Dans un courrier qu’Ivoirematin.com a reçu copie, Me Claver
N’dri, avocat du PDCI-RDA, dévoile la requête déposée devant le Conseil
constitutionnel pour contester la candidature d’Alassane Ouattara.
Ci-dessous le courrier
CHERS IVOIRIENS ET AMIS DE LA CÔTE D'IVOIRE. AFIN QUE NUL
N'EN IGNORE, VOICI LA REQUÊTE DÉPOSÉE DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL POUR
CONTESTER LA CANDIDATURE DE MONSIEUR ALASSANE OUATTARA. LISEZ TRÈS BIEN ET
LENTEMENT. MAIS SURTOUT PARTAGEZ PARTAGEZ PARTAGEZ. LA FORCE PHYSIQUE DOIT
CÉDER DEVANT LA FORCE DES IDÉES ET DE LA PENSÉE.
FORCE DOIT RESTER À LA LOI.
Requête déposée auprès du Conseil Constitutionnel de Côte
d’Ivoire, conformément à l’article 56 de l’Ordonnance n°2020-356 du 8 avril
2020 portant révision du Code électoral
PLAISE A MONSIEUR LE PRESIDENT, MESDAMES ET MESSIEURS LES
CONSEILLERS, COMPOSANT LE CONSEIL COSTITUTIONNEL DE LA REPUBLIQUE DE CÔTE
D’IVOIRE
Les présentes observations sont prises à la requête :
Du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement
Démocratique Africain – en abrégé PDCI-RDA - parti politique au sens de
l’article 1er de la loi n°93-668 du 9 août 1999, dont le siège est à Abidjan
Cocody centre, 8 Boulevard de France, face au Lycée Sainte Marie de Cocody,
agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Le Président
du Parti, Monsieur BEDIE KONAN Aimé Henri, demeurant ès qualité au siège susdit
;
De Monsieur BEDIE KONAN Aimé Henri, né le 01 janvier 1934 à
Dadiékro (DAOUKRO), de nationalité ivoirienne, Planteur, domicilié à Daoukro,
Candidat du PDCI-RDA à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ;
De Générations et Peuples Solidaires – en abrégé GPS,
mouvement citoyen politique, au sens de la loi du 15 septembre 1960 et da la
loi du 9 août 1993, dont le siège est à Abidjan-Cocody, Riviera Golf, Îlot 4,
lot 55C, 04 B.P 2929 Abidjan 04 ;
De Monsieur SORO Kigbafori Guillaume, né le 8 mai 1972 à
Kofiplé (Ferkessédougou) en Côte d’Ivoire, de nationalité ivoirienne, député,
domicilié à Ferkessédougou, candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre
2020 ;
Ensemble, ci-après désignés les recourants ou les requérants
;
Ayant tous pour Conseils :
Maître MESSAN TOMPIEU Nicolas, Avocat au Barreau de Côte
d’Ivoire, demeurant à Abidjan, Cocody, Riviera Golf les CADDIES, Immeuble
Bunker, 1er étage, appartement 742, Tél : 22-43-10-04, Fax : 22-43-08-20 ;
Maître SUY BI GOHORE Emile, Avocat au Barreau de Côte
d’Ivoire, demeurant à Abidjan, Cocody – Cité des Arts, en face de l’Eglise
UEESO-CI, derrière la Pharmacie COMOE, Bâtiment C, Escaler C, 3ème étage, Tél.
