Depuis la survenue du Coronavirus, la communication de crise
gouvernementale ne faiblit pas. Une diversité d’outils et d’actions sont en
place pour sensibiliser les populations à la dangerosité de la maladie, à se
protéger et à changer de comportement pour contenir la pandémie. Pour Bakary
Sanogo, Conseiller Spécial du Premier Ministre et Directeur du Centre
d’Information et de Communication Gouvernementale (CICG), malgré le caractère
insaisissable de la pandémie, la communication de crise s’en sort bien, grâce
au leadership fort du Président de la République et du gouvernement.
La crise sanitaire a pris de court le monde entier, y
compris la Côte d’Ivoire. Fut-ce le cas en matière de communication de crise ?
Je dirais plutôt non. Le Centre d’Information et de
Communication Gouvernementale (CICG) avait anticipé. Au Séminaire
Gouvernemental sur la Communication Gouvernementale qui a eu lieu le 26 juin
2018 à la Présidence de la République, la question fut un point essentiel des
travaux. La rencontre avait alors présenté une stratégie de communication de
crise à laquelle a été associé un protocole de mise en œuvre. Au sein du Comité
de Pilotage du CICG, présidé par Monsieur le Premier Ministre, nous sommes
allés plus loin pour constituer un Comité de Communication de Crise (CCC). A la
survenue du Coronavirus, il a donc juste fallu faire des ajustements et
déclencher le processus de communication de crise. Et le CICG, l’organe
opérationnel de la communication gouvernementale, a soumis au Comité de
Communication de Crise (CCC) une stratégie et un plan d’actions que le
Ministère de la Communication et des Médias - qui assure la présidence du CCC -
a soumis au gouvernement. En tant que structure de conception et de mise en
œuvre de la communication gouvernementale, le CICG était donc outillé pour
faire face à la situation. Le travail qui se déroule en ce moment est le fait
du Comité de Communication Crise qui comprend la Communication de la Présidence
de la République, la Communication de la Primature, le CICG, les médias d’Etat
(Télévision Ivoirienne, Radio Côte d’Ivoire, Fraternité Matin, Agence Ivoirienne
de Presse), le Ministère de la Communication et des Médias et des ministères
techniques dont celui de la Santé et de l’Hygiène Publique, de la Sécurité et
de la Protection Civile… Les ministères sectoriels interviennent également là
où besoin se fait pour des déclinaisons particulières.
En quoi cette anticipation a-t-elle aidé ?
L’anticipation a empêché d’aller dans tous les sens, de
s’affoler ou de partir de zéro. Vu la nature de la crise, cela aurait pu être
le cas, si nous n’avions pas anticipé. A la survenue de la crise, sans tarder,
nous avons défini les objectifs de la stratégie, à savoir informer sur la
dangerosité de la maladie, amener le public à adopter les mesures de protection
pour endiguer la contamination et, bien entendu, dans l’ensemble, accompagner
le gouvernement, en vue de rassurer les populations.
Quels sont les outils et les activités majeures de
communication qui ont été développés ?
Le CICG, en tant qu’organe d’opérationnalisation, a
développé des outils et produits de communication qui ont été discutés et
validés par le Comité de Communication de Crise. Ceux-ci sont de plusieurs
ordres : imprimé; web; digital; points de presse; relations médias; gestion des
requêtes d’informations ; rédaction régulière d’articles, production de
vidéos... En outre, le CICG apporte son expertise à des structures gouvernementales
dans l’élaboration de certains outils ; et travaille en étroite collaboration
avec le Conseil National de Sécurité (CNS) pour des produits et outils
spécifiques. Le développement des outils actuellement déployés bénéficie de
l’expertise de toutes les composantes du CCC.
Comment avez-vous géré le flot de "fake news" au
début de la crise ?
