Alassane Ouattara semble aujourd’hui l’homme le plus embêté du monde dans son bras de fer avec l’opposition et Soro. Analyse de Drissa Ouattara.
Il pensait certainement remporter la partie sans coup férir. Mais, à l’évidence, plus d’un an après avoir poussé son ‘’fils’’ Guillaume Soro à prendre ses distances avec lui et près de six mois après avoir lancé une offensive pour neutraliser son ancien protégé, Alassane Ouattara est loin d’être un homme serein. Selon des sources dignes de foi, proches du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), l’ancien Premier Ministre de Félix Houphouët-Boigny est si angoissé, que certains craignent pour sa santé.
La raison de cette situation inconfortable pour le Président ivoirien serait sans doute à rechercher dans son isolement qu’il a lui-même construit depuis plus d’un an. Car, après avoir provoqué le courroux d’Henri Konan Bédié qui s’est éloigné du parti présidentiel depuis août 2018, le chef de l’Etat ivoirien n’a ménagé aucun effort, quand il s’est agi, à la suite du président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de pousser aussi à bout celui qui a pourtant tout donné pour lui permettre d’être candidat et de remporter l’élection présidentielle de novembre 2010.
Mais visiblement plus entreprenant quand il s’agit de traquer ses opposants, l’époux de Dominique Ouattara a fait de la neutralisation de Guillaume Soro, le principal cheval de bataille de sa fin de mandat. Pour mettre toutes les chances du côté du candidat par défaut qu’il a imposé à son parti, M. Ouattara a en effet sorti l’artillerie lourde, pour écarter le Président de Générations et Peuples Solidaires (GPS) de la course à la présidentielle d’octobre 2020.
Ainsi, après avoir échoué à mettre le grappin sur l’ancien Président de l’Assemblée Nationale (voire à l’éliminer physiquement) le 23 décembre 2019, l’ancien Gouverneur de la BCEAO, en désespoir de cause, choisit de prendre en otage les proches collaborateurs et les membres de la famille biologique du Député de Ferké. Erreur d’appréciation. Puisque cette initiative finira par attirer l’attention de la communauté internationale, principalement des ONG internationales sur ce qui se passe en Côte d’Ivoire.
Les unes après les autres, elles se sont élevées sur les dérives dictatoriales du Président ivoirien qui s’est toujours vanté de son attachement à la démocratie, après avoir fait ses classes dans ses institutions internationales à la réputation bien faite. Ainsi, en avril dernier, après avoir dénoncé l’arrestation de députés proches de l’ancien chef du Parlement, a fini par se convaincre du caractère des actions judiciaires déclenchées à l’encontre de Guillaume Soro, condamné dans un procès factice et ignoble à 20 ans d’emprisonnement, pour un délit jugé imaginaire par les avocats du candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle ivoirienne. « Amnesty International considère que la période des poursuites judiciaires contre Guillaume Soro et les arrestations de ses partisans et de ses proches sont très suspectes.
Les accusations semblent être motivées par des considérations politiques », a dénoncé Amnesty International. Dans la même veine, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, statuant sur la forme, relativement à une saisine des avocats de M. Soro, a ordonné le 25 avril 2020 au gouvernement ivoirien de remettre en liberté tous les proches de l’ancien Premier Ministre de Laurent Gbagbo en détention.
L’instance judiciaire africaine a aussi exigé la levée immédiate du mandat d’arrêt émis à l’encontre de Guillaume Soro. C’est le désaveu de trop. Poussé alors par son orgueil légendaire, Alassane Ouattara, en guise de réponse à cette injonction de la CADHP, décide de retirer (sans effet) la Côte d’Ivoire de cette organisation inter-africaine. Il ordonne alors à sa justice aux ordres de juger l’ancien Président de l’Assemblée Nationale, au mépris des dispositions règlementaires et élémentaires.
Mais, tout en dénonçant cette parodie de justice, les organisations internationales continuent de fustiger la dictature du régime Ouattara. « Le Comité de l’UIP a conclu qu’il ne semble y avoir aucun élément matériel prouvant leur culpabilité et que les accusations sont basées uniquement sur des déclarations faites lors de conférences de presse (…) La procédure pénale engagée contre Guillaume Soro est motivée par des considérations politiques », relève pour sa part en début juin 2020 l’Union interparlementaire, une autre organisation internationale qui fédère les Parlements du monde.