: 22.54.73.10 / 52.32.33.17, Mail : [email protected] ;
Maître Emmanuel MARSIGNY, Avocat au Barreau de Paris,
demeurant 189 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris, tél : 00 33 1 53 71 20 00,
Mail : [email protected];
Maître Romain DUPEYRE, Avocat au Barreau de Paris, demeurant
137-139, rue de l’Université, 75007 Paris, tél : 00 33 1 40 69 26 50, Mail :
[email protected];
Maître DIALLO SOULEYMANE et ASSOCIES, Avocat au Barreau de
Côte d’Ivoire, Cocody Cité Villas Cadres, Villa BT 62, Angle Sud-Ouest des rues
C62 et C37, 08 BP 1215 Abidjan 08, tél : 00 225 22 44 26 02, Mail :
[email protected] ;
Maître Robin BINSARD, Avocat au Barreau de Paris, demeurant
215 rue du Faubourg Saint Honoré, 75008 Paris, tél : 00 33 9 72 17 94 59, Mail
: [email protected] ;
Maître Affoussy BAMBA, Docteur en Droit, Avocat au Barreau
de Paris, demeurant 22, Avenue de Versailles, 75016 Paris, tél : 00 33 1 42 15
27 81, Mail : [email protected] ;
Avant d’articuler les moyens et arguments devant conduire
assurément au bien-fondé de leurs observations (II), les requérants entendent
rassurer la Haute Juridiction qu’en la forme, la recevabilité de la présente
requête ne saurait souffrir de la moindre brume de quelque infime doute que ce
soit (I) ;
EN LA FORME : LA PRESENTE REQUETE EST RECEVABLE COMME ETANT
INTERVENUE DANS LES FORME ET DELAI LEGAUX
De première part, l’article 126 in fine de la loi n°2016-886
du 08 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire,
dispose que « Le Conseil Constitutionnel est Juge du contrôle de l’élection
présidentielle… » ;
Aussi, l’article 127 du même texte – la Constitution du 08 novembre
2016– ajoute qu’il statue « sur l’éligibilité des candidats à l’élection
présidentielle » ;
L’objet de la présente requête est relatif à l’éligibilité
d’un candidat, en l’occurrence, Monsieur Alassane OUATTARA, à l’élection du
Président de la République de Côte d’Ivoire ;
Dans ces conditions, il doit être conclu que c’est fort à
raison que le PDCI-RDA et Monsieur BEDIE KONAN Aimé Henri, ainsi que le GPS et
Monsieur SORO Kigbafori Guillaume, adressent leurs observations sur
l’éligibilité du ci-avant candidat au Conseil Constitutionnel ;
De deuxième part, il ressort des termes formels et précis de
l’article 56 de l’Ordonnance n°2020-356 du 8 avril 2020 portant révision du
Code électoral que :
« Dès réception des candidatures, celles-ci sont publiées
par le Conseil constitutionnel. Les candidats ou les partis politiques les
ayant investis éventuellement, adressent au Conseil constitutionnel leurs
réclamations ou observations dans les soixante-douze heures suivant la
publication des candidatures. (…)
Le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats
après vérification de leur éligibilité.
Il arrête et publie la liste définitive des candidats
quarante-cinq jours avant le premier tour du scrutin » ;
Sans faire une savante exégèse de cette disposition légale,
il apparaît clairement que :
Primo, les observations sur l’éligibilité devant le Conseil
Constitutionnel sont portées, en ce qui concerne la qualité pour agir, par les
candidats à l’élection présidentielle ou les partis politiques les ayants
investis ;
Secundo, le délai imparti pour déposer lesdites observations
auprès du Conseil Constitutionnel est de soixante-douze (72) heures à compter
de la publication d’une liste provisoire des candidatures par le Conseil
Constitutionnel ;
La présente requête valant observations aux fins de
contestation de l’éligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA est soumise au
Conseil Constitutionnel par le PDCI-RDA, le parti politique qui a investi le
candidat BEDIE KONAN Aimé Henri à l’élection présidentielle d’octobre 2020 et
ce candidat lui-même, ainsi que par le GPS, l’un des mouvements politiques
ayant investi le candidat SORO Kigbafori Guillaume à l’élection présidentielle
d’octobre 2020 et ce candidat lui-même ;
Pièce n° 1 : Lettre d’investiture du candidat BEDIE KONAN
Aimé Henri par le PDCI-RDA à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.
