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Afrique

Référendum au Burundi: enterrement de l’accord d’Arusha ou volonté populaire?

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Ce jeudi 17 mai 2018, quelque 4,8 millions d’électeurs burundais sont appelés aux urnes pour se prononcer sur une révision constitutionnelle très contestée qui pourrait permettre au président Pierre Nkurunziza de rester au pouvoir jusqu'en 2034. Dans un contexte de très forte répression politique, marqué par l’appel au boycott de l’opposition et la société civile en exil, l'issue du vote ne fait que peu de doutes et devrait renforcer un régime accusé de s'enfoncer de plus en plus dans une dérive mystico-religieuse portée par un président convaincu que son pouvoir est d'essence divine.

« Ego » ou « Oya », c’est en ces termes que la population burundaise doit se prononcer. Ils doivent mettre sur le bulletin de vote une croix ou leur empreinte dans une case blanche en face du « oui » ou « non » écrits en kirundi, la langue locale, avant de le glisser dans une urne en vue d’une réforme constitutionnelle que l’opposition et la société civile, aujourd’hui très largement en exil, considèrent comme un enterrement de l’accord d’Arusha, un accord qui depuis la fin de la guerre civile au Burundi régissait les équilibres politiques et ethniques dans le pays. Officiellement, selon les autorités burundaises, ces deux réponses ont les mêmes chances de l’emporter lors de ce scrutin, mais la campagne pour le référendum a été marquée par des intimidations et une violente répression, selon des ONG et des médias indépendants.

Un vote joué d'avance

Depuis la candidature controversée en avril 2015 de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, le pays a plongé dans une crise politique ayant fait au moins 1 200 morts et plus de 400 000 réfugiés selon la Cour pénale internationale. Sur le papier, 26 partis politiques et une coalition d’indépendants avaient été autorisés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à faire campagne jusqu'à ce lundi.

Le CNDD-FDD, ex-rébellion et parti au pouvoir, a cherché à convaincre les électeurs que voter « Ego » pourrait permettre de renforcer « l'indépendance et la souveraineté nationale du Burundi » et le monde extérieur que « le projet de Constitution est une émanation de la volonté populaire ». Ce texte qui bouleverse totalement la Constitution actuelle en y introduisant quelque 70 articles remaniés met à plat l'architecture institutionnelle du pays. Pour les opposants du Cnared, cette réforme signe « l'arrêt de mort » de l'accord de paix d'Arusha. Faute de pouvoir faire campagne pour le « Non », la principale plateforme de l'opposition en exil a appelé au boycott de ce scrutin.

La signature de l’Accord d’Arusha en 2000 avait permis de mettre fin à dix années d’une guerre civile qui a fait plus de 300 000 morts entre 1993 et 2006, en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi. Il spécifie clairement qu'aucun président ne peut diriger le Burundi plus de 10 ans. La candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat est considérée par beaucoup comme le premier coup mortel porté contre cet accord.

Malgré la répression en cours depuis 2015, les partis d'opposition intérieurs et la coalition Amizero y'Abarundi, conduite par l’une des figures de la guerre civile, Agathon Rwasa, sont aussi opposés à cette réforme. Le leader des ex-rebelles hutu des FNL a pourtant cinq membres de sa formation au gouvernement. Mais comme les autres opposants de l’intérieur, il appelle à voter « non » plutôt qu'au boycott, par refus d’une politique de la chaise vide et crainte de possibles représailles. Tous ont en tout cas regretté de n'avoir reçu que très tardivement le texte définitif de cette réforme, officiellement publié le 8 mai seulement, à neuf jours du scrutin, sur pression des partis d’opposition, organisations de défense des droits de l’homme relayés uniquement aujourd’hui par les médias internationaux.

Tout se joue pratiquement dans un huis clos au Burundi aujourd’hui. Les principales stations indépendantes du pays ont été détruites lors d’une tentative de coup d’État en mai 2015, au plus fort de la contestation du 3e mandat de Pierre Nkurunziza, une centaine de journalistes ont fui le pays depuis lors, et ceux qui sont restés sur place subissent d’énormes pressions. L’un d’eux, Jean Bigirimana, est porté disparu 2016 après avoir été arrêté par les services de renseignement. Et dernièrement en pleine campagne électorale pour ce référendum, la BBC britannique et la Voix de l’Amérique, qui émettent en kirundi, seule langue nationale qui est parlée par la très grande majorité de la population, ont suspendu pour six mois, privant ainsi les Burundais des seuls espaces médiatiques où ils pouvaient encore suivre des débats contradictoires. Et pour parfaire ces mesures s’isolement, Bujumbura n’a accordé les autorisations nécessaires aux nombreux journalistes internationaux qui cherchaient à couvrir le référendum constitutionnel.

Ce projet de révision a également été largement critiqué par une communauté internationale dont l’opinion est depuis le troisième mandat de Pierre Nkurunziza complètement ignorée par Bujumbura. Les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Union africaine, « garants » de l’accord de paix d’Arusha, ont décidé de ne pas envoyer d'observateurs pour ce scrutin qui n’aurait probablement pas été accepté de toute façon. Les organisations de défense des droits de l'Homme ont également dénoncé la répression qui a entouré la campagne pour le référendum et l'absence de réel débat démocratique.

Une campagne de terreur qui s'est durcie

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme a accusé mardi le pouvoir burundais de mener depuis fin 2017 une campagne de terreur pour contraindre les Burundais et les Burundaises à voter oui. La FIDH dénonce toute une série d’exactions, « enlèvements, meurtres, passages à tabac ou arrestations arbitraires ». Parmi ceux qui sont aujourd’hui pointé du doigt, le très redouté Service national de renseignement qui dépend directement du président Nkurunziza et les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir que l'ONU qualifie de milice. Les victimes sont principalement des dizaines de militants, essentiellement de la coalition des Indépendants Amizero y'Abarundi (Espoir des Burundais en français). Les partisans d’Agathon Rwasa, rival hutu de Pierre Nkurunziza durant la guerre civile, ont été arrêtés, d’autres bastonnés ou torturés depuis le début de campagne il y a deux semaines et au moins deux personnes ont été tuées « pour n'avoir pas voulu s'enregistrer ou démontrer leur enregistrement », toujours selon la FIDH. Avant même la campagne officielle, une cinquantaine d’autres avaient été arrêtés depuis décembre 2017 alors que le régime tentait d’expliquer le bien-

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