Une
découverte prometteuse pour la recherche. Un homme séropositif depuis
plus de trente ans est en longue rémission après avoir reçu une greffe
de moelle osseuse.
Un
homme désigné comme «le patient de Genève» est en longue rémission du
VIH après avoir reçu une greffe de moelle osseuse ne présentant pas une
mutation connue pour bloquer le virus, une nouvelle qui ouvre
potentiellement des pistes pour la recherche.
Absence de la mutation rare déjà utilisée
Avant
lui, cinq personnes ont déjà été considérées comme probablement guéries
de l'infection par le VIH après avoir reçu une greffe de moelle. Les
patients guéris avaient tous en commun une situation bien particulière.
Ils étaient atteints de cancers du sang et ont bénéficié d'une greffe de
cellules souches qui a renouvelé en profondeur leur système
immunitaire. Mais à chaque fois, leur donneur présentait une mutation
rare d'un gène dit CCR5 delta 32, une mutation génétique connue pour
empêcher l'entrée du VIH dans les cellules.
Pour
le «patient de Genève», la donne est différente : en 2018, pour traiter
une forme particulièrement agressive de leucémie, il a bénéficié d'une
greffe de cellules souches. Mais cette fois, la greffe a été issue d'un
donneur non porteur de la fameuse mutation CCR5. Ainsi, contrairement
aux cellules des autres personnes considérées guéries, celles de la
personne donneuse permettaient théoriquement au VIH de se reproduire.
Pas de virus détecté depuis vingt mois
Et
pourtant, le virus reste indétectable 20 mois après l'interruption du
traitement antirétroviral chez ce patient suivi aux Hôpitaux
universitaires de Genève, en collaboration avec l'Institut Pasteur,
l'Institut Cochin et le consortium international IciStem. Son traitement
antirétroviral a été progressivement allégé et définitivement arrêté en
novembre de 2021.
Et
les analyses réalisées pendant les 20 mois qui ont suivi l'arrêt du
traitement n'ont détecté ni particules virales, ni réservoir viral
activable, ni augmentation des réponses immunitaires contre le virus
dans l'organisme de cette personne. Les équipes scientifiques ne peuvent
exclure que le virus persiste encore, mais elles considèrent qu'il
s'agit là d'une nouvelle rémission de l'infection par le VIH.
Plusieurs hypothèses
D'autres
patients ayant le VIH avaient bénéficié avant lui de greffes de moelle
sans la fameuse mutation protectrice. Mais «le virus était réapparu au
bout de quelques mois», indique à l'AFP Asier Sáez-Cirión, responsable
de l'unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l'Institut
Pasteur. «On considère que quand on dépasse les 12 mois
d'indétectabilité du virus, la probabilité qu'il reste indétectable à
l'avenir augmente nettement», ajoute-t-il.
Comment
expliquer un tel phénomène chez ce patient ? Plusieurs hypothèses sont
sur la table. «Dans ce cas précis, peut-être que la greffe a permis
d'éliminer toutes les cellules infectées sans besoin de la fameuse
mutation», avance Asier Sáez-Cirión. «Ou peut-être que son traitement
immunosuppresseur, nécessaire après la greffe, a joué un rôle». Cette
longue rémission est «encourageante» mais «un seul virion (une particule
virale infectieuse, ndlr) peut entraîner un rebond du virus», a mis en
garde Sharon Lewin, président de la Conférence de la société
internationale du Sida. Ce patient «devra être surveillé de près au
cours des prochains mois, voire des prochaines années. La probabilité
d'un rebond est impossible à prédire», a-t-il ajouté.
Nouvelles pistes de recherche
Si
ces rémissions nourrissent l'espoir de venir un jour à bout du VIH, une
greffe de moelle osseuse reste une opération très lourde et risquée :
elle n'est pas adaptable à la plupart des porteurs du virus. Ces cas
ouvrent tout de même de nouvelles pistes de recherche, comme le rôle
possible que pourraient jouer des traitements immunosuppresseurs. «Cela
nous incite aussi à continuer d'étudier certaines cellules de l'immunité
innée» (la première barrière de défense vis-à-vis de divers agents
pathogènes, ndlr), susceptibles d'influer sur le contrôle du virus,
ajoute Asier Sáez-Cirión.
Le
patient de Genève, qui vivait avec le VIH depuis le début des années
1990, souhaite pour le moment rester anonyme. «Ce qui m'arrive est
magnifique, magique», a-t-il simplement réagi dans un communiqué de
l'Institut Pasteur.
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