Les derniers coups d'Etat démontrent, par l'absurde, l'absurdité de ces coups de force qui interviennent supposément par ce qu'il y a mal gouvernance.
En effet, comment des gens qui n'ont pas vocation à régenter les cités ou à trouver des solutions aux problématiques du développement peuvent-ils croire ou faire accroire qu'ils sont la solution aux difficultés que connaissent les pays dans lesquels interviennent ces coups d'Etat qui mettent à l'arrêt la démocratie?
A l'évidence, poser la question, c'est y répondre, puisque les intéressés eux-mêmes ne savent pas dans quelle aventure ils ont embarqué leurs compatriotes. Mais, pas que: ils n'ont, hélas, aucune solution aux problèmes qui ont justifié, selon eux, leur démarche. Conséquence, ils naviguent à vue et tâtonnent, mettant les pays qu'ils prennent ainsi en otage en situation délicate, pour dire le moins.
Au passage, on notera que 70 ans après le premier coup d'Etat "moderne" (l'Afrique précoloniale a connu des prises de pouvoir par la force brute) qui a porté une junte militaire au pouvoir avec Nasser qui a déposé le roi Farouk 1er avec un groupe d'officiers, les pronunciamientos n'ont pas beaucoup fait évoluer la cause du continent noir en termes de développement. Il est vrai l'on peut citer quelques exemples de relative réussite, mais sur une cinquantaine d'Etats que compte l'Afrique, force est de reconnaître que ce n'est pas probant. Alors, faut-il encore saluer l'avènement des militaires au pouvoir dans les pays où ils font irruption sur la scène politique?
La réponse a l'évidence de la clarté, c'est NON, NON et NON. Partout où ils interviennent, ils constituent de mauvaises réponses à de justes interrogations, pour parler comme Lalupo.
Certes, l'on ne nie pas les problèmes de gouvernance pointés par Doumbouya en Guinée, Goïta au Mali et Damiba au Burkina, mais, on le répète, ils ne sauraient justifier la régression que sont les coups d'Etat. Un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès, dit-on. Par analogie, toutes choses étant par ailleurs égales, on peut dire qu'une mauvaise démocratie est préférable à un bon coup d'Etat ( sans effusion de sang). Parce que la démocratie étant un processus difficultueux qui connaît une longue maturation, il faut que les populations soient patientes (exigeantes mais patientes). C'est une exigence a minima de l'enracinement de la démocratie en Afrique. Parce que ce qu'il faut savoir et que ceux qui soutiennent les coups d'Etat occultent volontiers, c'est que les démocraties occidentales n'ont pas jailli ex-nihilo, ni ne sont le résultat d'une potion magique. Elles se sont construites sur le long terme. Parfois dans le sang, souvent dans la douleur, mais toujours au prix de mille et un sacrifices supportés par les peuples. C'est pourquoi, on ne le dénoncera jamais assez, les coups d'Etat sont une arnaque en ce qu'ils se parent des vertus de la solution alors qu'ils fonctionnent comme des boîtes de Pandore. Puisque l'on sait toujours comment et quand commence un putsch mais jamais comment et quand il va laisser la place à un régime civil.
C'est le lieu de revenir sur le coup d'Etat du 24 décembre 1999 qui a emporté le président Henri Konan Bédié. Faut-il rappeler que j'étais au nombre de ceux qui ont applaudi l'irruption du sergent-chef Ibrahim Coulibaly IB et ses comparses sur la scène politique ?
D'ailleurs, je n'étais pas le seul. On se rappelle, le président Alassane Ouattara avait estimé que ce n'était pas un coup d'Etat mais que c'était plutôt comparable à la révolution des œillets qui renversa le régime salazariste (du dictateur Antonio de Oliveira Salazar) en avril 1974. Quant à Laurent Gbagbo, plus disert, il s'extasia devant ce putsch qu'il n'hésita pas à qualifier de "coup d'Etat salutaire" (sic). Personne ne pouvait, en ce temps-là, prévoir que la Côte d’Ivoire, naguère havre de paix, venait de signer un long bail avec l'instabilité. Puisqu'en septembre 2002, Laurent Gbagbo, élu deux ans plus tôt, allait se trouver face à une rébellion qui désaxa totalement sa gouvernance, le contraignant à vivre d'expédients et à se réinventer pour survivre face à l'hostilité des rebelles qui n'ont eu de cesse de le combattre. D'abord ouvertement, puis de manière insidieuse et subreptice jusqu'en 2010 qui marqua le terme de sa gouvernance. Qui peut nier que cette rébellion est une fille du coup d'Etat de 1999? Et pour filer la métaphore familiale, il ne serait pas erroné de soutenir que la crise postélectorale subséquente est "petite-fille" du même coup d'Etat.
Au reste, si les coups d'Etat continuent d'avoir de beaux jours devant eux, c'est précisément la preuve que les armées africaines n'ont pas encore réussi à faire leur aggiornamento et qu'elles gardent les paradigmes qui ont gouverné leur existence depuis les indépendances. De sorte qu'elles continuent de croire qu'elles constituent une alternative crédible aux politiques. Mais, il n'y a rien de plus faux. Les militaires ne sont pas et seront jamais un recours pour pallier la défaillance des politiques ou le déficit de démocratie. Le croire, c'est au mieux, de l'ignorance, au pire, un coupable mélange des genres. Il est temps d'y mettre le holà. En condamnant sans rémission, les coups d'Etat, tous les coups d'Etat ! D'ici et/ou d'ailleurs !
René Ambroise Tiétié
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