Il semblerait qu’un étrange phénomène soit né lundi, sur les coups de minuit, juste après que Kylian Mbappé a raté son tir au but synonyme d’élimination de l’équipe de France dès les 8es de finales de l’Euro. Ce phénomène, c’est celui du bashing de l’attaquant parisien, coupable paraît-il de tous les maux du football français et même un peu plus.
Abasourdi par ce qui venait de nous tomber sur le coin du museau après la sortie prématurée des Bleus, et entouré principalement de spectateurs non Français à la Nacional Arena de Bucarest, on n’a clairement pas senti le truc monter tout de suite. Ce n’est qu’en déambulant, hagard, aux abords du stade à la recherche d’un taxi, en regardant ce qui se disait de (pas) beau sur les réseaux sociaux, que l’on a pris la mesure de ce que nous appellerons au mieux une erreur post-tristesse, au pire de la bêtise pure et dure.
La critique est aisée mais l’art est difficile
Pour commencer, et c’est effarant d’avoir à le formuler aussi clairement, rater un tir au but n’a rien de bien nouveau dans l’histoire du football. L’argument « pour le rater, il faut déjà avoir le cran de le tirer » est peut-être un peu bateau mais il n’en reste pas moins criant de vérité. Et puis, on dit « raté », mais n’est-ce pas surtout Yann Sommer et son gant de fer qui est allé le chercher, alors que celui-ci était tiré en force à mi-hauteur (donc : bien tiré) ? En conférence de presse après le match, Didier Deschamps s’est empressé de clarifier les choses au cas où certains auraient la tentation de cibler son attaquant plus que n’importe quel autre joueur. « Il prend la responsabilité de tirer le dernier penalty, personne ne lui en veut. Kylian assume sa responsabilité, il se sent coupable mais il n’a pas à l’être. »
Mais le tir au but n’est pas le seul geste dans le viseur de ceux qui ont décidé de se payer une tranche de Mbappé à pas cher. Il y a aussi ce face-à-face manqué (pour de vrai celui-là) avec le gardien suisse où, il est vrai, le Parisien fait le pire choix possible à la réception du caviar de Pogba en profondeur en choisissant à la surprise générale de temporiser pour taper du gauche quand tout dans la passe de Paulo réclamait de reprendre le ballon du droit en une touche. Là encore, ses avocats seraient en droit d’en appeler aux circonstances atténuantes.
Au moment où le numéro 10 des Bleus se présente face à Sommer, celui-ci a 111 minutes de jeu dans les pattes et il n’est pas interdit de penser qu’il a déjà à ce moment-là beaucoup tapé dans sa barre de lucidité. Bon, sur le coup nous aussi on s’est arraché les cheveux, mais que cela ne nous empêche pas, bien assis devant le match que nous sommes, de vite retrouver la lucidité qu’il n’avait plus.
« Kylian était attendu et, Même s’il n’a pas marqué, il a souvent été décisif, a à nouveau défendu le sélectionneur. Dans le vestiaire, il n’y a pas la faute à l’un plus qu’à l’autre. Il aurait pu nous qualifier, il n’y a pas le moindre souci là-dessus. Mon groupe est solidaire, personne n’en veut à Kylian. »
Les attaquants volent au secours de Kyky
Et si, au pire, il y a bien quelqu’un qui doit en vouloir à Mbappé, c’est bien Mbappé lui-même. Avec les immenses ambitions qui sont les siennes et qu’il n’a jamais cachées (on peut au moins lui accorder ça, non ?), le bolide de Bondy n’a besoin de personne pour se flageller. Ce qui fut très certainement son envie, d’ailleurs, dès la seconde où il a vu son tir au but détourné. Abasourdi, groggy, le buteur des Bleus et du PSG est resté de longues minutes sans bouger, les yeux perdus dans le vide. Les consolations de Paul Pogba, qui s’est précipité vers lui pendant que les Suisses exultaient, n’y ont rien changé.
Sur Twitter, bon nombre d’attaquants en activité ou à la retraite n’ont pas hésité à lui accorder tout leur soutien, à l’image de Djibril Cissé, qui l’a enjoint à « garder la tête haute » car, c’est bien connu, « il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe jamais. » Si la légende brésilienne Pelé, le grand pote de Mbappé, lui a conseillé de « garder la tête haute », ce sont peut-être les mots d’Allan Saint-Maximin qui résume le mieux le fond de notre pensée. « Voir le retournement de veste de ces « supporters » lynchant un homme qui, hier, les portait au sommet pour leur faire vivre la plus belle des communions [en référence au Mondial 2018]… C’est ça l’action la plus ratée de la soirée… Il n’y a pas de bouc émissaire… On gagne ensemble, on perd ensemble ». AMEN ALLAN.
Certains points soulevés par ces haters d’un genre (pas) nouveau ne sont cependant pas complètement hors sujet. Que Mbappé n’ait pas marqué durant cet Euro est un fait, qu’il ait pu parfois avoir tendance à vouloir tout faire tout seul quand son équipe patinait (cf. La deuxième période contre la Hongrie), aussi. Mais ce serait oublié bien vite qu’il a souvent été à l’origine des buts de l’équipe de France lors de cet Euro avec quelques passes décisives bien senties.
Sans parler de celle, délicieuse, en talonnade, qu’il donne à Griezmann? sur le deuxième but de Benzema. Enfin, et on s’arrêtera là, n’est-il pas un peu malhonnête de faire peser la responsabilité de l’échec des Bleus lundi sur les épaules d’un attaquant quand son équipe menait encore de deux buts à neuf minutes de la fin du temps réglementaire ? Pour autant, si le Parisien connaît le jeu des attaques gratuites et des analyses à courte vue, et qu’il en est probablement affecté, il a tout de même tenu à s’excuser pour le péno manqué. « J’ai voulu aider l’équipe mais j’ai échoué. Je sais que vous, les fans, vous êtes déçus, mais je voudrais quand même vous remercier pour votre soutien et de toujours avoir cru en nous. » Les chiens aboient, la caravane passe (avec classe).
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