Les usines de transformation de cajou en déficit d’approvisionnement cette année encore, avaient espéré pouvoir acheter les stocks détenus par les exportateurs et interdits d’exportation par le Gouvernement. Malheureusement, cette mesure a été contournée et n’a pas produit les effets escomptés.
Pour rappel face au problème d’approvisionnement des usines de transformateurs locaux, le Gouvernement avait au mois d’Avril, interdit l’exportation de 160 000 tonnes de noix brutes devant couvrir les besoins des usines asiatiques et avait mandaté le CCA pour organiser la vente de ces stocks détenus par les exportateurs aux transformateurs locaux.
Ces derniers étaient à la recherche de volumes de noix brutes de cajou pour couvrir leurs besoins de transformation, estimés en fin de campagne par le CCA à 60 000 tonnes de noix brutes à transformer.
Cependant le très puissant lobby des exportateurs de cajou a d’abord convaincu le CCA lors d’une reunion le 29 mai 2024 de ne pouvoir vendre aux transformateurs que 30 000 tonnes sur les 160 000 tonnes interdits d’exportation, ne pouvant couvrir ainsi que la moitié des besoins des transformateurs d’un total de 60 000 tonnes.
Lors de cette même réunion organisée par le CCA, les exportateurs ont aussi réussi à avoir l’accord du CCA de vendre leurs stocks à 455 FCFA/ kilo soit 85 FCFA/ kilo au-dessus du marché (370 FCFA) et à 125 FCFA au-dessus du prix du barème du CCA (330 FCFA pour zone de Bouaké), et cela sans aucune exigence de qualité minimum, ni aucune précision sur qui supporte les coûts de manutention et de transport pour ramener ces stocks aux usines à l’intérieur du pays.
Mais les quelques transformateurs qui ont envisagé de surpayer les noix brutes au prix exigé par les exportateurs, se trouvent dans une nouvelle impasse. Ils réalisent, à la suite des analyses qualité effectuée sur les 30 000 tonnes de noix brutes en question, que ce sont majoritairement des qualités très mauvaises et non transformables localement (entre 39 et 42 de KOR).
Un analyseur d’un transformateur à Abidjan confie « ce type de qualité inférieure est difficilement transformable car ces noix brutes ont un faible rendement, on les exporte entre autres pour fabriquer des produits pour la nourriture animale. Alors si en plus vous devez payer pour ces noix brutes de basse qualité le prix d’une qualité standard à 85 FCFA plus cher que le marché, ce n’est pas possible économiquement ».
Par conséquent sur les 60 000 tonnes qui manquent aux transformateurs locaux, seules 1 000 tonnes à 2 000 tonnes de noix brutes de qualité acceptable leur seront vendues. Au final les exportateurs auront donc pu exporter dans un premier temps toutes les noix brutes de qualité standard pour les usines en Asie, soit près de 130 000 tonnes. Quant aux 30 000 tonnes de noix brutes de basse qualité que les exportateurs ont volontiers souhaité proposer à la vente, elles seront donc en majorité exportées vers l’Asie, faute d’acquéreur local dans ces conditions de qualité et de prix.
Les transformateurs locaux devront quant à eux se résoudre à tourner cette année encore en sous capacité.
Aujourd’hui, le constat qui est fait, c’est que, d’une part, l’organisation de la commercialisation intérieure n’assure pas l’approvisionnement direct des transformateurs pendant la campagne. D’autre part, lorsque les stocks sont interdits d’exportation et mis en vente aux transformateurs locaux comme en 2018 et 2022, les exportateurs arrivent toujours à contourner les mesures pour continuer d’alimenter les usines en Asie au détriment des usines locales.
À cet effet, l’absence de supervision et d’arbitrage du CCA sur l’opération de cession pose un problème aux transformateurs locaux face aux exportateurs propriétaires des stocks se trouvant en position de proposer des noix brutes de basse qualité et d’exiger des prix au-dessus du marché pour conserver leurs noix brutes.
En privé un témoin des négociations confie « on ne peut pas imposer un prix aux exportateurs, seul le CCA peut le faire, et contrairement à la filière cacao il n’y a pas de système de valorisation des noix brutes imposé aux acteurs lors des cessions de stocks d’exportateurs aux transformateurs. Les exportateurs sont maitres du jeu face au CCA et aux transformateurs locaux tant sur la capacité à surpayer, que sur la liberté qu’ils ont en Côte d’Ivoire d’exporter pendant que les usines locales manquent de noix brutes ».
Comme dans la filière cacao, il est impératif que le CCA instaure des mesures protectrices pour tous les acteurs de la chaîne de valeur cajou, notamment en imposant des transferts de stocks entre les exportateurs et les transformateurs à des prix et des qualités définis.
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