Quand il s’agit de commander, on ne regarde pas à la dépense. Mais pour payer après…
Le ministère du Commerce est à «carnets tirés» en ce moment avec plusieurs fournisseurs. Et pour cause, une ardoise impayée de 300 millions.
L’origine de la discorde
La Commission de la Concurrence, pour fonctionner, a besoin de matériels qu’utilisent ses membres, dans ses locaux. Pour renouveler son matériel, en 2OO7, des fournisseurs sont approchés par le Ministère du Commerce, précisément par le Secrétaire intérimaire de la Commission de la Concurrence, en vue de la fourniture d’accessoires de bureau. La commande est constituée de paquets d’enveloppes, parapheurs, papiers de rame, chemises cartonnées, sous-chemises, boîtes à stylos, agrafeuses, cahiers, classeurs, couvertures transparentes et cartonnées, bloc-notes, gommes à papier, tubes d’encre… Pour un montant global de 316 millions FCFA. Délai de paiement après livraison? Deux mois.
Les fournisseurs sont dans l’attente du règlement de leur facture, quand des incompatibilités entre le DAAF et le régisseur rendent difficile le paiement. Pour ne rien arranger, ces deux agents sont mutés ailleurs au cours de l’année 2008. La Commission fonctionnant de manière peu orthodoxe, il est alors décidé de l’auditer via des inspecteurs vérificateurs du Trésor, en février 2010. Cet audit avait pour objectif de faire la lumière sur un certain nombre de zones d’ombres dans la gestion de cette Commission, de même que de faire le point des dettes. A la fin de l’audit, des recommandations sont faites:
«-La prise de mesures conservatoires par la saisine de l’Agence judiciaire du Trésor (AJT), relative à la reconnaissance de 17.6OO.OOO FCFA;
-la mise en place d’une nouvelle commission;
-l’ouverture d’un nouveau compte à l’Agence centrale des dépôts (ACCD);
-la restitution de tous les chèques détenus par les prestataires;
-l’actualisation de toutes les factures et leur ordonnancement par des ordres de paiement avant tout règlement;
-l’encadrement technique et une assistance régulière dans la gestion de la Régie d’Avances par la Paierie générale du Trésor (PGT); et
-la mise en place d’un système de classement et d’archivage méthodiques des pièces justificatives des opérations.»
Après cet audit des inspecteurs vérificateurs donc, ils affirment que «les restes à payer ont été reconstitués à partir de trois sources, à savoir:
-Les factures déposées par M. Kra Atto, régisseur sortant;
-les factures reçues des prestataires avec ou sans photocopies des chèques sans provision;
-les factures transmises par M.Sacko, secrétaire général.
Du croisement de ces trois sources, la mission a établi un état des restes à payer sur pièces qui se chiffre à 316.647.174 FCFA composé comme suit:
-Restes à payer 2OO6: 23.15O.OOO dont 9.5OO.OOO FCFA de factures avec des chèques sans provision et 13.65O.OOO FCFA de factures sans chèques;
-Restes à payer 2OO7: 125.487.174 FCFA dont 57.5OO.OOO FCFA de factures avec chèques sans provision et 67.987.174 FCFA de factures sans chèques;
-Restes à payer 2OO8: 168.O1O.OOO FCFA dont 117.O51.2OO FCFA de factures avec chèques sans provision et 5O.958.8OO FCFA de factures sans chèques.»
Rien n’a été suivi?
Malgré les conclusions et autres recommandations des auditeurs, la situation des fournisseurs, depuis 2007, n’a pas évolué. Et pour cause, la Commission fonctionnait avec une équipe intérimaire, selon des fournisseurs interrogés par «L’Eléphant». Une nouvelle équipe s’est installée après 2010 et depuis, rien ne s’est passé: «La nouvelle équipe, c’est-à-dire la régie, a une dotation de 300 millions FCFA par an. Nous pensions qu’on nous paierait au fur et à mesure, mais cela n’a pas été fait. La moitié de cette dotation, c’est-à-dire 150 millions de FCFA, est retournée au Trésor, sans qu’on ne tienne compte de nos crédits. Avant que l’ancien DAAF ne parte, il y avait une dotation de 55 millions de FCFA. Nous sommes allés le voir pour un mandat de paiement, et non un ordre de paiement qui lui, peut être caduc. Quand la nouvelle équipe est venue, on ne savait plus où étaient passés les 55 millions de FCFA. Nous demandons à ce qu’on nous verse au moins pour commencer, ces 55 millions de FCFA. On devait nous les remettre parce qu’ils ont été engagés au Trésor en 2009, mais à cause des élections, on n’a pu nous les remettre. On devait donc nous les remettre en 2011, mais rien! Nous sommes des pères de famille, et nous avons, nous aussi, nos engagements…» Se lamentent les fournisseurs.
Interrogés par «L’Eléphant» sur cette situation, les communicants du ministère ont promis revenir. Sans revenir. Approchés de nouveau avant la mise sous presse de cet article, ils ont répondu: «J’ai transmis la préoccupation au Dir Cab. Je suis en attente de sa réaction.»
En attendant, les fournisseurs attendent ce qui leur est dû depuis bientôt dix ans. De deux mois à dix ans, c’est un bel exploit commercial.
Petit focus sur la Commission de la Concurrence
Selon le décret N°2OO4-65O du16/12/2OO4 modifiant le décret N°96-288 du 3/4/1996portant organisation et fonctionnement de la Commission de la Concurrence, en article premier nouveau, «La Commission de la Concurrence…est composée de dix membres nommés par décret en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé du Commerce pour une durée de six ans renouvelable une fois. Les membres sont choisis parmi les personnalités connues pour leur intégrité morale et leur compétence dans les catégories suivantes:
-Magistrat des juridictions de l’ordre judiciaire, administratif ou la chambre des Comptes;
-Hauts fonctionnaires spécialistes en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation;
-Personnalités du secteur privé exerçant ou ayant exercé dans les domaines de la production, de la distribution, de l’artisanat, des services ou des professions libérales;
-Personnalités membres de la société civile. Parmi les dix membres de la Commission doivent obligatoirement figurer au moins:
-un Magistrat;
-un Avocat d’affaires;
-Un Economiste, Professeur d’Université;
-Un Représentant des organisations de consommateurs;
Les cinq autres membres de la Commission sont choisis dans le secteur privé par le Ministre du Commerce sur une liste présentée par les organisations syndicales ou professionnelles.» Et dans le projet de loi portant «Code de la Consommation», le Ministère du Commerce indique que «la Commission de la Concurrence et de Lutte contre la vie chère et le Code de la Consommation permettront:
-de réguler les prix pour tous;
-d’avoir des biens et services de meilleure qualité;
-d’avoir un plus grand choix de produits.» Bref…
W.A, in L’Eléphant déchainé N°457
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