A peine arrivé à Bondoukou, (Est, 416 km d’Abidjan), nous devons encore parcourir 22 kilomètres pour le village de Similimi. Un petit village de 571 âmes selon le recensement général de la population de 2014. Depuis 2008, ce village entouré de montagnes et presqu’isolé, a été désenclaver. Mais là où d’autres villages seraient heureux, ce désenclavement a ouvert les portes de l’enfer pour ces populations.
Entre bruits assourdissants des engins motorisés de Bondoukou Manganèse, succursale de l’indien Taurian Maganèse, et des trous béants à proximité du village, s’ajoute la destruction des plantations de noix de cajou de ces derniers. Cause principale, la recherche du manganèse, un métal gris-blanc qui ressemble au fer. Près de 90 % de la production mondiale de manganèse est utilisée dans l’industrie sidérurgique, notamment pour la construction des rails. Ses autres utilisations permettent de fabriquer de l’aluminium, des piles électriques ou encore de l’engrais. A Bondoukou, l’on estime à plus de 6 à 7 millions de tonnes la richesse en manganèse. Si en 2008, la mine était à 300 mètres du village, un arrêté ministériel pris la même année a donné une autorisation à Taurian d’étendre son champ exploitation. Résultat, la mine se trouve désormais à moins de 50 mètres du village mettant en danger tout le village. En plus d’avoir impacté négativement la principale rivière, source d’eau pour le village, devenu impropre à la consommation, le village est désormais menacé. A notre arrivée, en l’absence du chef de village Adou Kouamé, nous sommes accueillis par le chef de terre Gboko Kobenan Dongo. Notre guide Michel Kobenan Kra représentant des intérêts de la population de Similimi dans les négociations avec l’entreprise et les autorités, prends soin de nous faire visiter l’école du village construite en bois et composé de trois classes (CM2, CM1 et CM2). « Les plus jeunes sont obligés d’aller à l’école dans un autre village » précise-t-il. Premier constat, ce qui sert d’école est située à moins de 20 mètres d’un dépôt de terre stérile déversée par Bondoukou manganèse. « Cette extension de la mine qui est illégale d’un point de vue juridique, est également une catastrophe au niveau social. Elle a provoqué beaucoup de destructions de terres des paysans et, dans le même temps, de leurs sources de revenus.» Pour ce dernier, le problème avec le site de Bondoukou, ce n’est pas la mine en elle-même, qui est légale, c’est son extension. En effet, le code minier en son article 13 indique qu’une telle décision doit être prise par décret en conseil des ministres. Une légèreté de l’administration d’antan qui rattrape celle d’aujourd’hui et la met dos au mur face à une pression des populations et probablement de Bondoukou manganèse.
Mauvais départ ? Le 23 août 2006, alors que le pays traverse une crise depuis 4 ans, Taurian manganèse tributaire des décrets numéro 200 de Bondoukou/Tagadi et 202 de Bondoukou/Sorobango atterrit dans une bourgade appelé Borombo près de Bondoukou. Les décrets présidentiels précisent à cette date que le périmètre d’exploration est de 1 000 km2. L’exploration devra durer 3 ans et Taurian investis officiellement 420 millions de francs CFA pour ces travaux de prospection, de recherches et de développement. Les choses se passent bien jusqu’en 2008 où les populations de plus en plus élèvent la voix en exigeant des retombées de tous ces travaux. Les accusations fusent de partout et le ministre des mines de l’époque, Léon Emmanuel Monnet est pointé du doigt par les populations qui se disent fondées à bénéficier des ressources de la phase exploratrice de la mine. Dans la foulé, un arrêté ministériel est pris, élargissant de 300 mètres le périmètre d’exploration. Le 25 juin 2008, le Mouvement des jeunes pour la renaissance de Bondoukou (MOREB), une organisation qui a à peine un mois d’existence adresse une lettre de mécontentement à Taurian dont nous avons eu une copie dégradée par le temps. Ce courrier indique « Depuis des mois, votre société exploite des gisements de manganèse dans le département de Bondoukou (…). Nous nous insurgeons contre le fait que cette exploitation n’a pas déterminé des retombées auxquelles le département et ses populations sont en droit d’attendre. A travers un courrier, nous avons attiré l’attention du président du Conseil général, autorité compétente, sur les enjeux d’une telle activité. Malheureusement, notre lettre est restée sans suite. Nous vous informons que nous, jeunes de Bondoukou, regroupés au sein du MOREB, avons décidé de mener des actions en vue de faire respecter nos droits et intérêts ». Pour ces derniers, qui ont surement confondue la période d’exploration à celle d’exploitation, il fallait bénéficier immédiatement des retombées de cette période.
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