Sa décision de quitter le gouvernement n’étonne personne. Depuis longtemps, cette décision était attendue. Marcel Amon Tanoh avait décidé de ne pas continuer l’aventure avec ses camarades du Rassemblement des Houphouëstistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Jusque-là, le départ du désormais ex-ministre des Affaires étrangères était mis sur le compte des rumeur. Mais, le concerné, lui-même, avait déjà arrêté son idée et attendait sereinement le bon moment pour l’annoncer. Ce bon moment, c’est bien ce jeudi 19 mars 2020, date à laquelle dans une adresse succincte, mais aux allures solennelles, le chef de la diplomatie ivoirienne a annoncé la nouvelle.
Depuis plusieurs mois, on s’attendait déjà à cette sortie du gouvernement. Marcel Amon Tanoh n’est plus en odeur de sainteté avec ses ex-camarades du Rhdp. Ce vieux et fidèle compagnon d’Alassane Ouattara n’admettrait pas le choix du Premier ministre actuel, Amadou Gon Coulibaly, pour la candidature du parti unifié au pouvoir à la succession du président de la République, Alassane Ouattara.
Amadou Gon, la pomme de discorde
L’ancien directeur de cabinet politique, puis à la présidence du chef de l’Exécutif ivoirien pense qu’il est lui-même outillé pour prétendre aussi à la succession. Cet homme de 68 ans, qui a passé l’essentiel de sa vie dans l’ombre d’Alassane Ouattara, estime être de ceux qui connaissent le mieux le tenant actuel du pouvoir quand celui-ci indiquait que le meilleur au sein du Rhdp serait choisi pour continuer sa mission. Marcel Amon Tanoh n’apprécierait pas le choix de son cadet, le chef du gouvernement dont il ne vend pas si chère la peau pour les prochaines joutes présidentielles.
Le diplomate, d’ordinaire si discret, n’aurait pas manqué de signifier cela au chef de l’Etat, et même à certaines tribunes.
Ainsi, en octobre dernier, à Sochi, où il a devancé le président de la République pour préparer son arrivée au Forum Russie – Afrique, Marcel Amon Tanoh s’en serait ouvert au président Vladimir Poutine, sur le cas d’Amadou Gon Coulibaly dont le choix se dessinait, sans écarter la possibilité qu’il affiche lui-aussi ses ambitions. Cette sortie dont le chef de l’Etat aurait eu vent aurait valu des réprimandes de sa part contre le natif d’Aboisso. Mais, le fils de Lambert Amon Tanoh, ancien ministre de l’Education nationale de feu Félix Houphouët-Boigny, demeurera dans ses bottes. Malgré des tentatives du chef de l’Etat de le ramener à la maison, rien n’y fit. Marcel Amon Tanoh aura été le plus grand absent du dernier Conseil politique du Rhdp qui a vu la désignation d’Amadou Gon Coulibaly comme le candidat à la succession d’Alassane Ouattara. Depuis lors, son départ était attendu.
Mais, le ministre des Affaires étrangères, qui n’écarterait pas l’idée de lui-même se présenter aux élections présidentielles d’octobre 2020, n’avait pas attendu d’être éjecté du gouvernement dont on annonce un remaniement imminent. Il a préféré mettre de l’élégance dans son départ en annonçant la nouvelle de lui-même.
Pas un mot à l’endroit du Premier ministre
Cette annonce laisse transparaître clairement l’état d’âme du vieux compagnon de lutte d’Alassane Ouattara. Marcel Amon Tanoh prend soin de remercier son mentor auprès de qui il aura tout appris. « Je tiens à remercier le Président de la République, S.E.M. Alassane OUATTARA, pour l’honneur qu’il m’a fait en me confiant des responsabilités au plus haut niveau de l’Etat, en qualité de Ministre Directeur de Cabinet, puis Ministre des Affaires Etrangères. J’ai travaillé à ses côtés en toute loyauté, en prenant toujours soin de lui faire part de mon honnête opinion en toutes circonstances », s’est juste limité à écrire l’ex-chef de la Diplomatie ivoirienne qui, nulle part, ne fait mention du chef du gouvernement actuel sous la direction de qui il travaille depuis 2017. Une omission volontaire par laquelle Amon Tanoh affiche son antipathie envers son cadet à la Primature.