De plus, le candidat BEDIE KONAN Aimé Henri figure bien sur
la liste des candidats publiée par le Conseil Constitutionnel ;
Il s’infère que le PDCI-RDA et le candidat BEDIE KONAN Aimé
Henri ont la qualité requise pour déférer la présente requête au Conseil
Constitutionnel ;
Bien que ne figurant pas sur la liste électorale, puisque
c’est à tort et aux mépris de l’ordonnance en date du 22 avril 2020 de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
(Pièce n° 2 : Ordonnance en date du 22 avril 2020 de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et Acte de notification à l’Etat
de Côte d’Ivoire)
qu’un tel retrait a été rendu possible, Monsieur SORO Kigbafori
Guillaume figure sur la liste des candidats publiée comme Candidat de
Générations et Peuples Solidaires. Des observations en vue de sa réintégration
sur la liste électorale ont d’ailleurs été formulées et introduites auprès du
Conseil Constitutionnel ;
Dès lors, le GPS et le candidat SORO Kigbafori Guillaume ont
également qualité pour agir par-devant le Conseil Constitutionnel ;
En ce qui regarde le délai pour agir, la circonstance qui le
fait courir – la publication d’une liste provisoire par le Conseil
constitutionnel – ainsi que son terme ont été rapportés par le quotidien
Fraternité Matin, digne de foi sur les questions d’informations d’un tel ordre
;
Le Quotidien Fraternité Matin dans son numéro 16 709 du
vendredi 4 septembre 2020 restituait ainsi, la substance d’un communiqué du
Conseil Constitutionnel dont il a affirmé en avoir reçu copie ;
Pièce n°2 : Extrait du numéro 16 709 du vendredi 4 septembre
2020 du Quotidien Fraternité Matin, première de couverture et page 8
Le Quotidien Le nouveau Réveil dans sa parution n°5554 du
vendredi 04 septembre 2020 a quant à lui le mérite d’avoir reproduit, in
extenso, le communiqué émanant du Président du Conseil Constitutionnel, en date
du jeudi 03 septembre 2020 ;
Pièce n°3 : Extrait du numéro 5554 du vendredi 4 septembre
du quotidien Le nouveau Réveil, première de couverture et page 7
Il faut en retenir que, d’une part, le Conseil
Constitutionnel a publié une liste de « quarante-quatre candidats » et, d’autre
part, que le délai pour soumettre les réclamations ou observations à la Haute
Juridiction Constitutionnelle expire le « Dimanche 08 septembre 2020 » ;
En conséquence, le Conseil Constitutionnel déclarera
recevables la présente requête ;
Mieux encore, il la dira bien fondée pour les raisons
développées ci-après ;
AU FOND : LA PRESENTE REQUÊTE EST JURIDIQUEMENT BIEN-FONDEE
EN TELLE MANIERE QU’ELLE NE PEUT QU’ABOUTIR AU REJET DE LA CANDIDATURE
ANTICONSTITUTIONNELLE DE MONSIEUR ALASSANE OUATTARA
A partir de la référence au principe de la continuité législative,
de l’explicitation de son sens et de sa portée (A), l’inéligibilité criante de
Monsieur Alassane OUATTARA devient, en sus d’une vérité juridiquement
imparable, une vérité de La Palice (B) ;
La Constitution du 08 novembre 2016 consacre une continuité
législative en son article 183
La bonne intelligence de la présente requête commande des
observations préalables sur le sens que renferme le principe de la continuité
législative et ses implications (1) avant d’indiquer que le Conseil
Constitutionnel a déjà tranché sur la portée de la continuité législative et
l’a éloquemment fixée (2) ;
Précisions utiles sur le sens du principe de la continuité
législative
D’emblée, il est impérieux de faire observer que la Côte
d’Ivoire, en tant que réalité juridique - Etat souverain sous la forme
républicaine - existe depuis le 07 août 1960 ;
Ainsi, en tant qu’Etat nouveau, elle fut dotée de sa
première constitution par la loi n°60-356 du 3 novembre 1960. Ce fut la 1ère
République ;
Par la suite, après le coup d’Etat du 24 décembre 1999, une
nouvelle constitution est intervenue par la loi n°2000-513 du 1er août 2000. Il
est communément accepté qu’était ainsi née la 2ème République ;