Il s’agit là à l’évidence d’une autre douche froide pour le ‘’Puissant’’ Alassane Ouattara qui n’en finit plus avec les revers. Alors qu’il croyait tout ‘’bouclé’’ pour permettre à son poulain et Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly de lui succéder au Palais Présidentielle, au terme d’une élection dont les préparatifs continuent d’être dénoncés par toute l’opposition ivoirienne, voilà que le sort décide de jouer un mauvais tour à l’ancien agent du FMI. Alors qu’il était en villégiature à la station balnéaire d’Assinie, réquisitionnée depuis le début de la crise sanitaire du Coronavirus en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara est rappelé d’urgence à Abidjan le 2 mai.
Son poulain qu’il s’est engagé à protéger ses investissements douteux au terme de ses deux mandats légaux est tombé dans les pommes. Son état est si préoccupant, qu’il nécessite une évacuation hors de la Côte d’Ivoire, alors même que les frontières internationales sont fermées. Grâce à son amitié très intéressée avec le Président français Emmanuel Macron, M. Ouattara réussit à faire décoller un appareil de la flotte présidentielle ivoirienne avec à son bord Amadou Gon Coulibaly. Direction : Paris, précisément à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.
Sonné par cette dégradation de l’état de santé du Premier Ministre, le clan Ouattara essaie malgré tout de faire montre de sérénité. Mais la posture est vite trahie par une communication bafouillée. Alors qu’il parle d’un ‘’simple’’ contrôle de routine que l’ancien Maire de Korhogo aurait oublié d’effectuer quelques jours plus tôt, la Présidence de la République est contraint d’avouer à demi-mot que la situation paraît plus délicate qu’elle n’a été reconnue. « Dans le cadre de son contrôle médical périodique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (France), le lundi 4 mai 2020, le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly a effectué un examen de coronarographie.
A l’issue de cet examen, son médecin traitant a prescrit un suivi médical et une période de repos. Le Premier Ministre poursuivra donc son séjour en France pour quelques semaines avant de regagner la Côte d’Ivoire », écrit dans un communiqué en date du 5 mai le Palais Présidentielle. Voilà donc près de deux mois que la Côte d’Ivoire vit sans son Premier Ministre dont les annonces du retour au pays sont devenues quasi hebdomadaires, sans que le malade, qui a pourtant une campagne électorale pour le moins harassante à mener, ne daigne pointer son nez. Une situation qui, loin de renforcer la soi-disant sérénité du clan, ravive au contraire les appétits de pouvoir des autres héritiers d’Alassane Ouattara.
C’est notamment le cas du ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, assurant l’intérim du Premier Ministre. On prête les mêmes ambitions au frère cadet de M. Ouattara. Dans le camp de ses deux personnalités, même remis de cette mauvaise passe, Amadou Gon Coulibaly ne ferait plus le bon candidat. Pas la peine de préciser que cette guerre larvée de succession au dauphin agace au plus haut point Alassane Ouattara qui ne savait déjà trop où donner de la tête, après avoir ouvert des hostilités mal maîtrisées avec Guillaume Soro.
Surtout qu’après avoir été lâché par son fidèle compagnon, Marcel Amon-Tanoh, qui pourrait être imité par le non moins fidèle Abdallah Albert Toikeusse Mabri, l’ancien DGA du FMI est contraint de constater qu’il est entouré de taupes qui ‘’ventilent’’ des informations de premières mains dans les journaux et surtout sur les réseaux sociaux. Mais, comme si désormais le sort s’acharnait contre lui, voilà que des journalistes d’un média étranger rendent public en début juin une enquête mettant gravement en cause le Ministre Hamed Bakayoko dans une sombre affaire de trafic de drogue.
Last but not least, le 11 juin 2020, 13 soldats ivoiriens sont tués, sans doute par des djihadistes, dans la localité de Kafolo, au Nord de la Côte d’Ivoire. Une attaque surprise dénoncée depuis lors dans les casernes où les soldats se persuadent les services de renseignement n’ont pas correctement fait leur job. De quoi rendre davantage frileux Alassane Ouattara.
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