Le verdict du premier procès lié à la mutinerie des nouvelles recrues de l’armée ivoirienne, en janvier 2017, est tombé en fin d’après-midi, le mardi 3 juillet 2018, au Tribunal militaire d’Abidjan. Deux gendarmes poursuivis pour les faits de vol de nuit à main armée, atteinte à l’ordre public, violation de consigne et participation à un mouvement insurrectionnel, ont écopé chacun d’une peine de 6 mois de prison ferme et 50.000 F d’amende.
Plus d’un an après les faits, des hommes en armes impliqués dans les tirs dans plusieurs villes du pays pour réclamer à l’Etat le paiement de primes de guerre se retrouvent devant la justice. Les premiers à tomber dans le filet du Tribunal militaire d’Abidjan sont deux gendarmes en poste à la brigade du Port de San-Pedro au moment des faits. Il s’agit du maréchal des logis/chef (Mdl/c) Kuyo Konéza Ange Michaël et du Mdl Guino Jean Marial, frère cadet de l’artiste Dézy champion. Tous les prévenus ont comparu, hier mardi, à Cocody-Angré, devant le Tribunal militaire d’Abidjan, siégeant dans sa grande salle d’audience.
Peu après l’ouverture de l’audience, à 12h07, le greffier du jour donne la lecture des chefs d’accusation. L’on relève notamment ‘’vol de nuit à main armée’’, ‘’atteinte à l’ordre public’’, ‘’violation de consigne’’ et ‘’participation à un mouvement insurrectionnel’’. De quoi s’agit-il ? Courant janvier 2017, précisément le 18 janvier, la mutinerie, éclatée à Abidjan suite à l’accord portant octroi d’une prime de 12 millions F cfa aux soldats-mutins issus du contingent des 8400 nouvelles recrues de l’armée ivoirienne, touche toutes les grandes villes du pays. San Pedro, deuxième ville portuaire, n’est pas en reste le 18 janvier 2017. Ce jour, des armes à feu crépitent dans la ville. Parmi les présumés auteurs, se trouvent les deux prévenus. Dans son réquisitoire à leur encontre, l’accusation, par la voix du procureur militaire Losséni Dosso, rappelle que le jour des faits, des hommes en armes et en tenues de service arrachent à un automobiliste, son véhicule de type 4X4, alors que ce dernier avait stationné au corridor 3S de la ville pour se soumettre au contrôle. Par corridor 3S, il faut entendre le carrefour de l’entrée de la ville portuaire dont une autre voie mène à Sassandra et la dernière à Soubré.
« C’est à bord de ce véhicule que les occupants se sont rendus à la Légion puis à la Compagnie, où ils ont forcé le portail. Et une fois, à l’intérieur, ils ont procédé à des tirs », charge le Parquet, dont l’un des témoins, dont nous gardons l’identité, qui tenait la garde le jour des faits, à la Légion située au quartier Séwéké, enfonce le clou. « Ils portaient des cagoules. Une fois à l’intérieur du service, ils ont tiré en l’air et ont demandé des volontaires », témoigne-t-il. « C’est un complot monté contre moi. Et je sais que je ne vais pas m’en sortir. Je ne serai pas surpris si je suis condamné», réplique Mdl/c Kuyo Konéza, qui se voit tancé immédiatement par le juge-président du jury, Kouadio Koffi, qui lui reproche de nier même des évidences. « Vous avez fait des déclarations à la brigade du Port de San Pedro. Vous avez signé la fiche de votre audition et vous venez dire ici que vous ne reconnaissez pas vos propres propos ? Ce n’est pas malin de nier des évidences », se plaint le juge-président du jury.
Bien avant, le Parquet ajoute que lors de l’interrogatoire par sa hiérarchie sur place, Mdl Guino a avoué avoir participé aux tirs en ville et a désigné son co-accusé comme étant son complice. Mieux, il indiquait le lieu où se trouvait le gilet pare-balles pris lors de leur passage dans le véhicule volé à la brigade située au quartier Séwéké. « Guino a indiqué le lieu où il avait mis le gilet pris quand ils sont venus à la brigade de Séwéké. Il a cité Kuyo Konéza, qui affirme qu’il était chez sa copine. Cette dernière affirme qu’elle ne l’a pas vu le jour des faits. A la barre, ici, il dit qu’il a dormi seul chez sa copine et renie ses premières déclarations. Il veut se jouer du Tribunal », se fâche le procureur, qui va requérir une peine de 36 mois de prison ferme.
Relaxe rejetée. La défense, de son côté, par la voix de Me Guina, plaide la relaxe. Et ce pour délit non constitué, sur la base du bénéfice du doute. « Personne n’a pu prouver ici formellement que les deux accusés étaient ceux qui ont tiré la nuit des faits. Le bénéfice du doute doit leur profiter », argue Me Guinan, qui balaie également du revers de la main le chef d’accusation de participation à un mouvement insurrectionnel. Il soutient que le mouvement de mutinerie ne visait pas le changement de régime politique mais était motivé plutôt par des revendications de primes. Sur ce point, il a été suivi par le jury. Après avoir délibéré pendant plusieurs heures, le président Kouadio Koffi a cassé cette accusation. En revanche, dira-t-il, « le jury reconnait les accusés coupables des faits de vol de nuit à main armée, atteinte à l’ordre public, violation de consigne. Et leur reconnait des circonstances atténuantes. En répression, les condamne à 6 mois de prison ferme et à 50.000 F cfa d’amende chacun ». Leur sort scellé, les deux prévenus reprennent leur place dans le box des accusés en attendant leur transfert à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).
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