Enfin, plus récemment, par la loi n°2016-886 du 8 novembre
2016, la Côte d’Ivoire se dotait de la troisième constitution de son histoire ;
ce qui amena nombre de commentateurs à considérer que la Côte d’Ivoire avait
basculé ainsi sous l’empire d’une 3ème République ;
En tout état de cause, dès lors où ces trois Républiques se
sont succédées au sein d’une même réalité juridique – l’Etat de Côte d’Ivoire -
qui n’a jamais cessé d’exister depuis 1960, la question du sort de la loi dans
le temps, bien sûr la loi entendue dans son sens le plus large en tant que
réalité normative – principes constitutionnels, principes généraux de droit,
lois organiques, lois ordinaires, décrets, arrêtés… - se pose naturellement ;
Cette question est réglée en droit par la règle, bien connue
en Droit constitutionnel, dite de la continuité législative qui veut que
l’ordre juridique ancien continue à déployer ses effets lorsqu’il n’a rien de
contraire à l’ordre juridique nouveau ;
Ainsi, même la Constitution du 3 novembre 1960 qui dotait
l’Etat nouveau de la Côte d’Ivoire d’une nouvelle Constitution n’a pas fait une
abstraction totale de la période coloniale, eu égard notamment aux droits qui y
avaient été acquis, en consacrant le principe de la continuité législative en
son article 76 ;
Pièce n°4 : Loi n°60-356 du 3 novembre 1960 portant
Constitution de la République de Côte d’Ivoire
Dans le même ordre, la Constitution du 1er août 2000 a
consacré le principe de la continuité législative par son article 133 ;
Pièce n°5 : Loi n°2000-513 du 1er août 2000 portant
Constitution de la République de Côte d’Ivoire
Egalement, la dernière-née des Constitutions ivoiriennes a
consacré le principe de la continuité législative prévue en son article 183 ;
En réalité, le sens et les implications du principe de la
continuité législative n’ont jamais posé de peine dans la mesure où la loi est
entendue lato sensu ;
Néanmoins, il est arrivé que le débat se cristallise sur la
portée de la continuité législative pour savoir si elle concernait uniquement
les textes et principes infra-constitutionnels – lois, décrets, arrêtés…préexistant
à la nouvelle Constitution - ou si, au-delà, elle intégrait les principes et
règles de valeur constitutionnelle contenus dans les précédentes Constitutions
;
A ce sujet, le Conseil Constitutionnel de Côte d’Ivoire a
fixé sa position, guidée non seulement par la saine application du Droit, mais
également par la logique et le bon sens, à travers une Décision de principe
remarquable et retentissante du 23 août 2018, sous la référence DECISION N°CI
2018-008/DCC/23-08/CC/SG, dont il convient de mettre en lumière quelques bribes
fort persuasives ;
Le Conseil constitutionnel a déjà tranché sur la portée de
l’article 183 de la Constitution à travers sa DESICION N°CI
2018-008/DDC/23-08/CC/SG du 23 août 2018
Il n’apparaît pas nécessaire de rappeler ici tous les faits
dont l’appréciation a abouti à la DESICION N°CI 2018-008/DDC/23-08/CC/SG,
laquelle est d’ailleurs produite dans son intégralité ;
Pièce n°6 : DESICION N°CI 2018-008/DDC/23-08/CC/SG du 23
août 2018, librement accessible et disponible sur le site internet de la Haute
Juridiction Constitutionnelle de Côte d’Ivoire ;
Toutefois, il demeure plus qu’impérieux de préciser le
contexte dans lequel cette décision a été rendue ;
La DESICION N°CI 2018-008/DDC/23-08/CC/SG du 23 août 2018 a
été rendue par le Conseil Constitutionnel, courant année 2018, c’est-à-dire à
un moment où la loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de la
République de Côte d’Ivoire était déjà entrée en vigueur ;
De ce point de vue, le contexte dans lequel la DESICION N°CI
2018-008/DDC/23-08/CC/SG du 23 août 2018 est intervenue et celui dans lequel
intervient la présente requête sont, de toute évidence, identiques ;
Ce préalable étant rappelé, il importe de mettre en exergue
la position du Conseil Constitutionnel de la République de Côte d’Ivoire sur la
