La Côte d’Ivoire est traversée depuis plusieurs jours par des mutineries du contingent 8400 et de soldats démobilisés. Quelle analyse faite vous de la situation ?
Je trouve dommage qu’aujourd’hui encore, en 2017, l’actualité en Côte d’Ivoire, ce soit le crépitement des armes. Je pense qu’il faut aller au fond de ces revendications pour comprendre ce qui se passe. Ce sont des personnes qui ont été recruté pour déstabiliser un pouvoir en contrepartie de promesses pécuniaires et qui se retrouvent bernées par leur employeur. Il est clair que dans ce cas, qu’elles fassent usage de ce qu’elles connaissent, c’est à dire les armes pour se faire entendre. Ce qui est dommage, c’est que M. Ouattara utilise l’argent du contribuable pour honorer une promesse personnelle.
Justement, que pensez-vous de la gestion de cette crise par le gouvernement Ouattara ?
Je l’ai toujours dit ! Donner de l’argent à chaque fois qu’il y a des coups de fusils est une mauvaise solution à un réel problème. M. Ouattara est maintenant otage de ceux qui l’ont porté au pouvoir par les armes. Et c’est pourquoi nous avons toujours appelé à une gestion globale des conséquences de la crise post-électorale. Nous avons proposé le dialogue politique inclusif qui prendrait en compte tous les hommes en armes y compris les mutins mais aussi toutes les personnes qui sont victimes d’une manière ou d’une autre de la crise : ceux qui ont perdu des êtres chers, ceux qui ont perdu leur emploi du fait de leur appartenance politique, les exilés, etc.
Il faut que les enfants de la Côte d’Ivoire se retrouvent autour d’une table pour se parler franchement et trouver des solutions aux effets de la crise post-électorale que nous continuons malheureusement de subir.
Selon vous, le gouvernement n’aurait pas dû céder à la pression des mutins ?
Céder n’est pas le mot approprié ! Le gouvernement n’aurait jamais dû commencer à payer. Parce que, lorsque l’on paye, cela signifie que l’on reconnaît la dette. Les ivoiriens n’ont pas à payer une dette contractée par M. Ouattara en son nom propre. Je pense que la gestion de cette crise est chaotique. Le gouvernement a agi comme des voyous qui ont recruté des personnes moyennant des promesses d’argent et qui maintenant refusent d’y faire face. Lors de ces mutineries, nous avons tous entendus les mutins dire qu’ils veulent leur part du gâteau. La Côte d’Ivoire n’est pas un gâteau et n’a pas à être considérée comme un butin de guerre. Qu’est-ce que les mutins ont apporté à la Côte d’Ivoire pour qu’on leur soit redevable de ces montants là où les fonctionnaires et les agriculteurs qui construisent ce pays sont laissés pour compte ?
A la place du chef de l’Etat, vous n’auriez donc pas payé ?
A sa place, je n’aurai pas armé des jeunes civils pour attaquer mon pays ! A sa place, je n’aurai pas distribué des armes à des jeunes en leur faisant des promesses afin qu’ils déstabilisent la Côte d’Ivoire ! A sa place, connaissant, les conditions dans lesquelles j’accède au pouvoir, j’aurais très rapidement mis l’accent sur le dialogue et la réconciliation.
Il m’est donc impossible de me retrouver à la place du Chef de l’Etat car l’accession au pouvoir par les armes n’est pas ma conception de la politique.
Le ministre de la défense a affirmé lors d’une conférence de presse que des armes de guerre avaient été trouvées au domicile d’un civil lors des mutineries à Bouake. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Il a aussi dit que des enquêtes sont en cours et nous attendons les résultats de celles-ci mais je voudrais faire remarquer que sur la base de rumeurs et de dénonciations calomnieuses, des personnes soupçonnées de formater des coups contre le régime croupissent à la MACA depuis des années sans jugement. Nous disons donc que si une personne peut jouir de sa liberté le temps de l’enquête, alors, il faut remettre en liberté tous les enfants de notre pays qui n’ont que subi trop d’injustices. Il ne saurait y avoir des traitements spéciaux pour une catégorie de personnes. Puisque l’on peut jouir de sa liberté le temps de l’enquête, autant libérer tout le monde en attendant les résultats des enquêtes. Nous vivons depuis avril 2011 sous le règne la justice à double vitesse.