Avec la pandémie, on parle de guerre sanitaire. Du point de
vue communicationnel, l’autre guerre qui était menée, ou qui l’est toujours,
est celle contre les rumeurs, les fausses informations et l’intoxication qu’on
résume par l’expression anglaise, ‘’fake news’’. C’est-à-dire l’information
imaginaire, fabriquée, et dont l’objectif est de nuire à la bonne gestion d’une
situation, de perturber l’opinion publique ou même un gouvernement. L’approche
du CICG, tout comme des médias partenaires, a été et est de faire un traitement
professionnel de l’information. A savoir, ne servir que l’information juste,
l’information vérifiée. Et ce, en citant les sources crédibles, les parties
prenantes. En tant que Directeur du CICG, c’est cette consigne que je passe en
permanence à mes équipes. C’est de cette manière que nous avons fait face aux
rumeurs, fausses informations et fake news sur les ‘’Italiens à
Sassandra", la ‘’Réouverture de l’école’’ et le nombre de cas que l’OMS
aurait déclaré à un certain moment de la crise. La vraie information est aussi
venue tuer la fausse, de par son caractère crédible.
Quelle attitude faut-il avoir face aux "fake news"
?
Il faut être conscient de l’existence des rumeurs, de
l’intoxication, tout comme des agendas cachés de leurs auteurs. L’objectif des
"fake news" est connu. Les motivations de leurs auteurs aussi. A
partir de là, il faut savoir rester serein, ne pas s’affoler. On les démonte
facilement, avec la bonne information. Mon conseil au public, en la matière,
est de se référer aux sources professionnelles qui, généralement, sont connues
de tous. A l’analyse, sans être cynique, l’existence de ‘’fake news’’ est une
bonne opportunité. Elle permet de distinguer la bonne graine de l’ivraie, de
différencier les médias crédibles de ceux qui le sont moins, ou pas du tout.
L’intoxication ou la divulgation de fausses informations, qu’on finit toujours
par mettre à nu, contribue aussi à décrédibiliser certains médias, tout comme
certains politiciens qui se cachent derrière des posts sur les réseaux sociaux.
Comment réussir une communication de crise ?
La communication de crise se définit par l’ensemble des
processus ou actions de communication mis en œuvre à la survenue d’une crise,
afin d’en limiter, au maximum, l’impact négatif sur l’image d’un gouvernement,
d’une entreprise, d’une marque ou d’un produit. Quand elle est efficiente, elle
contribue à une meilleure gestion de la situation. Et, du fait de son
importance, la communication devient finalement le baromètre de la maîtrise ou
de la gestion de crise. La réussir, c’est l’anticiper, car dans une entreprise,
une communauté ou un pays, le management ou le gouvernement sera, un jour ou un
autre, confronté à une crise. Une fois la stratégie et le plan d’actions
conçus, il faut se tenir à ses objectifs et messages que l’on module selon
l’évolution de la situation.
Il est difficile d’être juge et partie, mais comment
trouvez-vous la communication gouvernementale dans le cadre de cette pandémie ?
Le gouvernement, à travers les outils et moyens de
communication à sa disposition, s’en sort bien. Je dirais même très bien. Les
prises de paroles des plus hautes autorités, notamment le Président de la
République Alassane Ouattara et le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly, ont
été des sorties judicieuses. Ils font preuve d’un très grand leadership dans la
gestion globale de la crise. Le gouvernement a présenté des actions concrètes,
avec un plan de Riposte sanitaire de 95 milliards de francs CFA et un Plan de
soutien économique, social et humanitaire de 1700 milliards de francs CFA. Ces
instruments ont eu d’excellents échos dans l’opinion publique nationale et
internationale. En outre, la communication de crise relaie de manière robuste
la présence permanente du gouvernement sur le terrain, notamment celle du
ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique. Toutes choses qui sont de
nature à rassurer les populations. Ce leadership exceptionnel fort et
l’engagement du Président de la République et du Premier Ministre facilitent la
communication de crise. Car, il faut savoir, la communication n’est qu’un
accompagnement, elle ne résout pas la crise et ne fait pas de la magie. La
communication gouvernementale, c’est aussi le relais des messages du
gouvernement. Les messages sont relayés par différents démembrements du
gouvernement (ministères, communes, institutions de la République). Les médias,
le CICG… sont sur la ligne de front pour informer sur les mesures barrières et
sur d’autres aspects de la crise, qu’ils soient sociaux ou économiques. Cette
communication inclut aussi le changement de comportement, pour l’adoption de
bonnes pratiques, notamment le port des masques, le lavage des mains. Des ONG
et le secteur privé contribuent également à cette communication sur le terrain.
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