« Ce sont des garçons grands et forts pour les travaux de la ferme. » « Huit cents », clame l’homme qui dirige les enchères. « 900… 1.000… 1.100… » En Libye, non loin de Tripoli, des migrants sont vendus aux enchères comme esclave pour environ 1.200 dinars libyens, soit près de 700 euros.
Après avoir reçu des informations émanant d’un contact sur place, des reporters de la chaîne américaine CNN se sont rendus en Libye et ont assisté à une scène identique, qui a fait l’objet d’un reportage diffusé mardi soir.
« Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser »
« Sous les yeux des journalistes, une douzaine de personnes défilent pour être vendues en l’espace de quelques minutes », explique la chaîne. « Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser », dit un des « vendeurs ». « Les acheteurs lèvent la main. Au fur et à mesure le prix augmente, 500, 550, 600, 650… La vente est conclue rapidement, et les hommes complètement résignés à leur sort, sont remis à leurs nouveaux maîtres. »
Les reporters de la chaîne sont allés à la rencontre de deux hommes, tout juste « vendus ». « Ils étaient si traumatisés par ce qu’ils venaient de vivre qu’ils ne pouvaient pas parler, et si effrayés qu’ils se méfiaient de tous ceux qui venaient à leur rencontre », détaille la chaîne.
Dans un centre de détention de migrants à Tripoli, les journalistes rencontrent des hommes venus du Mali, du Ghana, du Nigéria ou encore du Niger. Un ancien esclave raconte : « Oui, j’ai été vendu alors que je venais ici, confie Victory. La personne venue m’acheter, leur a donné l’argent. Et ils m’ont amené à la maison. Ce n’était même pas beaucoup d’argent. »
Les autorités libyennes parlent de « rumeurs »
Contacté par CNN, un officiel libyen fait état de simples rumeurs. « On entend des rumeurs mais rien de si visible ne se passe devant nous ». La chaîne américaine a transmis des vidéos aux autorités locales, qui ont indiqué qu’elles allaient ouvrir une enquête.
Ces révélations interviennent alors que le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a dénoncé mardi la détérioration des conditions de détention des migrants en Libye, jugeant « inhumaine » la coopération de l’Union européenne avec ce pays.
« La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye, et prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention », a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein dans un communiqué, affirmant que « la politique de l’UE consistant à aider les gardes-côtes libyens à intercepter et renvoyer les migrants (est) inhumaine ».
« La souffrance des migrants détenus en Libye est un outrage à la conscience de l’humanité », a-t-il ajouté.
En avril dernier, Othman Belbeisi, chef de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Libye avait dénoncé l’existence de « marché d’esclaves » dans ce pays.
Thousands of migrants and refugees cross Libya each year in search of a better life in Europe. But thanks to a recent crackdown, fewer boats are making it out to sea, leaving human smugglers with a backlog of passengers. So they auction them off as slaves.https://t.co/qCOgPS7UDq pic.twitter.com/4CvflUuT8D
— CNN (@CNN) 14 novembre 2017
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