À moins d’une semaine de la fête de la Tabaski prévue le dimanche 16 juin 2024, le site de l’ancienne casse d’Adjamé et certains marchés annexes du district d’Abidjan, comme les années précédentes, sont largement pourvus en bétail par des commerçants en attente de la clientèle, a constaté l’AIP, mardi.
Une variété d’ovins et de bovins à perte de vue
La disponibilité des bêtes est visible tout le long du site, rendant très difficile la circulation sur les voies menant à ce marché de bétail. Le président de la Fédération nationale des coopératives de la filière bétail et viande de Côte d’Ivoire (FENACOFBV-CI), Issiaka Sawadogo, a précisé qu’à ce jour, près de 129 000 têtes de moutons ont été convoyées sur le marché ivoirien.
« Vous constatez ici à la casse que tous les enclos sont remplis. Chaque jour, il y a entre 40 et 50 camions qui arrivent. Nombreuses sont les populations qui viennent se ravitailler chaque jour. Tout cela pour dire que le marché sera parfaitement approvisionné », a rassuré M. Sawadogo.
À Adjamé, même les camions de transport des bêtes éprouvent de grandes difficultés pour stationner en raison du manque de places, occasionnant des embouteillages monstres qui obstruent les voies menant à Abobo jusqu’à la commune d’Adjamé au quartier de Williamsville et même sur l’autoroute du Nord.
Le ministre des Ressources animales et halieutiques, Sidi Tiémoko Touré, a annoncé lundi 10 juin, un approvisionnement de 139 153 têtes de moutons et 30 000 têtes de bovins pour le district d’Abidjan.
Outre la casse d’Adjamé, il a souhaité que les sites d’approvisionnement soient étendus au traditionnel lieu des années antérieures à savoir Port-Bouët 2, Yopougon, Treichville, Cocody Faya-Playce, Port-Bouët, Attécoubé, Anyama et Williamsville. Le parc des bovins n’a pas été délocalisé comme celui des petits ruminants à Adjamé. Il est opérationnel sur place à Port-Bouët.
Comparativement aux années précédentes, le niveau d’approvisionnement est encore bas. Le président de la Coopérative des commerçants de bétail de la région des Lagunes, Toé Seydou, a expliqué que cette situation est due à l’insécurité avec la présence des djihadistes dans le Nord du Burkina Faso et du Mali.
Selon lui, 70 % des zones occupées par les terroristes dans le Nord du Mali et du Burkina Faso sont les zones de bétail. Les commerçants qui essaient de se surpasser pour aller chercher le bétail sont soit dépouillés de leurs fonds de commerce, soit agressés voire tués. « Nous sommes obligés d’envoyer des pisteurs pour aller chercher le bétail dans ces zones », regrette-t-il.
Lui emboîtant le pas, le président du Groupe de travail du suivi de l’approvisionnement des marchés (GTSAM), Dr Jean-Pierre Konan-Banny, a relevé que le contexte socio-politique actuel dans les pays de l’hinterland, notamment le Burkina Faso et le Mali, qui sont les principaux fournisseurs de bétail à la Côte d’Ivoire, pose de sérieux défis à l’approvisionnement.
Il a mentionné que les activités terroristes et les sanctions économiques de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ont fortement perturbé les flux commerciaux habituels, rendant la Côte d’Ivoire dépendante de ces pays.
Face à cette situation, M. Konan-Banny a promis que le gouvernement ivoirien, à travers le ministère des Ressources animales et halieutiques, a pris des mesures urgentes pour garantir un approvisionnement régulier des marchés en bétail.
Ces mesures comprennent la création d’un comité de veille national et des comités de veille régionaux sur l’approvisionnement des marchés, la mise en place d’un mécanisme de mobilisation de la production nationale, le renforcement du contrôle des prix du bétail et de la viande, et la sécurisation des déplacements du bétail.
Des prix jugés très élevés
Sur place, les prix des moutons se négocient à partir d’un million FCFA voire plus pour les plus belles races, 650 000 FCFA, 400 000 F, 300 000 F, 200 000 F, 150 000 CFA. « C’est selon la bourse de chacun et le poids et la taille », a souligné Sawadogo.
Selon Kané Mamourou, un marchand exerçant en permanence sur le site, il faudrait, pour bénéficier des meilleurs prix, négocier directement avec les vendeurs car certains commerçants achètent les bêtes pour les revendre sur le même site. Aussi, les prix des béliers chez ces revendeurs s’avèrent-ils plus élevés.