Vous pensez que l’économie ivoirienne peut encore supporter la pression de ces hommes en armes qui revendiquent des primes ?
L’économie ivoirienne déjà malade du fait de la mauvaise gestion du pouvoir n’a pas à supporter les dettes personnelles de M. Ouattara
Avant cette crise sécuritaire, la Côte d’Ivoire vivait une crise sociale avec la chute du coût du cacao, les grèves de fonctionnaires…
La côte d’Ivoire n’est pas loin d’être en faillite du fait de la mauvaise gestion. Nous assistons à une gestion clanique du pouvoir. Un petit groupe d’individus s’enrichit tandis que la grande majorité des ivoiriens s’appauvrit y compris les militants du RDR et ceux qui ont naïvement fait confiance à M. Ouattara. L’Etat vit au-dessus de ses moyens ! Il y a un groupe d’entreprises qui raflent tous les marchés publics tandis que les autres sont asphyxiés par les impôts et le racket !
Il nous faut absolument revoir la gestion du pays ! Le pouvoir doit revoir son train de vie ! Il faut plus de transparence et de clarté dans l’attribution des marchés publics. Si nous n’y prenons garde, la Côte d’Ivoire sera bientôt en cessation de paiement, un peu comme en 1993, lorsque M. Ouattara partait du pouvoir.
Il faut créer la richesse en résolvant les problèmes de ceux qui construisent le pays! Il ne faut plus que nos paysans soient délaissés car le fruit de leur labeur est la base de notre économie ! Il faut régler le problème des étudiants qui sont l’avenir du pays ! Il faut donner un nouveau souffle à l’entreprenariat en réglant la dette intérieure car ce sont les entreprises qui créent de la richesse.
Il est préférable de se pencher sur ces problèmes au lieu de régler des dettes personnelles de Monsieur Ouattara.
Selon vous, la situation économique du pays est alarmante alors que le pouvoir parle de croissance à deux chiffres et du retour des investisseurs.
La situation est alarmante effectivement ! Les grands slogans voilent une réalité plus triste qui est vécue par les ivoiriens. Si le régime continu de rester sur les grands thèmes de communication en lieu et place de regarder la réalité en face et prendre les décisions qui s’imposent, ne soyons pas surpris que le pays soit en cessation de paiement. Ne soyons pas surpris que les investisseurs s’éloignent car les investissements ont en horreur la mauvaise gouvernance et le bruit des armes. Tout récemment en France, le vice-président Duncan a encore été interpellé par le patronat français sur la situation sécuritaire désastreuse dans notre pays.
Comment justement faut-il selon vous régler la crise sécuritaire et sociale ?
Il faut un dialogue politique inclusif pour juguler la crise que traverse notre pays. Quand nous parlons de ce dialogue, nous disons qu’il va impacter positivement l’économie de notre pays. Il faut que toutes les parties prenantes, (étudiants, fonctionnaires, militaires, politiques etc.) s’asseyent autour d’une table pour trouver ensemble les solutions à tous les problèmes. Mais surtout, le dialogue va libérer M. Ouattara de la prise d’otage qu’il subit aujourd’hui. Vous savez bien qu’il est pris en otage par les hommes en armes qu’il a utilisé pour arriver au pouvoir. Ils lui mettent constamment une pression à laquelle il est obligé de céder car il s’est servi d’eux pour arriver au pouvoir et pour brimer son opposition.
Le dialogue que nous ne cessons de réclamer depuis des années va lui donner la légitimité nécessaire pour faire face à tous ces problèmes.
Nous proposons à M. Ouattara la protection du peuple à travers le dialogue politique afin de terminer son mandat dans de meilleures conditions au lieu d’être sous la protection, donc sous la menace constante des armes des mutins.
Quelle est la différence entre ce dialogue que vous appelez de tous vos vœux et ceux que la Côte d’Ivoire a déjà connus, notamment le forum de réconciliation national ?
