Président de la Fondation Ivoirienne pour l'observation et la surveillance de la Démocratie, des Droits de l'Homme et de la vie Politique, Boga Sako a accordé une interview à Ivoire Matin sur la crise post-électorale en Côte d’Ivoire.
Quel commentaire faites-vous de la crise militaro-politique qui prévaut en Côte d’Ivoire?
En tant qu'Ivoirien, je suis triste pour tout ce qui arrive à la Côte d'Ivoire. Mais ma tristesse date de depuis la grave crise post-électorale de 2010. En fait, depuis cette époque jusqu'à ce jour, l'image de notre pays ne cesse d'être ternie à travers le monde. Je voyage tout le temps, et je vous l'assure. M. Alassane Ouattara a plutôt assombri la Côte d'Ivoire!
N’est-ce pas un coup dur pour la 3e république qui vient à peine de naître
Vous me parlez de 3ème République ? Elle n'existe que de nom, surtout dans l'esprit de celui qui prétend l'avoir créée. Ce que je sais, c'est qu'entre 80 % et 90 % du peuple a refusé d'aller voter la Constitution-Ouattara. Donc cette 3ème ne concerne que 10 % d'Ivoiriens. À partir de là, tout ce qui se passe dans le pays actuellement est donc à l'image de cette république tribale.
Après moult hésitations entre fermeté et intimidations, le pouvoir accepte finalement de payer les mutins. Aurait-il pu faire autrement?
C'est du bluff ! Ce régime s'est lié et M. Ouattara est tenu en laisse par ses mercenaires d'hier. Le fait de prétendre user de la force n'a été qu'une pure distraction des Ivoiriens. Tout le monde entier a découvert la vérité aujourd'hui sur la rébellion ivoirienne née en septembre 2002 ; et sur ses liens secrets avec M. Ouattara. Enfin, toute la vérité sur la crise ivoirienne se dévoile.
Y a-t-il à craindre pour la Côte d'Ivoire?
Non, loin de là ! La Côte d'Ivoire n'est pas encore sortie de l'auberge. Et il faut même craindre le pire dans l'avenir. Même si l'actuel Chef de l'Etat endette davantage notre pays pour solder sa facture privée d'ici fin juin 2017, les autres corps de la société l'attendent au tournant. Mais surtout, le successeur de M. Ouattara risque de subir encore des chantages de la part des ex-rebelles pro-Ouattara, puisqu'ils disposent des armes cachés.
Lors de sa rencontre avec les mutins, le président Ouattara a confessé que le pays connaît des difficultés financières. Comment l'avez-vous reçu?
Il a donc fallu qu'éclatent les mutineries pour qu'enfin M. Ouattara avoue. Du coup, la Côte d'Ivoire n'est plus émergente ? Gouverner, c'est gérer les réalités du pays, en étant sincère avec les gouvernés. Le drame qui fait que les populations laissent les mutineries se dérouler sans s'y opposer réellement, à part quelques zélés du parti de M. Ouattara, c'est que pendant que la plupart des populations gémissent, face à la cherté de la vie, les dignitaires du régime et des chefs rebelles jouissent dans un luxe insolent, à partir des biens pillés au pays.
Que dites-vous de l'affaire ‘’cache d'armes à Bouaké’’
S'agissant des caches d'armes découvertes, elles confirment que la Côte d'Ivoire et les Ivoiriens sont assis sur une vraie poudrière. C'est un réel problème. De même que notre pays a un vrai problème avec son armée. Il nous faut créer une vraie armée républicaine pour la Côte d'Ivoire de demain.
Au niveau du pouvoir, on accuse Laurent Gbagbo d'être à l'origine de ces troubles par son " refus" de céder le pouvoir.
C'est une diversion. Lorsque ce régime est en difficulté, on constate qu'à chaque fois, sa seule porte de sortie s'appelle Laurent Gbagbo. Pourtant, le monde entier voit bien qu'ils sont incapables de gouverner le pays. Dans aucun État du monde, aucun dirigeant ne peut commettre les erreurs commises par M. Ouattara et son régime. Aller jusqu'à accepter de pays 12 millions de F.CFA à 8400 ex-rebelles et mutins, c'est lui seul qui pouvait le faire. Je rappelle que le Président Gbagbo en son temps avait opposé un refus catégorique face aux chantages des soldats ; et il n'y a point eu de mutinerie. Alors que le régime-Ouattara assume !
Bédié aurait financé l'achat d'armes contre Gbagbo. Etes-vous surpris?
Concernant l'implication ou non de M. Bédié dans le financement de la rébellion, j'avoue qu'il y a longtemps que nous en avons entendu parler. Mais puisqu'aucune enquête n'a jamais été ouverte sur la rébellion ivoirienne de 2002, on n'a jusqu'à maintenant pas réagì publiquement. Sauf qu'aujourd'hui, certains chefs de la rébellion commencent à balancer des secrets. En tant qu'un homme politique, un ancien Président de la République, M. Henri Konan Bédié ne peut pas se murer dans un silence. Faute de quoi, le procureur de la République devra ouvrir une enquête. Je fais remarquer que ce procureur a été très prompt avec le dossier Sam l'Africain. Ici c'est très grave, au regard des conséquences de la rébellion. Sinon, la CPI se saisira du dossier.
Et enfin, quelle est votre réaction sur les résultats troublants des experts en ADN de la CPI après des tests réalisés sur des restes de victimes de la crise ?
Les révélations faites par l'expert en ADN à la CPI sont extrêmement sérieuses et précieuses. Elles tendent à confirmer qu'il n'y aurait pas eu de femme tuées à Abobo en mars 2011, ce que nous avait déjà révélé le procès de Mme Gbagbo au cours duquel aucun corps n'avait présenté au médecin légiste. Or, si la fameuse tuerie des femmes d’Abobo s'avère être un montage, la Communauté internationale se rendra bien compte qu'elle a été trompée. Dès lors, la Libération du président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé s'impose, et de façon immédiate.
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