Comment décrocher coûte que coûte un second mandat de président des États-Unis après avoir à l'évidence perdu l'élection? Telle est visiblement la question qui obsède Donald Trump depuis le soir du scrutin, le 3 novembre dernier. Le camp Trump, qui affirme n'avoir été battu que par des fraudes électorales commises par ses adversaires démocrates militant pour Joe Biden, a multiplié en une quinzaine de jours les recours devant les tribunaux. Toutefois, le président sortant a été défait dans la grande majorité de ceux-ci, au point qu'il n'a plus rien à espérer par la voie de la procédure légale.
Aussi a-t-il choisi de tenter sa chance sur un chemin plus politique et plus hasardeux. Le garant des institutions américaines veut empêcher les États-clés de l'élection, à commencer par le Michigan, de certifier leurs résultats, persuadé qu'alors les parlementaires républicains locaux pourraient désigner eux-mêmes les grands électeurs.
Dans ce fantasme nourri par le chef d'État, le procédé permettrait de renverser le vote populaire, favorable à son rival, et lui octroirait surtout quatre années présidentielles de plus. Mais selon la presse américaine, ce calcul tient du désespoir, voire de la déraison.
Coups de fil vers le Michigan
C'est donc autour du Michigan, où Joe Biden le devance d'environ 157.000 suffrages, que se concentrent pour l'instant les manoeuvres de Donald Trump, a détaillé ici le New York Times. Ce vendredi après-midi, il doit recevoir entre les murs de la Maison Blanche Mike Shirley, qui dirige la majorité républicaine de la Chambre des Représentants du Michigan, et Lee Chatfield, président du Sénat local lui aussi dominé par le "Grand Old Party".
Mardi soir, il a déjà appelé Monica Palmer, membre (républicaine) du Conseil électoral du comté de Wayne, circonscription cruciale dans le décompte des votes car elle comprend le populeux Détroit. Celle-ci venait de se rendre célèbre en refusant dans un premier temps de certifier les résultats du comté, avant de le faire sous la pression d'une partie de l'opinion. Au lendemain du coup de fil présidentiel, elle a cependant voulu, de concert avec son collègue républicain également membre du Conseil électoral, William Hartmann, révoquer son vote.
Obstacles en série
L'idée poursuivie par Donald Trump selon le quotidien new-yorkais est la suivante: s'il parvient à empêcher la certification des résultats d'un État jusqu'à la date butoir, fixée en ce cas à lundi, le parlement à majorité républicaine pourrait distribuer lui-même les places de grands électeurs, dont le collège doit voter le 14 décembre prochain pour établir officiellement l'identité du prochain président des États-Unis. Plusieurs obstacles majeurs se présentent cependant devant cette stratégie retorse.
D'une part, le gouverneur de l'État peut limoger les membres du Conseil électoral et les remplacer par des membres par intérim le temps d'achever la mission de l'instance. Dans le cas du Michigan, ce gouverneur est par ailleurs démocrate. De plus, quand bien même les Républicains parviendraient à transformer un vote populaire pro-Biden en grands électeurs pro-Trump, les Démocrates seraient en principe assurés de l'emporter en justice.
La porte-parole de la secrétaire d'État du Michigan a de surcroît déjà écarté jeudi la possibilité pour Monica Palmer et son confrère de revenir sur leur décision de certifier l'issue du vote dans le comté de Wayne. "Il n'existe aucun mécanisme pour leur permettre de révoquer leur vote. Leur travail est fini et la prochaine étape du processus est de réunir le Conseil électoral de l'État et de certifier le scrutin", a-t-elle dit, relayée par le New York Times.
Déchirements républicains
Pour l'instant, le Michigan est le seul État à avoir suscité les tentatives concrètes de Donald Trump. Mais des membres de son entourage ont assuré à la presse qu'il avait demandé à des collaborateurs de l'aiguiller vers des élus républicains d'autres États dont les urnes semblent destinées à lui échapper, comme la Géorgie, ou l'Arizona.
Encore lui faut-il y trouver des alliés. Or, nombreux sont les responsables républicains à avoir affirmé qu'ils ne feraient rien pour altérer la décision proclamée par les bulletins de vote. Ainsi, Rusty Bowers, président de la Chambre des Représentants de l'Arizona, qui a par ailleurs rappelé son suffrage en faveur de Donald Trump, a écrit la chose suivante à ses collègues:
"J'ai prêté le serment de servir la Constitution des États-Unis ainsi que les lois de l'Arizona".
Le sénateur de l'Utah, Mitt Romney, et adversaire notoire de Donald Trump bien que républicain, s'est montré lui plus véhément dans un communiqué paru jeudi soir:
"Vu qu'il avait échoué à monter un dossier de fraude à l'échelle nationale ou de conspiration ne serait-ce que plausible devant les tribunaux, le président a désormais résolu d'exercer ouvertement des pressions sur les responsables locaux ou régionaux dans le but de subvertir la volonté populaire et de renverser l'élection."
Le système Giuliani
L'influence de Rudy Giuliani, ancien maire de New York et avocat du président sortant des États-Unis, semble cardinale dans cette fuite en avant. L'homme a l'oreille du patron de l'exécutif qui, quant à lui, a fait taire les voix lui conseillant de se résigner à son échec. Le Washington Post a assisté jeudi à une conférence de presse de l'équipe d'avocats emmenée par Rudy Giuliani dans les locaux du Comité national républicain situés dans la capitale américaine.
Les juristes ont à nouveau prétendu que les grandes villes aux municipalités démocrates avaient pratiqué des fraudes électorales massives. Nourrissant les soupçons du chef d'État quant à Dominion Voting System, la société-mère du logiciel utilisé pour la gestion du vote électronique dans une trentaine d'États lors du scrutin, l'une des avocates, Sidney Powell, a avancé que le programme informatique avait à l'origine "été créé au Venezuela à destination de Hugo Chavez afin de lui garantir la victoire à chaque élection".
L'ennui, c'est que les avocats n'ont pas été davantage capables de produire des preuves pour appuyer leurs dires que Hugo Chavez, mort depuis sept ans, n'a été capable de se défendre.
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