Où va Marcel ?
Que va faire maintenant l’ex-ministre des Affaires étrangères ? Va-t-il se jeter dans l’arène pour la course au pouvoir et affronter le candidat officiel du Rhdp, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, le 31 octobre 2020 ? Cette option n’est pas à écarter, mais certaines langues l’annoncent au Pdci-Rda où milite encore son géniteur, Lambert Amon Tanoh. Marcel Amon Tanoh pourrait ainsi constituer un soutien de taille pour Henri Konan Bédié et ses partisans, à défaut de jouer sa propre carte. Un projet pour lequel il bénéficie farouchement de la confiance de son géniteur.
L’ancien ministre de l’Education nationale de la Côte d’Ivoire soutient son fils en qui il trouve des capacités pour succéder au président Ouattara.
Interrogé sur d’éventuelles ambitions de Marcel, le père Amon Tanoh n’a pas donné dans la langue de bois pour lui traduire son soutien. Pour lui, Marcel a la carrure et les compétences nécessaires pour prétendre à la gouvernance de la Côte d’Ivoire. « Marcel peut être candidat, c’est son droit. (…). Il est entré en politique suivant plusieurs cheminements. L’échec est formateur. Depuis les accords de Marcoussis, il est au gouvernement. C’est le fidèle compagnon du président. Mais, le destin a des arcades insondables. Il peut vouloir être candidat ou postuler pour une sélection interne, tout dépend de la méthode. Il a acquis à mon sens, sous l’ombre tutélaire du président, beaucoup d’expériences », déclarait le vieux compagnon d’Houphouët-Boigny qui suggérait, pour qu’il « n’y ait pas de clash », que les gens soient libres de choisir celui qu’ils veulent au Rhdp. « On doit savoir qui est le plus populaire au sein du parti (Rhdp, Ndlr) ».
Ces propos du père Amon Tanoh confirmaient déjà le malaise au sommet du parti unifié au pouvoir.
Pilule amère
Aujourd’hui, la bulle a éclaté avec ce départ de Marcel qui va affaiblir, à n’en point douter, l’équipe qu’Alassane Ouattara a laissé pour tenter de lui succéder et continuer à gouverner la Côte d’Ivoire après lui. Beaucoup de surprises se profilent encore à l’horizon, car avec ce départ de ce vieux connaisseur, le mur de la case est fissuré, et beaucoup de secrets risquent de se retrouver sur la place publique.
Faut-il le souligner, Marcel Amon Tanoh a été l’un des plus fidèles compagnons du président de la République, Alassane Ouattara. Après avoir été son directeur de cabinet politique durant les moments d’épreuves et de braises de l’opposition avec le Rdr, il a occupé ce même poste, une fois parvenu au pouvoir, à la Présidence de la République. Au Palais d’Abidjan, il va continuer à côtoyer et à collaborer avec l’ex-Secrétaire général adjoint du Rdr, Amadou Gon Coulibaly, lui-aussi, nommé Secrétaire général de la Présidence. C’est de la Présidence que le cadet est propulsé à la Primature et lui, affecté au département des Affaires étrangères sous la responsabilité de celui-ci. Une pilule que le discret et peu bavard Marcel a avalé amèrement sans bruit.
Mais, si jusque-là, il a accepté ce poste de subordination, vraisemblablement, le chef de la Diplomatie ivoirienne ne serait plus prêt à jouer les seconds rôles, après son mentor, Alassane Ouattara. Ce qui justifierait le conflit qui l’a poussé à claquer la porte au gouvernement, et certainement au Rhdp prêt à aller au combat pour rempiler au pouvoir avec Amadou Gon Coulibaly comme au président sortant.
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