Disponible sans
ordonnance, une crème est en vente depuis peu sur Internet et dans
certaines pharmacies européennes. Ses vertus contre les problèmes
d’érection ont tout du placebo.
Selon
un sondage Ifop publié en mai 2019, 21 % des hommes rencontrent
régulièrement des problèmes d'érection. Pourtant, peu sont ceux à oser
aborder le problème avec leur médecin, préférant essayer d'y remédier en
visionnant des vidéos pornographiques (43 % des hommes ayant déjà
rencontré des problèmes d'érection, selon le même sondage) ou en
achetant sur Internet des produits supposés aphrodisiaques.
Or,
voilà que dans ce vaste marché des troubles érectiles, le laboratoire
néerlandais Vemedia commercialise, depuis le printemps, un gel érectile
Eroxon StimGel. Disponible sans ordonnance dans les pharmacies belges et
en quelques clics sur Internet, il s'applique directement sur le pénis.
« Au cours de l'étude clinique, 60 % des érections se sont produites
dans les 10 minutes suivant l'application du gel et la majorité d'entre
elles ont permis d'avoir un rapport sexuel réussi », peut-on lire dans
le communiqué de presse publié par Vemedia au moment du lancement
d'Eroxon Stimgel.
Sauf
que l'étude clinique à laquelle fait référence ce communiqué de presse
avait été réalisée pour tester l'efficacité d'un gel à base de glycéryl
trinitrate, une molécule connue pour son action de dilatation des
artères… mais que l'on ne retrouve pas dans la composition d'Eroxon
Stimgel ! Le Point a contacté David Ralph, professeur d'urologie à
l'University College London et coauteur dudit essai clinique.
Eau et glycérine
«
Nous avons testé le gel de glycéryl trinitate contre un placebo. Ce
dernier s'est finalement révélé aussi efficace et sans effet clinique,
d'où sa commercialisation sans ordonnance sous le nom d'Eroxon Stimgel
», nous a-t-il répondu. Autrement dit, le laboratoire a donc décidé de
mettre en vente le placebo – à base d'eau et de glycérine – utilisé dans
son essai en lieu et place du produit testé !
Mais
pour Ronald Virag, le « père » du très fameux Viagra, andrologue au
sein du Centre d'explorations et traitements de l'impuissance, à Paris, «
cela n'est vraiment pas sérieux : on sait très bien que n'importe quel
placebo fonctionne chez 30 % des patients souffrant de troubles
érectiles ». Et puis, ajoute-t-il, « l'effet positif du placebo dans cet
essai clinique est d'autant moins surprenant qu'ont été exclus les
patients les plus atteints, notamment ceux pour lesquels les troubles
érectiles s'expliquaient par une autre pathologie ».
L'andrologue
indique par ailleurs n'avoir eu aucun retour positif sur ce produit ni
de la part de ses patients ni de ses confrères exerçant en Belgique où
Eroxon Stimgel est plus facilement accessible. De son côté, le
laboratoire – que nous avons contacté mais qui n'a pas répondu à nos
sollicitations – avance dans son communiqué de presse « un effet de
refroidissement rapide et ciblé suivi d'un réchauffement progressif qui
stimule les terminaisons nerveuses, libère de l'oxyde nitrique qui
augmente le flux sanguin ». Un effet mécanique, et non pharmacologique,
qui lui permet surtout de vendre son produit comme un dispositif médical
et de s'affranchir ainsi des nombreux freins régissant la
commercialisation d'un médicament.
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