La nouveauté de ce Dialogue Politique Inclusif est qu’il va inclure les hommes en armes dans les discussions. Jusqu’ici, tous les dialogues que nous avons connus ne concernaient que les hommes politiques et la société civile. Cette fois, il s’agit d’associer toutes les couches de la société et d’avoir un débat franc et sincère pour permettre à la Côte d’Ivoire de se retrouver.
La situation sécuritaire est explosive : il y a la question du contingent 8400 mais aussi celle des démobilisés sans oublier les ex FDS qui se sentent humiliés et rabaissés dans la nouvelle armée. La Côte d’ivoire est une poudrière politique, sociale, sécuritaire et économique. Il est encore temps de désamorcer tout cela. Faisons preuve de sagesse en allant au dialogue pour la Côte d’Ivoire.
Avec tout ce qui se passe, l’on a l’impression que l’opposition est absente du débat. Quel est votre message aux ivoiriens ?
L’opposition face à tout ce qui se passe à la responsabilité historique de délivrer démocratiquement le peuple de Côte d’ivoire du régime Ouattara. Ce régime est en train de nous conduire droit dans le mur et les conséquences vont impacter plusieurs générations. Nous devons par conséquent sortir des logiques partisanes pour nous mettre ensemble et redonner de l’espoir aux ivoiriens. C’est un appel à l’union et à la responsabilité que je veux lancer à l’endroit de toute l’opposition ivoirienne.
Justement, votre parti est membre d’une nouvelle plateforme de l’opposition dénommée Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS). Quelles missions assignez-vous à cette organisation ?
EDS n’est pas un rassemblement opportuniste pour des ambitions personnelles mais un regroupement idéologique pour redonner espoir aux ivoiriens.
Nous avons une mission vis-à-vis du peuple de Côte d’Ivoire qui est en train de perdre espoir. Il faut absolument obtenir la libération de tous les ivoiriens injustement emprisonnés du fait de la crise post-électorale, favoriser le retour des exilés et reconquérir le pouvoir d’état afin de créer une véritable réconciliation entre les populations ivoiriennes. Il nous faut absolument créer les conditions d’un retour à la démocratie et enclencher le processus de développement de notre pays qui piétine sous le régime RDR.
Votre plateforme aura donc un candidat à l’élection présidentielle de 2020 ?
Cela se discutera le moment venu mais il semble évident que la situation actuelle ne peut pas perdurer et qu’il nous faut mettre fin à cette gouvernance haineuse qui ne fait que retarder le développement de notre pays. C’est de notre responsabilité à tous et nous n’allons pas nous dérober.
Mais comme vous le constatez, la Côte d’Ivoire traverse des heures chaudes depuis des semaines du fait des différentes mutineries et du front social qui ne va pas tarder à se mettre aussi en ébullition. Il y a donc urgence à aller d’abord à un dialogue franc si nous ne voulons pas courir le risque d’un coup de force qui remettrait même en cause l’élection présidentielle de 2020. Nous ne voulons plus de la guerre dans notre pays et c’est pourquoi nous réitérons notre volonté pressante d’ouvrir ce dialogue avec l’opposition significative. Le gouvernement doit entendre raison.
Votre parti a lancé une tournée nationale à l’occasion de son 10ème anniversaire. Comment se déroule t-elle ?
La tournée se déroule très bien. Elle a déjà eu lieu dans la province Ouest (Gagnoa) et la province Sud (Dabou). Nous sommes actuellement à l’étape de la province Est et le meeting se tiendra à Laoudiba ce samedi 27. Partout, nos camarades ont pu constater l’engouement des militants et leur mobilisation extraordinaire parce que cela faisait un petit moment que nous n’étions pas allés à leur rencontre compte tenu de la situation politique.
L’objectif de cette tournée est de faire le bilan du parti avec tous les militants et dégager les perspectives pour les 10 prochaines années et l’apothéose, ce sera au mois d’aout à Abidjan.
En présence du président du parti ?
On verra…
Source : www.ung.ci
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