
Laurent Gbagbo sera-t-il acquitté ? C'est l'espoir de ses avocats, qui viennent d'achever leurs plaidoiries devant la Cour pénale internationale. Mais ce n'est pas du tout le point de vue du procureur et des parties civiles, qui veulent au contraire que le procès de l'ancien chef de l'Etat ivoirien aille jusqu'au bout. Alors, qui a gagné des points lors des audiences de ces deux derniers mois ? La journaliste Stéphanie Maupas, qui est basée à La Haye, a publié aux éditions Don Quichotte Le joker des puissants, le grand roman de la CPI. Elle répond aux questions de RFI.
Rfi : Stéphanie Maupas, est-ce que les audiences d’octobre-novembre ont permis d’en savoir plus sur l’existence ou non d’un plan de Laurent Gbagbo visant les populations civiles pro-Ouattara ?
Stéphanie Maupas : Pas beaucoup plus par rapport à ce qu’avait présenté le procureur depuis le début du procès en 2016. Le procureur explique, effectivement, qu’un plan a été conçu pour permettre à Laurent Gbagbo de conserver le pouvoir. Mais, il a apporté assez peu d’éléments et en fait, lorsqu’il a présenté sa thèse début octobre, il a demandé aux juges de prendre tous les éléments des faits ou des témoignages qui avaient été entendus, les différents faits exposés lors des deux premières années du procès, et d’en déduire qu’il existait un plan commun, qui ciblait les civils favorables à Alassane Ouattara. Et à l’époque, début octobre, il avait expliqué qu’il y a peu de crimes contre l’humanité qui sont commis avec des preuves écrites, qu’il est quand même assez rare qu’un ordre soit donné de cibler des civils et que cet ordre soit donné par écrit. Et il expliquait que, dès lors, il n’avait pas pu obtenir et déposer à la Cour un plan sur papier documenté de cette façon-là, et donc, il demandait aux juges de déduire des différents témoignages, des différents éléments qu’il a pu présenter lors des deux premières années du procès, de l’existence d’un plan commun et donc de crime contre l’humanité.
Donc le procureur a plus procédé par déduction que par l’exposé de preuves directes ?
Effectivement, oui. C’est une faiblesse dont il est bien conscient. C’est une faiblesse qu’il explique par le fait qu’il n’y a pas d’ordre de Laurent Gbagbo signé de sa main, disant qu’il faut cibler les civils favorables à Alassane Ouattara. Et à partir de là, lui-même a déduit et il a demandé aux juges de déduire. Donc, c’est une des difficultés à venir pour les juges.
Du côté de la défense, maintenant, quels sont les éléments qui ont été mis en avant pour essayer de démontrer l’innocence de Laurent Gbagbo ?
Sur le fond, la défense estime que le procureur a déformé l’histoire ivoirienne et notamment parce que le procureur, en présentant sa thèse, garde quasiment sous silence l’existence d’une rébellion. Donc, en fait, pour les avocats de Laurent Gbagbo, les forces de sécurité ivoiriennes ne visaient pas les civils favorables à Alassane Ouattara, mais elles défendaient le pays contre une rébellion.
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