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La condamnation de l’ancien président Lula, symbole d'un Brésil à la dérive

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L’ancien chef de l’Etat brésilien Luiz Inacio Lula Da Silva a été condamné mercredi 12 juillet à près de 10 ans de prison. Grand favori de l’élection présidentielle de l’année prochaine, figure de proue de la gauche dans le pays, Lula est soupçonné d’avoir touché l’équivalent d’un million d’euros de pots-de-vin de la part d’une entreprise de construction, à qui il aurait facilité l’obtention de contrats auprès du géant pétrolier Petrobras. Combatif dans sa première réaction à sa condamnation, Lula dénonce ceux qui «sont en train de détruire la démocratie» de son pays.

Il n’a pas fallu longtemps aux avocats de Lula pour faire appel de la décision : « Nous prouverons son innocence, devant toutes les cours impartiales, y compris aux Nations unies », ont-ils lancé peu après l’annonce de la condamnation. Pour eux, il s’agit d’un procès « politique », d’une « atteinte à la démocratie ».

Leur client a été condamné à 9 ans et 6 mois de prison. Lula peut rester libre jusqu’au jugement en appel. Mais s’il devait purger sa peine, il ne pourrait pas participer à la présidentielle de 2018. Une élection où il est donné favori, et à laquelle Lula n’a pas renoncé à se présenter. Il le réaffirmait le 13 juillet, au lendemain de sa condamnation, taclant au passage ceux qui le poursuivent, estimant qu'ils « sont en train de détruire la démocratie ». L'ancien président se trouve toutefois en mauvaise posture : il est visé par cinq affaires judiciaires, toutes liées au scandale Petrobras, du nom de la compagnie pétrolière publique brésilienne.

Un triplex dans une station balnéaire

Tout commence en 2014 avec  l’opération Lava Jato, « lavage express  ». Cette enquête de la police fédérale brésilienne révèle un immense réseau de corruption et de pots-de-vin. Sont impliqués le géant pétrolier Petrobras, des sociétés de bâtiment et de construction, et des responsables politiques de tous les partis, y compris de la coalition gouvernementale de centre-gauche, et du Parti des travailleurs, au pouvoir depuis l’accession de Lula à la présidence en 2003.

« L’opération Lava Jato a révélé qu’il existait au Brésil un cartel de patrons véreux qui arrosent la classe politique depuis une trentaine d’années en échange d’un accès aux marchés publics et d’une législation favorable », résume l’historienne spécialiste du Brésil Armelle Enders.

Les entreprises de BTP se seraient entendues entre elles pour se partager des marchés. Elles surfacturent ensuite les chantiers d’infrastructures à Petrobras. Et pour que les dirigeants brésiliens ferment les yeux, elles leur auraient graissé la patte. L’argent aurait servi à mener des campagnes électorales, et au passage, certains élus se seraient personnellement enrichis. C’est du moins ce que dit le jugement rendu le 12 juillet. Lula aurait obtenu du groupe de construction OAS un triplex dans une station balnéaire brésilienne. L’ensemble des largesses dont il aurait bénéficié s’élèverait à un peu plus d'un million d’euros.

Trois présidents de la République mêlés au scandale

Des dizaines d’hommes, de femmes politiques et d’entrepreneurs ont été condamnés dans le cadre du scandale Petrobras. L’actuel président Michel Temer est inquiété par des révélations pour des faits de corruption et d’autres délits de droit commun, ainsi que pour ses proximités avec des entrepreneurs véreux. « Ses jours sont comptés à la présidence du Brésil, même s’il s’accroche par tous les moyens », estime Armelle Enders.

« Deux instruments du Lava Jato expliquent cette avalanche de condamnations, poursuit l’enseignante à l’université de Paris VIII. D’abord, le recours à des peines de prison préventive, qui ont surtout été appliquées à des entrepreneurs, puis depuis l’année dernière à des hommes politiques. Cela les pousse à parler, et de là vient le deuxième instrument : les prévenus obtiennent des remises de peine en échange de leurs aveux. »

Le nom de l’ancienne présidente, Dilma Rousseff apparaît lui aussi dans l’affaire, notamment parce qu’elle était à la tête du conseil d’administration de Petrobras de 2003 à 2010. Elle n’est cependant pas visée par une enquête judiciaire, et sa destitution n’est pas directement liée au scandale. Le Sénat brésilien a destitué Dilma Rousseff, en août 2016, en lui reprochant d’avoir maquillé les comptes publics afin de faciliter sa réélection.

Cependant quelques mois avant de devoir renoncer à son poste, la présidente brésilienne avait nommé comme ministre d’Etat, et chef de cabinet de la présidence Luiz Inacio Lula Da Silva. Cette nomination au plus haut poste du gouvernement permettait à son prédécesseur d’échapper aux poursuites pénales. Mais cette décision de Dilma Rousseff a été considérée comme une entrave à la justice et invalidée par le Tribunal suprême fédéral.

Le visage d'un Brésil en lambeaux

L’ancien ouvrier métallurgiste devenu président du pays était le grand favori de la présidentielle de 2018. La cote de popularité de Lula était de plus de 80% à la fin de son mandat en 2010, ce qui avait permis à Dilma Rousseff de lui succéder facilement. Depuis le 12 juillet et la condamnation de l’ancien président, des manifestations de soutien ont eu lieu un peu partout dans le pays, de même que des mobilisations de personnes demandant l’emprisonnement de Lula. « Il est populaire sociologiquement parlant, mais c’est un personnage clivant. Il remporte l’adhésion des classes populaires, plus nombreuses, mais est très peu apprécié de la bourgeoisie », observe Armelle Enders.

En 7 ans de présidence, entre 2010 et 2013, Lula a sorti 30 millions de Brésiliens de la pauvreté. Ses programmes sociaux ont servi d’exemple à une grande partie de la gauche sud-américaine. « Aujourd’hui, il y a un acharnement politique contre Lula, estime l’historienne spécialiste du Brésil Armelle Enders. Le juge en charge de l’affaire ne cache pas ses accointances politiques avec la droite, qui est un peu épargnée par l’aspect juridique des révélations Petrobras. »

Lula, tribun charismatique de 71 ans, cireur de chaussures dans son enfance, a donné au Brésil une voix, un visage sur la scène internationale. C’est lui qui a obtenu l’organisation de la Coupe du Monde de football en 2014, puis celle des Jeux Olympiques en 2016.

Mais Lula est aussi un savant tacticien politique, parfois impitoyable. En 2005, il avait décapité la direction de son propre parti, qui était impliquée dans un scandale d’achat de votes. Guéri d’un cancer du larynx en 2011, veuf depuis le mois de février, Lula revient de loin. Pas sûr cependant que son image de combattant suffise à le racheter aux yeux des Brésiliens.

 

 
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