Le procès de Dominique Hébert, 52 ans, ex-entraîneur emblématique du club de natation de Pont-Saint-Pierre, s’ouvre ce vendredi devant la cour d’assises de l’Eure.
« Qui dort avec moi ce soir ? » A chaque compétition, la question revenait, inlassablement, dans la bouche de Dominique Hébert… sans qu'aucun des jeunes qu'il entraînait ne voie le problème.
C'est toute la force du conditionnement mis en place par ce maître nageur, aujourd'hui âgé de 52 ans et qui comparaît, détenu, à partir de ce vendredi aux assises de l'Eure pour des viols et agressions sexuelles sur de jeunes, voire de très jeunes garçons : 23 victimes aujourd'hui adultes, abusées parfois dès l'âge de 9 ans, sur plusieurs générations - les faits se sont étalés sur dix-sept longues années.
Tous ces garçons étaient inscrits en section compétition à la piscine de Pont-Saint-Pierre (Eure), une bourgade d'un peu plus de 1 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Rouen et une quarantaine d'Évreux, mais que Dominique Hébert avait réussi à imposer dans le monde de la natation, obtenant d'excellents résultats dès l'ouverture de l'équipement, en 1994.
Sympathique, drôle, pédagogue, dévoué… En plus de ses succès sportifs, l'homme, surnommé « chouchou », était unanimement apprécié de ses collègues, des parents et des élus - il sera d'ailleurs conseiller municipal pendant dix ans. De quoi lui conférer le statut de véritable « institution » locale, ou selon les mots d'une de ses victimes, de « dieu des maîtres nageurs ».
Des séances de masturbations collectives
La pluie de louanges cesse lorsqu'en 2014, en proie à une lourde dépression, un ancien élève dépose plainte. La première d'une longue liste. Tous racontent une même mécanique : « la mise en place d'une extrême proximité avec celui qu'ils considéraient comme un grand frère, dans une ambiance hypersexualisée », décrit Me Rodolphe Costantino qui, avec Me Marie Grimaud, défend les intérêts de la plupart des parties civiles.
A la piscine, lors des stages, des compétitions, et même à son domicile, Dominique Hébert proposait des « câlins » et des « chatouilles » sous forme de jeux.
Des « chiches ou pas chiches » qui se transformaient peu à peu en agressions sexuelles et viols, alors que l'entraîneur incitait à des séances de masturbations collectives, isolait certains pour pratiquer ou demander des fellations et des pénétrations, parfois à plusieurs. De quoi renforcer encore la culpabilité de ces gamins, déjà pris dans un conflit de loyauté envers cet adulte de confiance - un homme qu'ils connaissaient depuis des années, et qui, pour beaucoup, leur avait appris à nager.
« Ces agissements se déroulaient sans violence, mais avec un conditionnement de l'enfant qui, confronté à une sexualité adulte qu'il méconnaît, fait ce qu'on lui demande sans se poser de questions, et banalise », détaille Me Costantino, insistant sur la notion de « surprise » du consentement, l'une des caractéristiques du viol selon le Code pénal.
Il avait la totale confiance des parents
Ami de certaines familles au point d'être invité à des mariages, Dominique Hébert avait la totale confiance des parents qui laissaient leur fils passer du temps et même dormir, les week-ends, chez lui. « C'était le paradis pour eux, reprend Me Costantino. Il avait une décapotable, des jeux vidéo, des DVD et Internet, à une époque où cela était encore peu répandu… »
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