Très opposé au projet de la nouvelle constitution voté au référendum du 31 octobre 2016, Dr Boga Sako, président du FIDHOP (Fondation Ivoirienne pour l’observation et la surveillance des Droits de l’Homme et de la vie Politique), a réagi à l’avènement de la 3e République de Côte d'Ivoire. Il a accordé un entretien à Ivoirematin.com, le dimanche 20 novembre 2016.
Monsieur le président, quelle est votre réaction après la promulgation de la nouvelle constitution portant 3e République de Côte d’Ivoire?
Pour tout vous dire tout net, je ne me sens nullement concerné par la 3ème République proclamée par M. Alassane Ouattara le 8 novembre dernier. Nullement !
Pensez-vous donc comme l'écrivain Julien Kouao que la 3e République est mal partie?
Si elle existe vraiment, c’est qu’elle est effectivement très gravement compromise ! Il suffit de regarder les contestations de toutes parts, de la société civile, de diverses couches sociales, des partis politiques, y compris de leaders de son propre camp. Rien de comparable avec le contexte qui a précédé la naissance de notre 2ème République qui est née avec la constitution du 1er août 2000.
Vous aviez déclaré que vous feriez tout pour empêcher qu’elle voie le jour dans sa forme actuelle. Finalement, on n'a rien vu, et le référendum a eu lieu et la nouvelle constitution votée?
Ce n’est pas juste de dire qu’on n’a rien vu. Parce que pour la première fois, depuis le 11 avril 2011, les Ivoiriens souverainistes, attachés aux valeurs démocratiques, aux Droits de l’Homme et aux libertés publiques se sont mobilisés sous le régime dictatorial instauré par M. Ouattara. C’est pire que lorsque M. Laurent Gbagbo luttait contre le parti unique d’Houphouët-Boigny. Aujourd’hui, nous avons affaire à des tueurs, à des tortionnaires dans des prisons secrètes ou à la DST, à des enleveurs, à des violeurs, etc. Puisque ce sont des ex-rebelles et des dozos en costumes RDR ou RHDP ; avec leurs « petits » qu’ils ont eux-mêmes baptisés « les Microbes ». Or, nous, au Front du Refus, puisque j’en suis membre avec notre Groupe de Réflexion et d’Actions pour la Démocratie et les Droits de l’Homme en Afrique (GRADDH-Afrique), nous n’utilisons que les moyens démocratiques pour nous battre.
Vous continuerez donc de combattre cette constitution?
Oui, absolument ! Et jusqu’au bout !
Evidemment, vous n'avez pas pris part au vote ! Pourtant, cette constitution s'appliquera à vous?
Peut-être ! Mais attendons de voir. Parce qu’on peut adopter et promulguer une loi, sans que celle-ci ne soit jamais appliquée ; parce qu’elle se bute à la résistance des gouvernés. Donc, nous continuerons à revendiquer la Deuxième République : elle est plus légitime, parce que plus consensuelle, soutenue en 2000 par un pays tout entier, même malgré le « ET ».
Vous êtes un rebelle!
Vous dites juste ! Ce qui permettra aux uns et aux autres de bien voir qu’il existe plusieurs manières de se rebeller. Quand on aime son pays et ses compatriotes, on peut défendre les causes sociales, leurs droits face aux dictateurs au pouvoir, sans forcément prendre les armes. Les rebellions armées, comme celle que M. Ouattara a soutenue, selon les rebelles ivoiriens eux-mêmes, et que les membres du RHDP (dont le PDCI-RDA de Félix Houphouët-Boigny) cautionne aujourd’hui, cette rébellion dont s’enorgueillit le sieur Guillaume Kigbafori Soro, dans un livre, a endeuillé la Côte d’Ivoire avec plusieurs centaines de morts. Et cette rébellion est la principale cause de la fracture sociale au sein de notre Nation, et ce, pour plusieurs générations encore. Ils ont fait du Nord de la Côte d’Ivoire l’enfer des fils et des filles du Sud. Oui, nous sommes des rebelles démocrates, face à l’une des pires dictatures africaines et même mondiales ! Et la Communauté internationale commence justement à s’en rendre compte. D’où les retraits en cascade de la CPI et surtout la condamnation du régime-Ouattara par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuple, s’agissant de la CEI partiale et non crédible.
Des Ivoiriens qui ne se reconnaissent en cette nouvelle loi fondamentale ont affirmé, sur une radio nationale, que s'il le faut, ils prendront les armes comme Soro et ses hommes pour l'avènement d'une 4e République. L'avez-vous entendu?
Je l’ai aussi appris. Mais telle n’est pas ma voie, en tant que défenseur des Droits de l’Homme. Toutefois, je respecte leur indignation et leur révolte.
Croyez-vous que cela est nécessaire?
Je ne spéculerai pas sur de simples expressions de colère des citoyens révoltés face à M. Ouattara et son régime. C’est aux gouvernants actuels du pays d’entendre les cris d’indignations et de mécontentements d’une grande partie de leurs administrés et de les soulager. Tous les Ivoiriens doivent être écoutés dans le pays et à l’extérieur. Tous les prisonniers politiques de 2010 doivent recouvrer la liberté, les exilés doivent tous rentrés, en toute sécurité, et l’Etat doit faire face aux problèmes de cherté de la vie, revoir sa politique de rattrapage ethnique, etc., etc. Alors, l’on n’entendra plus jamais de tels propos.
Réalisée par César DJEDJE MEL
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