Nommé Nonce apostolique par le Saint Père François, mercredi 2 février 2022, au Mali, Monseigneur Jean Sylvain Mambé, sera ordonné, samedi 7 mai 2022, en la Cathédrale Saint Paul d’Abidjan-Plateau, par le Cardinal Pietro Parolin, la deuxième personnalité du Saint-Siège et consécrateur principal de cette messe. A quelques jours de sa consécration, le huitième Nonce apostolique d’origine africaine a accordé une interview à l’AIP, dans laquelle il livre ses impressions après sa désignation par le Pape, et explorant déjà les chantiers de sa mission au Mali.
Vous êtes nommé en qualité de Nonce apostolique au Mali. Comment avez-vous accueilli cette nomination ?
Vous remerciant pour l’opportunité que vous me donnez de prendre la parole dans vos colonnes, je voudrais profiter de cette occasion pour saluer affectueusement tous vos lecteurs. Je me souviens encore de ce matin-là où, juste après le petit déjeuner je monte dans mon bureau. A peine assis, la secrétaire me transfère un appel provenant du Vatican. A l’autre bout du fil il y avait le Secrétaire d’Etat du Saint Siège, son éminence le cardinal Pietro Parolin. J’ai immédiatement deviné qu’il avait un message important à me communiquer, sûrement une mission délicate et urgente ; mais j’étais très loin de me douter qu’il m’annoncerait ma nomination par le Pape François comme Nonce Apostolique au Mali. Cette nomination a donc été une grande surprise pour moi car je ne m’y attendais pas du tout. Pour moi, si je devais être nommé ç’aurait été dans un an ou deux ou même plus. Après la conversation téléphonique, je me suis précipité à la chapelle pour prier devant le très Saint Sacrement. Mais ma concentration se heurtait au sentiment de joie et de fierté pour l’honneur qui est fait à un fils de la Côte d’Ivoire, à un membre du clergé ivoirien. Passé ce sentiment de fierté, émergeront des doutes, des inquiétudes en appréhendant l’immense responsabilité qui m’est ainsi confiée par le Pape, et la confiance qu’il a daigné m’accorder. Serai-je à la hauteur de cette mission ? Ne vais-je pas trahir la confiance du Pape ? J’ai donc confié au Seigneur tous ces sentiments. Et je continue toujours de me recommander à la prière des uns et des autres, afin que le Seigneur m’assiste au jour le jour dans tout ce que j’aurai à faire au cours de ce service d’église.
Avec cette charge, le Pape François vous confère le siège titulaire de Potenza Picena, avec dignité d’archevêque. Que doit-on entendre par être ”conféré au siège titulaire de Potenza Picena ?
Vous savez, normalement les évêques sont nommés pour la charge pastorale d’un diocèse précis ou d’une circonscription ecclésiastique assimilée ou équivalente à un diocèse. On a donc en Côte d’Ivoire les évêques d’Abidjan, Agboville, Bouaké, Grand Bassam, Daloa, Korhogo, Man etc…
Cependant, les évêques qui exercent leur fonction au service du Pape dans la Curie romaine, à l’exception des cardinaux, qui ont leur propre titre, ainsi que les évêques auxiliaires de par le monde entier, étant donné qu’ils n’ont pas directement la charge pastorale d’un diocèse se voient attribuer le titre d’un diocèse éteint ou supprimé. C’est la même chose pour les Nonces Apostoliques qui exercent les fonctions de représentation du Siège Apostolique auprès des églises particulières, des États et des Organisations internationales.
Donc en ce qui me concerne, étant donné que je suis pas un évêque avec la charge pastorale d’un diocèse particulier, on m’a attribué le titre d’un diocèse qui existait, mais qui a été supprimé. Il s’agit du diocèse de Potenza Picena.
Vous êtes nommé Nonce Apostolique au Mali, un Etat en crise politico-militaire doublée d’attaques terroristes. Voyez-vous en cette nomination un message particulier du Saint Père ?
Le Mali en effet vit une période difficile notamment à cause des attaques terroristes ainsi que de la pression exercée par certain de ses partenaires internationaux. Je vois dans ma nomination le désir du Pape de se faire proche des populations dans l’épreuve, les populations qui sont confrontées aux attentats terroristes, les populations qui souffrent à cause de l’embargo de la CEDEAO. Comme vous le savez, le Pape et l’Eglise ont toujours prôné le dialogue franc et constructif pour les crises.
A l’approche de cette nouvelle charge, quel message avez-vous pour le peuple malien en général et les fidèles catholiques qui y vivent ?
Le message que j’aimerais envoyer au peuple malien est un message de paix, d’unité, de fraternité, de dialogue. Comme vous le savez, le Mali est un pays très vaste avec des populations très variées. Et la diversité de ces peuples constitue aussi une des richesses de ce beau pays. Ces populations donc doivent œuvrer de toutes leurs forces, afin de vivre ensemble dans la fraternité, dans l’unité et la paix, et parvenir à un réel développement du Mali. Il n’y a aucun développement sans paix. Pour parvenir à cette fraternité, à cette unité pour construire la paix, il faut un dialogue vrai, un dialogue inclusif au cours duquel chacun essaie de faire des concessions pour qu’il y ait une vraie réconciliation.
Quelle va être votre première mission dans votre nouvelle fonction au Mali ?
Après les visites protocolaires aux autorités maliennes, je rencontrerai l’épiscopat avec qui je travaille déjà. Il y a des dossiers sur lesquels nous travaillons ensemble, mais ce qui me plairait, c’est de visiter tous les diocèses et exprimer non seulement aux évêques, mais aussi au clergé, aux religieux et religieuses ainsi qu’à tous les fidèles, que le Pape est proche d’eux, qu’il se fait solidaire de leurs joies mais surtout de leurs épreuves, de leurs souffrances… Ma présence auprès de ces populations peut être pour elles signe de réconfort et d’encouragement.
Pensez-vous d’un point de vue personnel que l’église catholique peut jouer un rôle important dans le retour à la stabilité au Mali et dans les autres pays en crise d’Afrique de l’Ouest, à savoir en Guinée et au Burkina Faso ?
En ce qui concerne la question que vous me posez, il y a lieu de noter que l’église catholique est connue pour sa neutralité et son impartialité lorsqu’elle est appelée comme médiatrice dans les crises. Elle est aussi connue pour les valeurs qu’elle prône, la justice, la paix entre les peuples, la paix entre les cultures, les religions, la lutte pour la vérité, pour le respect du bien commun, la résolution pacifique des conflits, la dignité de toute personne humaine, le respect de l’homme en tant que tel de sa conception à sa mort… et j’en passe. En plus de cela, elle ne recherche aucun intérêt politique ou économique en particulier. A ce titre elle peut être une médiatrice de choix dans la résolution des conflits si toutefois les protagonistes l’invitent à le faire. Elle n’a pas de solution magique, mais elle peut aider à rapprocher les parties à travers un dialogue vrai. Je n’ai donc aucun doute sur le fait que l’église puisse apporter sa modeste contribution pour aider à résoudre les différentes crises qui secouent nos pays.
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