RFI : À deux mois de la présidentielle, la Côte d’Ivoire inquiète à nouveau. C’est tout de même le signe que quelque chose ne va pas.
Mamadou Touré : Toute cette violence à laquelle nous avons assisté est le fait de l’opposition. Notre opposition, elle joue la carte de la déstabilisation. Elle attise aujourd’hui la haine tribale. Elle essaye d’opposer les communautés entre elles. Malgré toutes les avancées que nous avons obtenues, c’est une régression vers l’ivoirité. Cette opposition n’a aucune offre politique, aucune proposition concrète dans ses discours pour les Ivoiriens, pour les populations, pour notre pays.
Mais c’est le fait qu’Alassane Ouattara se représente pour un troisième mandat qui a mis le feu aux poudres.
Non, la candidature d’Alassane Ouattara n’est qu’un prétexte. Cette opposition était dans cette logique avant la candidature du président Ouattara. Nous ne sommes pas inquiets parce qu’après la grave crise post-électorale de 2010, aujourd’hui, nous avons un pays qui a retrouvé ses fondamentaux avec des populations, surtout, qui, elles, veulent la paix et ne sont pas prêtes donc à suivre n’importe quel homme politique dans des aventures qui pourraient faire plonger ce pays.
L’archevêque d’Abidjan, le cardinal Jean-Pierre Kutwa, vient de prendre position dans le débat, il estime que cette candidature du président sortant n’est pas nécessaire. Quelle est votre réaction ?
Beaucoup de nos concitoyens estiment que cette candidature d’Alassane Ouattara est nécessaire. Beaucoup de nos concitoyens s’interrogent sur l’opportunité de l’immixtion des religieux dans le débat politique national.
Le cardinal Kutwa appelle au dialogue, il n’est pas le seul. Que répond le RHDP ?
Personne n’est opposé au dialogue tant que cela est respectueux de l’état de droit et de nos institutions. Maintenant, si la demande de dialogue est un subterfuge de l’opposition pour aboutir à une transition, cela n’est pas acceptable.
Ne serait-ce pas le moyen de régler la question des candidatures de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro ?
Les questions de candidatures sont réglées par la loi et par les institutions en charge des élections, notamment la Commission électorale indépendante et le Conseil constitutionnel.
Mais en 2010, la question de la candidature d’Alassane Ouattara avait été réglée grâce à la médiation sud-africaine. Pourquoi ne pas accepter de tendre la main à vos adversaires politiques ?
La médiation sud-africaine n’a pas entièrement réglé les questions des candidatures en Côte d’Ivoire. Et d’ailleurs je voudrais rappeler qu’en 2010, Alassane Ouattara n’était pas condamné comme le sont aujourd’hui Laurent Gbagbo et Guillaume Soro.
Comment allez-vous garantir des élections apaisées dans de pareilles circonstances ?
D’abord, nous avons une Commission électorale indépendante qui, malgré toutes les pressions exercées par l’opposition, arrive à tenir son calendrier avec un processus transparent, mais surtout nous avons des forces de sécurité qui sont suffisamment aujourd’hui professionnelles pour garantir la paix et la stabilité.
Il est toujours interdit de manifester en Côte d’Ivoire sur la voie publique, n’est-ce pas de nature à envenimer les choses ?
Mais des manifestations sur voie publique qui aboutissent à des pillages ou à des tueries ne sont pas acceptables dans aucun pays dans le monde. L’opposition peut continuer à manifester dans des endroits clos, c’est ce qui a été dit, et en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire en interne, cette mesure pourrait donc évoluer.
Amnesty international affirme que la police permet à des hommes armés de machettes d’attaquer des protestataires.
Le dernier rapport d’Amnesty international est sujet à caution. Ceci étant, toutes les personnes qui ont été mêlées à des actes de violence et à ces tueries, quel que soit leur bord politique, ces personnes répondront devant la loi.
Tout en contestant sa candidature, le PDCI d’Henri Konan Bédié affirme qu’Alassane Ouattara est isolé, qu’il ne peut pas gagner cette présidentielle, mathématiquement. Que répondez-vous ?
J’ai écouté le secrétaire exécutif du PDCI, monsieur Guikahué, qui doit avoir des problèmes avec les mathématiques. Aujourd’hui, au regard des élections intermédiaires en 2018, Alassane Ouattara a une formation politique qui a gagné la majorité des régions, qui a gagné la majorité des communes, avec une forte majorité d’Ivoiriens, près de 60% qui ont opté pour son parti au cours de ces élections. Donc Guikahué doit revoir son calcul mathématique.
C’est vrai que le PDCI est sorti, que l’UDPCI est sorti, que Guillaume Soro est sorti.
Oui, c’est vrai, ils le sont tous, et vous le remarquez, pour des équations personnelles, pour des ambitions personnelles. Mais dans leur cheminement personnel, ces personnalités n’ont pas entrainé avec elles la plupart de leurs militants et cadres. En réalité, ce sont ces personnalités qui se sont exclues et qui se sont auto-isolées dans leur formation politique.
Alassane Ouattara doit être reçu par son homologue français Emmanuel Macron, ici, à Paris. Guillaume Soro demande à la France de se prononcer officiellement sur cette nouvelle candidature d’Alassane Ouattara. Que lui répondez-vous ?
Guillaume Soro n’est pas à une contradiction près. À l’occasion de la visite d’État d’Emmanuel Macron en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro avait dénoncé, à l’époque, l’immixtion d’Emmanuel Macron dans le débat politique national. Nous sommes surpris que Guillaume Soro demande une immixtion du président Macron dans les questions d’élections en Côte d’Ivoire. L’élection du prochain président de la République relève exclusivement de la volonté du peuple ivoirien.
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