Eric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, ce qu’il conteste fermement.
Après une semaine d’audiences, le réquisitoire s’est tenu mercredi 15 novembre dans l’après-midi au procès inédit d’Eric Dupond-Moretti, devant la Cour de justice de la République (CJR). A l’issue de ce réquisitoire à deux voix, avec l’avocat général Philippe Lagauche, Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, a demandé à la CJR « de déclarer Eric Dupond-Moretti coupable des faits de prise illégale d’intérêts qui lui sont reprochés ». Tous deux ont requis une peine d’un an de prison avec sursis contre le ministre de la justice.
Rémy Heitz a demandé à la CJR de déclarer M. Dupond-Moretti « coupable », mais concernant la peine d’inéligibilité, normalement obligatoire en cas de condamnation, il a déclaré à la Cour qu’elle pouvait « s’en dispenser » en s’en remettant à sa « sagesse ».
« Ce n’est pas n’importe quel ministre prévenu devant vous, c’est le gardien du droit, qui doit veiller plus que tout autre au respect des standards éthiques » et « de l’indépendance de la justice », a-t-il continué, notant que le conflit d’intérêts reproché au ministre « sautait aux yeux », malgré le « déni persistant ». « Je ne vous demande pas de faire un exemple, je vous demande d’appliquer la loi, a déclaré le haut magistrat. Votre décision rappellera solennellement la frontière entre ce qui est admis et ce qui ne l’est pas. »
Le ministre français de la Justice, garde des sceaux est jugé pour « prise illégale d’intérêts ». Il est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, ce qu’il conteste fermement.
Le réquisitoire s’est tenu à l’issue de 144 heures de procès. M. Heitz a pris la parole en premier, peu après 14 heures, assurant que « c’est bien des valeurs de la République et des règles qu’elle se donne qu’il est question devant cette cour ». « Jamais en prêtant mon serment de magistrat il y a trente-cinq ans je n’aurais imaginé » devoir requérir contre « un ministre de la justice en exercice », a déclaré le haut magistrat.
« Je mesure, monsieur le ministre, l’épreuve que cela représente pour vous, qui êtes très habitué aux prétoires », a continué Rémy Heitz à l’adresse de l’ancien avocat. « Vous voir là, en civil, parmi nous, alors que nous sommes en robe, ne fait plaisir à personne », a-t-il assuré, avant d’ajouter : « C’est un exercice difficile pour moi, et je n’en tire aucune satisfaction personnelle. »
A l’audience, dans la matinée, en marge de l’audition de deux derniers témoins, le président, Dominique Pauthe, avait de nouveau interrogé sur le sujet Eric Dupond-Moretti. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus », a lâché le ministre, ajoutant : « Je me suis longuement exprimé, je ne vais pas répéter. (…) j’ai toujours dit que je n’ai pas eu le sentiment d’être dans un conflit d’intérêts, que je n’avais aucune envie de régler des comptes avec qui que ce soit. »
Le garde des sceaux avait envisagé de ne pas comparaître en matinée devant la Cour de justice de la République (CJR) pour se rendre au conseil des ministres, mais il n’a finalement pas raté une journée d’audience.
Au cours de ce procès, Eric Dupond-Moretti est revenu à ses habitus d’avocat, ne laissant rien passer et faisant subir aux témoins à charge un fond sonore de grommellements et de soupirs exaspérés. « Pardon, je suis un peu bouillonnant », s’est-il excusé auprès de la cour. Même traitement pour l’accusation et ses « questions orientées » : « tout est à charge », a déclaré l’ex-avocat vedette aux trente-six années de barreau.
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