Quelles sont les limites à la liberté d'expression ? Elles augmentent en tous les cas en Algérie, où un jeune auteur de 25 ans, Anouar Rahmani, en fait l'expérience. Pour un roman publié sur internet, il a été convoqué par la police et entendu par la justice. Calomnie ? Blasphème ? Le procureur doit décider ou non s'il sera inculpé pour deux passages de « La ville des ombres blanches », publié en août 2016.
Dans le premier passage, un enfant a une conversation avec un sans domicile fixe, baptisé « Dieu » et qui affirme avoir créé le ciel à partir d'un chewing-gum. Dans l'autre, Anouar Rahmani décrit une relation homosexuelle entre un combattant algérien et un colon français pendant la guerre d'indépendance.
Anouar Rahmani dit avoir été interrogé par sept policiers, pendant plusieurs heures. Il s'est vu reprocher notamment d'avoir utilisé un vocabulaire sexuel contraire aux bonnes mœurs. Et dit avoir été obligé de répondre à des questions intimes sur sa foi et ses convictions politiques. « Est-ce que vous priez », « êtes-vous musulman » ou encore « pouvez-vous insulter le président Abdelaziz ».
Jamais un romancier n'avait été interpellé pour une oeuvre de fiction
Le procureur a ouvert une enquête pour offense au prophète et dénigrement des préceptes de l'islam. S'il est inculpé, l'étudiant en droit risque donc de trois à cinq ans de prison et plus de 900 dollars d'amende. Et c'est inédit. Car jusqu'à présent jamais en Algérie, un romancier n'a été interpellé pour une œuvre de fiction. Même si, il faut le rappeler Anouar Rahmani est aussi blogueur et avait déjà été accusé de blasphème par le journal El Chourouk, il y a six mois, pour avoir défendu sur son blog la cause homosexuelle.
L'organisation Human Rights Watch demande l'arrêt des poursuites contre lui. Quant à l'auteur algérien Kamel Daoud, interrogé par nos confrères du Point, il dénonce une « talibanisation de la culture algérienne ».
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