Des dizaines de
migrants africains ont été chassés de la ville tunisienne de Sfax qui a
connu une nouvelle nuit de violences après la mort d'un habitant dans
des heurts, selon des témoignages et des images diffusées en ligne.
Dans
plusieurs quartiers de cette grande ville du centre-est de la Tunisie,
des centaines d'habitants se sont rassemblés dans la nuit de mardi à
mercredi dans les rues réclamant le départ immédiat de tous les migrants
clandestins, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Certains
ont bloqué les rues et incendié des pneus pour exprimer leur colère
après la mort d'un habitant de 41 ans, poignardé lors d'affrontements
tard lundi avec des migrants originaires d'Afrique subsaharienne.
Sur
des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on peut voir des agents
de police chassant des dizaines de migrants de leur domicile sous les
acclamations d'habitants de la ville, avant de les faire monter dans des
voitures de la police.
D'autres
montraient des migrants à même le sol, les mains sur la tête, entourés
par des habitants munis de bâtons qui attendaient l'arrivée de la
police.
Sur
la page Facebook du groupe local Sayeb Trottoir dédié à la question de
l'immigration clandestine, Lazhar Neji, travaillant dans les urgences
d'un hôpital de Sfax, a déploré "une nuit inhumaine (...) sanglante qui
fait trembler".
Selon
lui, l'hôpital a accueilli entre 30 et 40 migrants, dont des femmes et
des enfants. "Certains ont été jetés de terrasses, d'autres agressés par
des sabres", a-t-il affirmé.
Plusieurs
migrants ont été amenés par la police sur le site de la Foire de Sfax
dans l'attente d'être transférés ailleurs, a affirmé à l'AFP Romdane Ben
Amor, responsable au Forum des droits économiques et sociaux (FTDES),
une ONG qui suit les questions migratoires.
Selon
lui, d'autres migrants ont été conduits vers une zone proche de la
frontière libyenne. Il n'était pas en mesure de préciser le nombre total
des migrants expulsés de Sfax.
- "Psychose" -
Des
dizaines d'autres migrants se sont rués sur la gare ferroviaire de Sfax
pour prendre des trains vers d'autres villes tunisiennes, a constaté un
photographe de l'AFP.
"Alors
que les violences entre autochtones tunisiens et migrants noirs
africains ne cessent de s'intensifier à Sfax créant de nouveau une
psychose chez ces derniers migrants", a écrit sur Facebook Franck
Yotedje, directeur de l'association Afrique Intelligence, qui œuvre pour
la défense des droits des migrants.
"L'une
des missions régaliennes de l'Etat est la protection des personnes et
de leurs biens. Les autorités tunisiennes doivent assurer la sécurité
des résidents de Sfax, tunisiens et étrangers", a-t-il ajouté.
La
mort lundi d'un habitant à Sfax avait suscité un torrent de réactions,
souvent aux relents racistes, appelant à l'expulsion des migrants
africains de Sfax, point de départ d'un grand nombre de traversées
illégales vers l'Italie par la mer.
Les
tensions entre les habitants et les migrants se sont exacerbées après
un discours en février du président Kais Saied pourfendant l'immigration
clandestine et la présentant comme une menace démographique pour son
pays.
Mardi,
M. Saied a affirmé que la Tunisie "n'accepte pas sur son territoire
quiconque ne respectant pas ses lois, ni d'être un pays de transit (vers
l'Europe) où une terre de réinstallation pour les ressortissants de
certains pays africains".
La
plupart de ces migrants viennent en Tunisie pour tenter ensuite de
rejoindre l'Europe par la mer, en débarquant clandestinement sur les
côtes italiennes.
M.
Saied a accusé des "réseaux criminels" d'être à l'origine de cette
immigration illégale qui visa selon lui à troubler "la paix sociale en
Tunisie".
Dans
un communiqué publié mercredi, la branche de Sfax de la puissante
centrale syndicale UGTT, a accusé le pouvoir d'avoir aggravé le
phénomène d’immigration clandestine "en jouant le rôle de gendarme de la
Méditerranée, interceptant les bateaux des migrants africains
subsahariens clandestins et les acheminant à Sfax".
Il
a appelé M. Saied et son gouvernement à "trouver une solution radicale
(à la présence) de milliers de migrants subsahariens clandestins", et
affirmé "refuser que la région de Sfax ne se transforme en lieu de
rassemblement ou de réinstallation pour ces migrants dans une volonté de
faire plaisir à l'Italie et l'Europe".
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