Les autorités maliennes de transition exigent que la Côte d'Ivoire extrade les personnalités politiques maliennes qui ont trouvé refuge à Abidjan.
C’est une condition pour la libération des militaires ivoiriens arrêtés le 10 juillet dernier et toujours détenus. Cela fait plusieurs semaines que RFI a révélé cette exigence de Bamako, mais elle n'avait jamais été assumée publiquement.
Vendredi soir, dans un communiqué de la présidence malienne, le colonel Assimi Goïta lie clairement les deux dossiers : pas de libération de soldats ivoiriens sans extradition des politiques maliens en « contrepartie ». Abidjan est en colère.
« Nous considérons désormais qu'il s'agit d'une prise d'otage et d'un moyen de chantage. » Cette source proche de la présidence ivoirienne, qui préfère pour le moment s'exprimer hors micro, est outrée. « Ils veulent faire payer au président Ouattara l'embargo décidé par la Cédéao et l'Uemoa », estime cette source, en référence aux sanctions décidées par les organisations ouest-africaines et qui avaient frappé le Mali pendant six mois, entre janvier et juillet dernier, pour obtenir des engagements sur la tenue de futures élections.
« Ces deux questions ne peuvent pas être liées, c'est du règlement de compte », juge encore cette source, qui assure que la libération des trois soldates, il y a tout juste une semaine, était censée être « le début d'un processus » et que les propos tenus vendredi par le président malien, le colonel Assimi Goïta, tiennent du « changement de discours ».
Ce haut responsable ivoirien affirme d'ailleurs que ce n'est pas la première fois : « Ils avaient promis fin juillet de ne pas judiciariser » l'affaire. Mais à la mi-août, les soldats ivoiriens détenus étaient officiellement inculpés pour, notamment, « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Ils sont depuis dans l'attente de leur procès.
Extradition exclue
À ce stade, en tout cas, livrer les personnalités politiques maliennes qui ont trouvé refuge en Côte d'Ivoire est catégoriquement exclu par Abidjan. On parle du fils de l'ancien président IBK, Karim Keïta, de l'ancien Premier ministre Boubou Cissé et de l'ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly, contre lesquels la justice malienne a lancé des mandats d'arrêt internationaux dans différents dossiers.
Toutes ces personnalités ne résident pas de manière permanente à Abidjan et ne s'y trouvent d'ailleurs pas forcément actuellement, même si elles y séjournent régulièrement. En tout état de cause, Abidjan refuse clairement de se soumettre à ce qui est considéré comme du « chantage ».
Dans sa déclaration officielle, le président malien de transition, le colonel Assimi Goïta explique qu’il s'agit d'une simple « contrepartie », sans laquelle la libération des soldats ivoiriens ne serait pas une « solution durable » mais, au contraire, « une solution à sens unique ».
Il est encore trop tôt pour dire si Abidjan pourrait durcir le ton, mais un Conseil national de sécurité devrait être convoqué en début de semaine prochaine, sur ce sujet. On sait que des moyens de pression, voire de représailles, existent : il y a trois millions de Maliens en Côte d'Ivoire et beaucoup d'intérêts économiques, puisque des milliers de camions maliens chargent chaque semaine des marchandises à Abidjan ou à San Pedro. La Côte d'Ivoire fournit aussi de l'électricité au Mali.
« Nous faisons la différence entre la junte au pouvoir et les Maliens, rassure cette source ivoirienne, pour le moment, nous privilégions l'apaisement. » Mais évidemment, la question est de savoir jusqu'à quand.
Autres pistes
D'autres pistes de négociation sont sur la table. Sur le plan économique, justement, le Mali souhaite que le président ivoirien Alassane Ouattara use de son influence pour obtenir des financements auprès de la Cédéao.
Sur ce point, « le président Ouattara n'a pris aucun engagement, mais il pourrait plaider pour le Mali », assure notre source proche de la présidence ivoirienne, qui ajoute : « Mais seulement si les relations entre les deux pays vont dans le sens d'une normalisation, et en aucun cas en contrepartie de la libération de soldats qui n'ont rien fait. »
Pour rappel, les militaires ivoiriens avaient été arrêtés le 10 juillet dernier à leur descente d'avion, à l'aéroport de Bamako, alors qu'ils venaient au Mali dans le cadre d'un soutien à la mission des Nations unies dans le pays, la Minusma.
Mais des dysfonctionnements administratifs ont conduit à leur arrestation. Des dysfonctionnements officiellement reconnus par Abidjan, lors de la libération des trois soldates la semaine dernière ; les termes « manquements » et « incompréhensions » ont été prononcés officiellement.
La Minusma a quant à elle accepté de remettre à plat ses procédures pour les rotations aériennes et de répondre aux exigences maliennes afin d'éviter de nouvelles situations de ce type.
Pour autant, Bamako continue de considérer officiellement les soldats ivoiriens arrêtés comme des « mercenaires » venus déstabiliser le pays.
Ce qui n'a pas empêché l'arrivée, il y a deux semaines, d'un nouveau contingent de 425 militaires ivoiriens, actuellement en poste à Tombouctou.
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