise démocratique au Sénégal. On a continué à se parler quand il était à Paris (France) et moi à Bruxelles (Belgique) en mars – avril 2024. Nos derniers échanges datent du 24 juin. On est arrivé à la même époque à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. On a partagé le même couloir avec Souleymane Bachir Diagne, Aloyse Ndiaye, Sémou Pathé Guèye, Malick Ndiaye, Élimane Kane… Avec le Professeur Abdoulaye Bara Diop et moi-même, on a séjourné à Pyongyang (Corée du Nord) pendant deux mois, à l’invitation du gouvernement au début des années 1980 », s’est rappelé M. Tine.
« Si l’homme n’est pas prophète chez lui, car ne bénéficiant pas de la reconnaissance qu’il méritait de son vivant, il jouissait d’un immense respect au sein de la communauté des chercheurs », a conclu Seydou Ka, journaliste au quotidien national Le Soleil.
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