portée du principe de la continuité législative au travers de la Décision
précitée ;
On constate dès lors, qu’à la deuxième page de la DESICION
N°CI 2018-008/DDC/23-08/CC/SG du 23 août 2018, figure un considérant très
explicite :
« Considérant,
cependant, que l’article 183 de la Constitution prescrit que ‘’ la législation
actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention
de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente
constitution’’ » ;
Puis, la Haute Juridiction Constitutionnelle renchérit pour
affirmer expressis verbis : « Considérant que la législation actuellement en
vigueur en cette matière est l’article 95 de la Constitution du 1er août 2000 »
;
Tout est dit et se passe de savants commentaires ;
En conséquence, conformément à la Jurisprudence du Conseil
Constitutionnel de Côte d’Ivoire, le principe de la continuité législative
prend en compte, au-delà des normes infra-constitutionnels, les normes et
principes constitutionnels antérieurs en ce qu’ils ne sont pas contraires à
l’Ordre constitutionnel nouveau ;
Sous le bénéfice des observations qui précèdent, il convient
d’apprécier la candidature de Monsieur Alassane Dramane OUTTARA, en
appréhendant avec précision la question de la limitation à deux du nombre de
mandats possibles pour un Président de la République de Côte d’Ivoire ;
La candidature de Monsieur Alassane OUATTARA doit être
manifestement rejetée par le Conseil Constitutionnel eu égard au principe à la
fois constitutionnel et légal de la limitation à deux, des mandats
présidentiels possibles pour une même personne
Les observations ci-après sont faites sur la base de la
Constitution et de la loi. Ce qui est, en soi, une stricte analyse juridique,
nécessaire et suffisante (1).
Toujours est-il, qu’il ne semble pas inopportun de convoquer
chronologiquement les opinions autorisées et incontestables du rédacteur en
chef de la Constitution du 8 novembre 2016, du Commissaire du Gouvernement
chargé de présenter et d’expliquer le projet dudit texte au Parlement et d’un
doctrinaire qui fait autorité en la matière (2), lesquels ont, au reste, tous
eu à se prononcer publiquement sur la question de l’éventualité d’un mandat du
Président sortant en 2020 ;
L’application combinée des articles 55 et 183 de la
Constitution et de l’article 43 du Code électoral
Ainsi qu’il a été précédemment démontré, l’article 183 de la
Constitution du 8 novembre 2016 autorise l’invocation et la prise en compte de
la Constitution et de l’ensemble des lois lui ayant préexisté ;
Premièrement, sous un aspect hautement constitutionnel,
c’est l’article 35, alinéa 1 de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000 qui
a posé, pour la première fois en Côte d’Ivoire, le principe de la limitation du
nombre de mandats présidentiels à deux.
Confère pièce n°5
Dès lors, pour saisir le sort de ce principe à ce jour et
son impact sur les mandatures déjà exercées par le candidat Alassane OUATTARA,
la seule et unique question qui vaille est de savoir s’il est en contrariété
avec la Constitution du 8 novembre 2016.
La réponse sans appel, aisée est : NON ….Non et Non.
Le principe de la
limitation des mandats présidentiels à deux n’est pas contraire à la
Constitution du 8 novembre 2016. Mieux, il est réaffirmé au travers de
l’article 55, alinéa 1 de ladite Constitution qui dispose :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au
suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. »
Dans ces conditions, il y a lieu d’affirmer, sans aucune
discussion possible, que depuis son introduction dans l’ordre juridique de
l’Etat de Côte d’Ivoire en août 2000, le principe de la limitation des mandats
du Président de la République à deux existe, et continue de s’appliquer à ce
jour.
Ce principe s’applique au candidat Alassane OUATTARA et ne
lui permet pas de briguer un troisième mandat à la magistrature suprême de la
République de Côte d’Ivoire.
