Les Etats-Unis ont annoncé ce jeudi 12 octobre qu'ils se retiraient de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), accusant l'institution d'être « anti-israélienne ».
La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, a annoncé ce jeudi 12 octobre avoir été informée par le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, de la décision des Etats-Unis de se retirer de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, accusant la l'institution d'être « anti-israélienne ».
Dans un communiqué, Irina Bokova a affirmé « regretter profondément » cette décision. « L'universalité est essentielle à la mission de l'Unesco pour construire la paix et la sécurité internationales face à la haine et à la violence, par la défense des droits de l'homme et de la dignité humaine », a-t-elle souligné.
Des regrets partagés par la France, qui héberge l'Unesco à Paris, et par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui souligne « le rôle majeur des Etats-Unis à l'Unesco depuis sa fondation », en 1946.
Les Etats-Unis mettent leurs menaces à exécution
Les Etats-Unis avaient déjà quitté l'Unesco entre 1984 et 2003. Alliés d'Israël, ils avaient cessé leur contribution financière à l'Unesco, basée à Paris, en 2011 suite à l'admission de la Palestine comme Etat membre. Washington a pour politique de s'opposer systématiquement à toute reconnaissance de la Palestine par les organisations onusiennes tant qu'un accord de paix n'aura pas été trouvé au Moyen-Orient.
« Cette décision n'a pas été prise à la légère » explique le département d'Etat américain dans un communiqué. Il invoque des considérations financières et organisationnelles, pour expliquer le retrait des Etats-Unis de l'Unesco. Mais il accuse aussi et surtout l'organisation d'avoir des positions « constamment anti-israéliennes ».
Retrait israélien
Washington a très mal réagi en juillet lorsque l'Unesco a inscrit la vieille ville d'Hebron, en Cisjordanie occupée, en « zone protégée » du patrimoine mondial, qualifiant cette décision d'« affront à l'histoire ». Haut lieu de tensions, Hébron abrite une population de 200 000 Palestiniens et de quelques centaines de colons israéliens, qui sont retranchés dans une enclave protégée par des soldats près du lieu saint que les juifs désignent sous le nom de tombeau des Patriarches et les musulmans, mosquée d'Ibrahim. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu avait à l'époque qualifié de « délirante » la décision de l'Unesco.
L'Unesco publie également régulièrement des rapports critiquant l'occupation israélienne des territoires palestiniens. Israël avait d'ailleurs aussi gelé son financement à l'organisme onusien, mais sans s'en retirer. Le gouvernement hébreu a salué aujourd'hui le retrait américain comme le début d'une « nouvelle ère », avant d'annoncer qu'il embrayait le pas à son allié américain et se retirait lui aussi de l'Unesco. Le Premier ministre Benyamin Netanyahu « a donné pour instruction au ministère des Affaires étrangères de préparer le retrait d'Israël de l'organisation, parallèlement aux Etats-Unis », a dit son bureau dans un communiqué. « L'Unesco est devenue le théâtre de l'absurde où l'on déforme l'histoire au lieu de la préserver », a-t-il ajouté.
Après son retrait, qui ne sera effectif que fin 2018 conformément aux statuts de l'Unesco, Washington souhaite y demeurer observateur.
Ce choix de la rupture illustre la volonté de Donald Trump de prendre ses distances avec les organisations internationales, explique notre correspondante à Washington, Anne Corpet. Le président américain n’a jamais caché son dédain pour les Nations unies. Mais depuis 2011 et l’admission de la Palestine comme membre à part entière, les Américains ne payaient plus leur écot. Ils ont perdu leur droit de vote deux ans plus tard comme le prévoient les statuts de l’Unesco. D’ici la fin de l’année, l’ardoise américaine auprès de l’organisation qui défend l’éducation la science et la cutlure s’élevera à 550 millions de dollars.
Un retrait en pleine élection du prochain dirigeant de l'Unesco
L'annonce américaine intervient au moment même où l'élection hautement politique du successeur d'Irina Bokova entre dans une phase décisive, cristallisant d'autres tensions diplomatiques. Les 58 pays membres du Conseil exécutif doivent désigner ce jeudi deux finalistes, voire le prochain dirigeant de cette organisation en mal de réformes, de dépolitisation et de consensus. Et qui doit faire en outre avec les arriérés de contribution de ses membres.
Or, depuis le début du scrutin lundi, un des vainqueurs potentiels est le candidat qatari Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari qui ne fait pas l'unanimité. Les pays arabes qui ont rompu cette année leurs relations diplomatiques avec Doha, dont l'Egypte et l'Arabie saoudite, s'en inquiètent même s'ils ont largement revendiqué le poste pour leur groupe, qui ne l'a jamais occupé.
En outre, de vieux soupçons d'antisémitisme à l'encontre du candidat qatari ont resurgi ces derniers jours, relayés notamment par le Centre Simon Wiesenthal Europe et la Ligue Anti-diffamation aux Etats-Unis. Il lui est en particulier reproché un silence présumé face à la présence de livres antisémites au cours de foires du livre lorsqu'il était ministre de la Culture.
Pour la France, le retrait américain plaide pour sa propre candidate, Audrey Azoulay, 45 ans, ancienne ministre de la Culture qui a recueilli autant de voix que lui mercredi - 18 sur les 30 nécessaires pour être élu -, comblant l'écart qui les séparait encore la veille. « Notre candidature à la direction générale de l'Organisation prend, dans ces circonstances, une signification nouvelle », selon le gouvernement.
Suit, avec 13 suffrages mercredi, la militante des droits de l'homme égyptienne Moushira Khattab. Si aucun n'atteint la majorité absolue jeudi, le dernier vote vendredi départagera les deux candidats arrivés en tête.
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