Il recommande, par ailleurs, de procéder à l’achat de son mouton de sacrifice plusieurs jours avant la fête pour bénéficier des plus belles bêtes aux meilleurs prix. « Si vous attendez les derniers jours, comme certains qui viennent la veille de la fête, non seulement les commerçants augmentent les prix mais en plus vous n’aurez pas les bêtes de bonne qualité », avertit-il.
À ce propos, un autre commerçant, Sidibé Seydou, confie que certains clients achètent des moutons dès l’arrivée des premiers convois et les font garder par les commerçants pour les récupérer la veille ou le jour même de la fête, évitant ainsi les désagréments dus à l’affluence des derniers jours. Toutefois, les différents prix ne gagnent pas l’assentiment des clients qui s’en plaignent. « Les prix sont en hausse cette année. Au lieu de transporter les bêtes après la fête pour les répartir, les commerçants gagneraient à les vendre à des prix abordables », préconise un cadre de l’administration ivoirienne, Cissé Sékou.
Dame Aminata Koné affirme avoir parcouru de fond en comble sous la pluie le parc de l’abattoir et discuté âprement avec des vendeurs pour finalement avoir un bélier qui lui convient au prix de 210 000 Francs CFA. Face aux prix élevés, plusieurs fidèles musulmans préfèrent s’associer pour acheter un bœuf à 350 000 ou 400 000 FCFA. « Nous venons de Koumassi. Vous voyez dans le véhicule, il y a cinq bœufs. Ce sont des familles qui se sont associées à deux ou trois pour acheter un bœuf. Non seulement, la viande est abondante, mais en plus, on fait des économies », indique Fadiga Aboubakar, conducteur de camion.
Les bouchers chevillards mobilisés
D’autres fidèles préfèrent s’approvisionner chez les bouchers détaillants. À ce niveau, le président de la coopérative des chevillards et auxiliaires d’Abidjan, Zoungrana Rasmane, précise que toutes les dispositions sont prises pour le ravitaillement du marché en viande.
« Chaque année, les bouchers et chevillards dont nous avons la charge font des embauches pour qu’en cas de manque, des dispositions rapides soient prises pour le ravitaillement du marché en viande. Notre objectif premier est d’assurer l’approvisionnement de la ville d’Abidjan en viande », assure-t-il.
Il prévient que compte tenu de la forte demande, parfois, la maîtrise des prix reste quasi impossible, précisant que beaucoup d’efforts sont faits pour maintenir le cap. M. Zoungrana souligne également qu’en pareille situation, le marché est approvisionné en moutons de Tabaski et non en moutons de boucherie, ce qui occasionne une différence de prix.
« Les moutons que nous mettons habituellement à la disposition de la clientèle sont des moutons de boucherie. Et pendant la période de fête, nous n’en avons pas. Ceux qui viennent sont les moutons de Tabaski, c’est-à-dire de gros béliers. Il ne faut pas confondre ces deux types de bêtes. C’est ce qui justifie souvent une augmentation », précise le président des bouchers et chevillards.
La sécurité renforcée sur place, plusieurs éléments de la police nationale veillent au grain. Certains font des patrouilles à pied pour assurer la sécurité des sites de commercialisation et pour désengorger les voies d’accès à ce site. Des courses-poursuites entre les forces de l’ordre et des agresseurs sont régulièrement observées sur le site.
Pendant la période de la Tabaski, les chiffres d’affaires cumulés de l’activité s’élèvent à 35 milliards de Francs CFA, l’abattoir accueille jusqu’à 800 camions transportant les bêtes et engrange 500 milliards FCFA de chiffre d’affaires par an, selon le conseil d’administration de l’Union régionale des sociétés coopératives des marchands de bétail d’Abidjan.
Plus de 90 % du bétail consommé pendant la fête de Tabaski provient des pays de l’hinterland, principalement du Burkina Faso.
La Tabaski ou Aïd-el-Kebir commémore la soumission à Dieu du Prophète Ibrahim qui était alors prêt à sacrifier son fils unique, Ismaël, sur son ordre. Chaque musulman ayant les moyens doit immoler une bête, notamment un bélier sain, pendant cette fête pour perpétuer l’acte d’Ibrahim.
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