Deuxièmement, sous un aspect simplement légal, le même
raisonnement vaut dans la mesure où la limitation des mandats à deux n’est pas
qu’une règle constitutionnelle. Elle est également reprise dans la loi depuis
deux décennies, sans discontinuer.
En effet, le principe de la limitation des mandats
présidentiels à deux est également prévu dans les lois ivoiriennes, et plus
précisément dans le Code électoral porté par la loi n°2000-514 du 1er août 2000
qui dispose en son article 43 :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au
suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois » ;
Pièce n°7 : Loi n°2000-514 du 1er août 2000 portant Code
électoral
Toutes les modifications ultérieures du Code électoral
opérées par les Ordonnances n°2000-801 du 5 novembre 2000, n°2001-34 du 21
janvier 2001, les lois n°2015-216 du 02 avril 2016 et 2016-840 du 18 octobre
2016, ainsi que la récente révision réalisée par l’Ordonnance n°2020-356 du 8
avril 2020, n’ont jamais abrogé l’article 43 du Code électoral, ni même, au
grand jamais, altéré l’esprit et la lettre de cette disposition.
Pièce n°8 : Les Ordonnances n°2000-801 du 5 novembre 2000 et
n°2001-34 du 21 janvier 2001 ainsi que les lois n°2015-216 du 02 avril 2016 et
2016-840 du 18 octobre 2016
Ainsi la Constitution et le Code électoral interdisent à
Monsieur Alassane OUATTARA d’être candidat à l’élection présidentielle
prochaine : Monsieur Alassane OUATTARA n’est pas éligible à l’élection du
Président de la République du 31 octobre 2020 du fait du principe de la
limitation des mandats présidentiels à deux qui s’applique en Côte d’Ivoire,
sans interruption, depuis l’année 2000.
Aucune disposition de la Constitution du 8 novembre 2016 ne
prévoit qu’à titre exceptionnel, Monsieur Alassane OUATTARA ne devrait pas se
voir appliquer les dispositions de l’article 55 de cette constitution…Bien au
contraire, l’article 183 a réglé la question en optant pour la continuité
législative, notamment sur la question de la limitation des mandats à deux.
Au surplus, si l’article 183 n’avait pas existé et que
Monsieur Alassane Ouattara pour être cohérent avait démissionné parce qu’élu
sous l’ancienne Constitution, une fois que la nouvelle a été promulguée, son
second mandat serait devenu caduc. Si tel avait été le cas et qu’il avait
décidé de se représenter et qu’il avait été élu, son 1er mandat sous l’égide de
la Nouvelle Constitution aurait commencé après son élection, et la prochaine
élection présidentielle en Côte d’Ivoire aurait été organisée, non en 2020,
mais à la fin de son premier mandat obtenu après l’entrée en vigueur de la
constitution du 08 novembre 2016 ;
L’argument de la continuité des mandats est enfin conforté
par l’article 179 :
« Le Président de la
République en exercice à la date de la promulgation de la présente Constitution
nomme le Vice-Président de la République ».
En se référant au Président « en exercice », la Constitution
du 8 novembre 2016 acte l’existence des précédents mandats. L’édiction d’une
nouvelle constitution ne les a donc pas effacés ;
En considération de ce qui précède, le Conseil
constitutionnel rejettera purement et simplement la candidature de Monsieur
Alassane OUATTARA comme contraire à l’article 55 de la Constitution du 8
novembre 2016 et à l’article 43 du Code électoral et n’accordera aucune prime à
l’incurie juridique consistant à exciper d’un prétendu premier mandat de la troisième
République.
