La trentaine révolue, Mlle Tra Lou Sonia, titulaire d’un BAC+2 avec un Brevet de Technicien Supérieur (BTS, option Ressources humaines et communication), est, depuis, un an et trois mois, conductrice de Taxi Yango à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Portrait.
Jeudi 27 avril 2023, après la cérémonie de dédicace de ‘’Raina ou le choix qui a détruit ma vie’’, de l’auteure Sarh D. Koffi, l’épouse du ministre du Commerce Souleymane Diarrassouba à Cocody, pour regagner notre domicile à Yopougon (ouest d’Abidjan), en compagnie d’un confrère, nous activons l’application Yango pour passer une commande d’un véhicule.
En moins de dix minutes, un véhicule flambant neuf s’immobilise à notre niveau, devant le Lycée international Mermoz à Cocody. Il est un peu plus de 20h. Avant de prendre place à bord du véhicule, la coiffe du conducteur attire notre attention.
"Mais c'est une femme qui est au volant!", m'écriai-je avant qu’une voix féminine suave ne nous adresse ses salutations. Nous prenons place, mon confrère sur la banquette arrière et moi sur le siège à côté de la conductrice.
Nous engageons, immédiatement, une causerie avec elle pour satisfaire la curiosité du journaliste. Celle qui nous conduit se nomme Tra Lou Sonia (nom d’emprunt), originaire de Gohitafla, au centre-ouest du pays. Elle raconte qu’elle est arrivée à ce métier pour sa passion pour la ‘’ballade en voiture’’ et sa volonté de ‘’se battre pour gagner ma vie’’.
D’ailleurs, elle avait postulé à un poste de machiniste à la Sotra (Société des transports abidjanais) mais ‘’ça trainait et dès que j’ai eu vent du projet de recrutement de 300 femmes, titulaire d’un permis de conduire et ayant la main, j’ai souscrit sans hésiter’’, relate Tra Lou qui en avait marre de l’oisiveté face à la rareté d’un premier emploi.
Actuellement, ‘’nous sommes une quarantaine de femmes sur ce projet qui concerne 300 femmes. Moi je suis titulaire d'un Bts depuis 2015. J'ai souscris à ce projet, il y a un an et trois mois que je conduis’’, poursuit-elle.
Dans le projet, au bout de trois ans, le véhicule revient à la conductrice. ‘’Dans un an et 9 mois, ce véhicule me reviendra parce que nous travaillons avec les promoteurs comme des partenaires", précise notre conductrice, célibataire sans enfant, affirmant que son traitement salarial lui permet de ‘’se nourrir décemment et assurer mon loyer’’. Autant dire que Tra Lou Sonia s’en tire bien.
Ambitieuse, elle a pour objectif d’être une cheffe d’entreprise dans le secteur du transport. ‘’Je sais où je veux arriver. Être cheffe d'entreprise avec 5 ou 10 véhicules. C'est possible’’, assure-t-elle, confiante. Pour l’heure, celle dont le programme de travail commence à 8h pour prendre fin à 23 h doit faire face aux difficultés du métier.
"Les policiers nous fatiguent un peu parce qu'ils ne veulent pas du permis B. Car, la réglementation en vigueur exige le permis BCD dans le transport. Ce qui est normal’’, reconnait-elle avec la promesse de se conformer à la loi très ‘’bientôt’’ quoique ‘’beaucoup de policiers nous comprennent’’, admet Tra Lou.
A côté des forces de l’ordre, ‘’les conducteurs de Gbaka (autre type de transport en commun) nous considèrent comme des concurrents et endommagent parfois nos véhicules’’, soutient la jeune dame.
‘’Mais le gros problème, c'est la réticence des hommes. Certains refusent que les femmes les conduisent. Mais nous finissons par les dissuader", indique-t-elle avec un brin d’humour.
Sonia raconte une anecdote à ce sujet. ‘’Un soir, un client active son Yango que je capte. Je l’appelle pour lui demander sa position exacte. A peine que j’ai dit bonsoir monsieur, il répond ah non, moi, femme ne me conduit pas. Après deux minutes de conversation, il consent à m’indiquer sa position", explique Tra Lou.
"Je le prends et répète qu’une femme ne le conduit mais il va essayer avec moi. Tellement qu’il était fatigué, il s’est endormi. Je le réveille et lui dit que nous sommes arrivés à sa destination. Il dit ah bon, nous sommes déjà arrivés, c’est bien. Il paye la note et me laisse un pourboire en guise de félicitations’’, dit-elle.
La conductrice de Yango exhorte les jeunes filles à déserter les bars et maquis afin de tracer leur propre chemin.
"Il faut que les jeunes filles saisissent les opportunités pour tourner le dos à la facilité. Qu'est-ce qu'une femme peut avoir véritablement d'un homme aujourd'hui si elle ne fait rien? Rien. Il faut que la femme se batte si elle veut être libre et épanouie", conseille Tra Lou Sonia, au parcours inspirant.
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