Guillaume Soro aux chefs Akyié à Lafokpokaha (Ferké) sur sa clandestinité: «Voici où j’étais caché»

«Je prends la parole aujourd’hui devant mes papas. Je sais quel est le poids des mots qu’on prononce. C’est pourquoi en prenant la parole maintenant, devant mes papas sur la terre de Lafokpokaha (Ferké), je voudrais solennellement m’adresser à Obi (Ndlr : chef) Gbéry et à travers lui, à chacun des chefs Akyié (Ndlr : communément appelé Attié) ici présents.

Ce, pour dire un seul mot : chef Gbéry, Mèlobaï. Il a dit tout à l’heure quelque chose de très important. Dans mon adolescence, quand jeune lycéen, j’ai été syndicaliste, j’ai été longtemps poursuivi et pourchassé à Abidjan. Il se trouve que Ferké était trop loin pour venir m’y cacher. C’est ainsi que d’Abidjan, je courais me cacher chez les Akyié.

Parce que nous savions depuis l’université que c’est un peuple pour qui le mot trahison n’existe pas dans le langage. On savait que si on réussissait à aller se cacher chez eux, on n’allait jamais être dénoncé.

C’est pourquoi en 1997, quand on a lancé un avis de recherche contre moi, j’étais caché à Yopougon. Après une réunion, on se demandait comment faire pour aller chez les Akyié. Parce que si on arrive là-bas, on sera en sécurité. Malheureusement pour moi, c’est au premier pont de Yopougon que j’ai été arrêté. Je le dis pour dire combien je porte en estime ce peuple.

C’est dans ma cachette que j’ai appris quelques mots de cette belle langue : Ahèhooo. C’est un peuple que nous apprécions.

Chers papas Niarafolo, ils ont posé un acte que je n’oublierai pas. L’année dernière, j’ai eu beaucoup de problèmes. J’ai eu un mandat d’amener en France, un mandat d’arrêt international du Burkina…

Lorsque quelqu’un a autant de problèmes, généralement, tout le monde le fuit. C’est comme quand on perd son travail, le téléphone qui sonnait tout le temps ne sonne plus. C’est la nature de l’être humain. Mais lorsque j’ai eu ces problèmes, certains ont dansé de joie, car, ne dit-on pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres ? Mais, je peux vous assurer que les chefs Akyié ont eux-mêmes pris l’initiative de venir saluer Guillaume Soro à L’Assemblée nationale.

Cela m’a touché. Je peux résumer leurs propos en trois phrases :

- La première : Guillaume Soro, nous sommes venus te dire ‘’Yako’’.

- La deuxième : nous te soutenons dans tes difficultés.

- La troisième : les portes de la Mé te sont ouvertes.

C’est un message fort qu’ils m’ont lancé. Je le dis devant papa Jonas (Ndlr : Koné Madou Jonas, chef de canton des Niarafolo) pour qu’il sache que lorsque le peuple Akyé prend une voie, donne sa parole, c’est un peuple d’honneur. Voici qu’aujourd’hui ils viennent de prouver encore cet engagement et je vous dis pourquoi.

Premièrement, mon mandat en tant que président de l’Assemblée nationale finit demain (aujourd’hui, Ndlr). Constitutionnellement, le mandat des députés va jusqu’au 31 décembre. Chers papas, vous pouviez vous dire que je suis fini et que ne sachant pas si je vais être reconduit, vous décidiez de rester chez vous pour ne pas vous  brouiller avec le prochain président de l’Assemblée nationale. Quand on m’a dit que vous veniez à Ferké la veille du 31 décembre, j’ai dit que ce n’est pas croyable. Prendre des cars à Abidjan, faire le parcours du combattant, pour arriver jusqu’ici. Honnêtement, si vous ne portez pas la personne dans le cœur, vous ne pouvez pas le faire. C’est un sentiment de fierté qui m’anime de vous recevoir ici au village. Je n’ai pas d’autres mots que de vous dire merci.

Chers papas, je souhaite que les mânes de nos ancêtres, que vous invoqués si souvent, fassent en sorte que cette relation filiale et familiale se consolide définitivement (…).

Vous, chefs Akyié, qui m’avez sauvé à l’époque en me protégeant, en me cachant à la vue des forces de l’ordre, je veux vous dire ma reconnaissance et ma gratitude sur cette terre de mes ancêtres. Sachez que ce ne sont pas des paroles en l’air. Tant que je le pourrai, en tant que Guillaume Soro, je le ferai.

Grâce à Dieu, je ne serai pas au chômage

Le chef a fait une prière pour moi concernant mon poste, ne vous inquiétez pas. N’arrive à l’homme que ce que Dieu permet. Les postes ne sont pas importants. Quel que soit le poste que j’occuperai demain, vous pourrez toujours continuer de compter sur moi. Mais je peux vous rassurer. Parce que lorsque j’en parle, je vois le cœur de mon chef de cabinet battre. Il se demande si demain il sera au chômage ou pas.

Grâce à Dieu, je ne serai pas au chômage. Avant de venir, j’ai eu une rencontre avec le président de la République, je lui ai porté un message de mes parents. Et moi, je peux vous rassurer parce que le président de la République lui-même m’a rassuré. On attend la décision de Dieu. Parce que comme on le dit, l’homme propose et Dieu dispose. Il ne faut pas être prétentieux, vaniteux. Il faut être humble. Chef, voici quelques mots que je voulais vous dire.

A partir du 1^er janvier, je continuerai d’être député, mais ça ne va pas durer.  Quelle que soit la situation, vous pouvez compter sur moi et je souhaite compter sur vous».