Au regard des déclarations publiques et convergentes
d’opinions autorisées
Dans l’ordre logique et chronologique, il sera ici fait
mention des déclarations des opinons autorisées ci-après :
Le Professeur OURAGA OBOU Boniface, en sa qualité de
Président du Comité des Experts en charge de la rédaction de la Constitution du
8 novembre 2016 ;
Monsieur SANSAN Kambilé, Garde des Sceaux, Ministre de la
Justice, en sa qualité de Commissaire du Gouvernement chargé de présenter et
d’expliquer le projet de la Constitution du 8 novembre 2016 au Parlement ;
Le Professeur BLEOU DJEZOU Martin, en sa qualité d’Agrégé de
Droit public et de science politique, de Professeur Titulaire des Universités
et de spécialiste de Droit Constitutionnel en général et du Droit
Constitutionnel ivoirien en particulier ;
Pour le premier – Le Professeur OURAGA Obou Boniface - c’est
la Tribune d’une conférence de Presse tenue le 8 octobre 2016 qui fut choisie
pour informer les ivoiriens sur l’esprit et la lettre du Projet de constitution
qui venait d’être rédigé par le Comité d’Expert qu’il présidait ;
Ainsi, dans sa parution n°15550 du 10 octobre 2016, le
Quotidien Fraternité Matin a rendu compte des déclarations du Professeur OURAGA
Obou Boniface tenues au cours de ladite conférence ;
Pièce n°9 : Extrait du numéro 15550 du 10 octobre 2016 du
Quotidien Fraternité Matin restituant les déclarations du Président du Comité
d’Experts en charge de la rédaction de la nouvelle Constitution de 2016
Le Quotidien Fraternité Matin rapporte les propos du
Professeur OURAGA Obou qui n’ont jamais fait l’objet de démenti et qui laissent
entendre :
« Depuis environ quatre mois, j’échange presqu’au quotidien
avec le Président de la République. Je puis vous assurer qu’il respectera la Constitution
et ne briguera pas un autre mandat » ;
Selon le Quotidien Fraternité Matin, « Le Pr Ouraga Obou
répondait ainsi à tous ceux qui font un procès en sorcellerie au Président
Alassane Ouattara, l’accusant de vouloir mettre en place une Constitution
taillée sur mesure et surtout qu’il voudrait par cet artifice juridique, se
prévaloir de la non-rétroactivité de la loi pour briguer un nouveau mandat en
2020 » ;
Et le Quotidien Fraternité Matin de poursuivre : « Pour lui,
le projet de Constitution qui est pendant devant le Parlement est clair sur la
question : toutes les dispositions antérieures qui ne sont pas contraires aux
nouvelles ne sont pas abrogées ».
Le Professeur OURAGA Obou précise enfin que : « Il y a la
continuité législative dont il est question dans l’article 183. Il n’y a donc
pas de suspension. Et cela s’impose à tous. Au regard de l’article 183, ce
n’est pas parce qu’il y aura la nouvelle Constitution, que tout ce qui existait
avant sera caduc… » ;
Ainsi, conformément au principe de continuité législative,
le Président de la République qui est à son second mandat ne peut en briguer un
autre, dès lors que la Loi fondamentale le lui interdit.
Voici qui est clair et net.
Pour la deuxième personnalité – Le Ministre SANSAN Kambilé –
la réponse qu’il donne, en sa qualité de Commissaire du Gouvernement, à un
Député sur la question de l’éventuelle candidature de Monsieur Alassane
OUATTARA en 2020 fait l’objet d’une vidéo disponible sur la page You tube de la
Web Télévision dénommée IVOIR TVNET, laquelle a été retranscrite par écrit dans
l’acte de Commissaire de Justice ci-dessous produit ;
Pièce n°10 : Procès-verbal de retranscription de la réponse
à un Député du Commissaire du Gouvernement, Garde des Sceaux, Ministre de la
Justice sur la question d’un éventuel mandat du Président de la République en
exercice à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020
La réponse sans Ambages de l’Homme de loi tient en quelques
lignes, ainsi qu’il suit :
« Je vous remercie de la clarté de la question que vous
venez de poser. En fait, vous subodorez que le Président de la République
entend être candidat en 2020.
Monsieur Le Député, Son Excellence Monsieur Le Président de
la République a toujours dit qu’il ne sera pas candidat en 2020.
C’est un Homme de parole et je tiens à vous rappeler…Je
pourrai vous démontrer comment il lui sera impossible d’être candidat en 2020.
Et vous savez tous les exemples que vous avez cités …Tous
les pays dans lesquels les Chefs d’Etat ont entendu se maintenir au pouvoir, on
fait la réforme constitutionnelle avant les élections, avant les élections, on
fait la réforme constitutionnelle avant les élections…Pas après.
On fait sauter le verrou avant et on va aux élections.
Et donc, je peux vous rassurer. Je ne vais pas trahir ou bien
violer la règle édictée par le Député Saraka en cherchant à vous démontrer
techniquement et juridiquement pourquoi cela est impossible.
Mais, je peux vous rassurer Monsieur Le Député, cela n’est
pas vrai. Je peux vous rassurer » ;
Comme on le voit, le Commissaire du Gouvernement qui portait
la voix de l’Exécutif devant l’organe Législatif ne pouvait être plus explicite
qu’il ne l’a été sur le fait qu’une candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à
l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 était et demeure juridiquement
impossible.
S’agissant de la troisième opinion – celle du Professeur
BLEOU DJEZOU Martin - toute aussi autorisée que les deux précédentes, la
position éclairée et éclairante du Doctrinaire sur le nouveau mandat qu’entend
briguer le Président de la République en exercice, a fait l’objet d’une large
diffusion par tous les canaux possibles ;
Cependant, les requérants estiment judicieux de la produire
au soutien de leur requête valant observations aux fins de contestation de
l’éligibilité du candidat Alassane OUATTARA, celle-ci étant disponible
notamment sur le site iciabidjan.com ;
Pièce n°11 : Analyse du Professeur BLEOU Martin, en date du
24 juillet 2020, reprise in extenso par le site internet d’informations en
ligne dénommé « iciabidjan.com »
Il en ressort que le principe constitutionnel de la
continuité législative y est repris.
Le Professeur va même au-delà pour servir une analyse
juridique circonspecte et scrupuleuse non sans y laisser une ébauche de Droit
comparé, avant d’arriver à la conclusion que le principe constitutionnel de la
limitation du nombre de mandats présidentiels « existant de façon continue
depuis 2000, ce principe s’applique de façon continue depuis 2000.
Ainsi les deux
mandats présidentiels, obtenus respectivement en 2010 et 2015, tombent sous le
coup du principe de la limitation. Il suit de là que l’argument tiré du
changement de constitution ne saurait, en aucune manière, justifier une
quelconque table rase du passé ni servir de base à l’information selon laquelle
les compteurs auraient été remis à zéro. »
Pour tout dire, à aucun moment, la candidature de Monsieur
Alassane OUATTARA ne parvient à avoir un fondement juridique légal.
Somme toute, le Conseil constitutionnel dira le Droit et
fera Justice en rejetant la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA au terme
du présent contentieux de l’éligibilité.
La liste définitive à venir, conformément à l’article 56 in
fine du Code électoral, ne doit donc pas compter en son sein les nom et prénom
du Président de la République en exercice, illégalement candidat à sa propre
succession.
La liste définitive des candidats à venir, conformément à
l’article 56 in fine du Code électoral, ne doit donc pas compter en son sein
les nom et prénom du Président de la République en exercice, illégalement
candidat à sa propre succession, pour un troisième mandat ;
PAR CES MOTIFS,
PLAISE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
En la Forme :
Déclarer recevable la requête présentée par le PDCI-RDA, et
le candidat BEDIE KONAN Aimé Henri, ainsi que le GPS et le candidat SORO
Kigbafori Guillaume, valant observations aux fins de contestation de
l’éligibilité du Candidat Alassane OUATTARA à l’élection du Président de la
République de Côte d’Ivoire du 31 octobre 2020 ;
Au Fond :
Les y dire bien fondés ;
Dire et juger Monsieur Alassane OUATTARA inéligible à
l’élection du Président de la République de Côte d’Ivoire du 31 octobre 2020 ;
En conséquence, rejeter la candidature de Monsieur Alassane
OUATTARA, comme non conforme à la Constitution et au Code électoral.
Ainsi sera Justice !
Pour respectueuse requête
Abidjan, le 06 septembre 2020
Pour le Collège des Conseils des Requérants
Maître SUY BI GOHORE Emile
Maître Affoussy BAMBA
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